Après une légère accalmie, la contestation a repris de plus belle ce vendredi en Syrie, notamment dans la ville rebelle de Deraa, où pas moins de trente-sept personnes ont été tuées par balle par les forces de sécurité de Bachar El-Assad, qui ont ouvert le feu sur les manifestants.
Malgré les promesses d’ouverture politique et de levée de l’état d’urgence en vigueur en Syrie depuis 1963, le régime de Bachar El-Assad continue à réprimer sauvagement les soulèvements populaires réclamant davantage de liberté. Vendredi, une nouvelle démonstration de force a été faite par l’armada du pouvoir à Deraa, d’où sont parties les premiers cris de contestation, en tuant par balle trente-sept manifestants. C’est ce qu’affirmait hier Ammar Qorabi, le président de l’Organisation nationale pour les droits de l’homme (ONDH).
“Des manifestations pacifiques appelant à la liberté se sont déroulées vendredi dans les différentes régions syriennes, notamment à Deraa dans le sud”, a-t-il déclaré, avant d’ajouter : “Les autorités syriennes ont réprimé avec violence ces manifestations en utilisant des grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles sur les civils désarmés, tuant et blessant des dizaines de personnes.” Pour donner plus de crédit à ses déclarations, il a dressé une liste nominative de trente personnes tuées à Deraa, située à 100 km au sud de Damas, et souligné que les autorités “avaient empêché le transport des blessés à l’hôpital principal de la ville”.
Le même jour, à Homs, à 160 km au nord de Damas, les autorités ont dispersé une manifestation près de la Grande Mosquée “en faisant usage également de balles réelles”, faisant trois morts et deux blessés.
Dans la province de Damas, les autorités ont aussi tiré à balles réelles sur les manifestants, tuant trois personnes à Harasta et une autre à Douma, a ajouté la même source, tout en insistant sur le fait qu’“il s’agit de violations flagrantes des droits et des libertés”. Qorabi a demandé aux autorités de laisser les journalistes et les télévisions satellitaires couvrir les événements. “Il est nécessaire de remplacer la solution sécuritaire décidée par les autorités par une politique qui réponde aux revendications des manifestants, en leur permettant de manifester librement et en libérant des centaines de personnes qui avaient été arrêtées lors de ces manifestations”, a-t-il notamment affirmé.
Cela étant, les habitants de Deraa et des villages environnants, épicentre de la contestation en Syrie, ont enterré hier leurs morts mais les funérailles sur fond de grogne. “Après la prière de la mi-journée, ils se préparent à enterrer au moins 17 morts de Deraa, tués vendredi, mais avec ceux des villages voisins le chiffre atteint 27”, a affirmé au téléphone un militant des droits de l’homme de cette ville située à 100 km au sud de Damas.
Dans cette ville rurale de 85 000 habitants, à 100 km au sud de Damas, tous les magasins étaient fermés et les rues étaient vides hier. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a affirmé vendredi que 19 membres des forces de l’ordre avaient été tués et 75 blessés par des tirs de “groupes armés” à Deraa, et la télévision syrienne a montré un groupe de sept ou huit jeunes cagoulés tenant chacun un revolver. Dans la nuit, le ministère a publié un communiqué annonçant que les forces de sécurité réagiraient désormais durement : “Afin de préserver la sécurité de la patrie, des citoyens et des institutions publiques, les autorités syriennes vont faire face à ces comploteurs, poussés par des parties étrangères, à ceux qui les manipulent, en appliquant la loi sur le port d’armes.” Jusqu’à présent, “les militaires et les agents de sécurité se sont abstenus d’ouvrir le feu, ce qui a causé un grand nombre de morts et de blessés parmi eux”, a assuré le ministère.
Cette version a été contestée par les organisations de défense des droits de l’homme, dont Qorabi, qui a rétorqué : “Ceux qui connaissent la Syrie savent qu’il n’y a pas de bandes armées ni un chaos sécuritaire. Le pays est tenu depuis 50 ans par un seul parti, gouverné par l’état d’urgence et possède 17 services de sécurité bénéficiant de tous les moyens financiers, logistiques et humains.” “Comment peut-il y avoir des groupes armés qui tuent 19 policiers en quelques heures alors que la ville est assiégée depuis un mois ?”, s’est-il interrogé.
Merzak Tigrine