Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) maintient sa marche prévue, aujourd’hui à 11h00 à Alger. Malgré son interdiction par les pouvoirs publics, le parti de Saïd Sadi compte investir la rue et braver, ainsi, l’interdit.
La marche de ce samedi intervient dans une conjoncture particulière et surtout très sensible. Pour le RCD, les émeutes qu’a vécues le pays au tout début de l’année ne sont pas le fruit d’un hasard ou d’une quelconque manipulation, mais elles traduisent un malaise social. Ces émeutes n’ont pas de revendications politiques claires et les jeunes ayant investi la rue étaient sans tutelle politique.
La tentative de Ali Benhadj, numéro deux du Front islamique du salut (FIS), dissous, de les récupérer était un coup d’épée dans l’eau. Pis encore, l’ex-dirigeant du FIS a échappé bel et bien au lynchage des jeunes, n’était l’intervention des éléments des services de sécurité. Cet exemple est l’illustration parfaite du décalage entre le discours politique de l’opposition et les aspirations de la jeunesse qui refuse toute tutelle politique.
Contrairement à l’Algérie, les émeutes qui ont lieu en Tunisie, quoique non encadrées par un quelconque parti, avaient comme principale revendication d’en découdre avec le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Ce qui s’était soldé par le départ du président et, par ricochet, l’effondrement du régime politique tunisien.
Les émeutes qui ont ébranlé la Tunisie et l’Algérie n’ont pas de similitudes comme l’a dit la secrétaire générale du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune. Le RCD en a fait une autre lecture. Pour lui, la révolte des jeunes n’a rien de folklorique. Le chômage, la marginalisation et la dégradation du pouvoir d’achat des Algériens étaient tels qu’un comportement mal placé d’un agent de l’ordre ou d’un commis de l’État est à même d’être le détonateur d’une émeute.
Le parti de Saïd Sadi refuse de réduire ces émeutes à la simple question de la flambée des prix des produits de première nécessité. Contrairement aux principales formations politiques d’opposition qui se sont contentées de la diffusion de communiqués commentant ces émeutes, le RCD compte organiser une marche pour donner un sens politique à la révolte des jeunes à travers une plate-forme de revendications.
«La marche a aussi un objectif immédiat: exiger la libération des détenus arrêtés lors des dernières manifestations, la levée de l’état d’urgence, la restauration des libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution et, enfin, la dissolution de toutes les instances élues, autant de revendications partagées par l’écrasante majorité de notre peuple», écrit le RCD dans son communiqué.
Dès son annonce, la marche du parti de Saïd Sadi a suscité les critiques des partis de l’Alliance présidentielle. Initialement prévue pour le mardi dernier (18 janvier ndlr), le RCD a reporté sa marche pour aujourd’hui pour des raisons qu’il n’a pas jugé utile d’expliquer.
Entre ceux qui s’opposent ouvertement à l’initiative du RCD l’accusant de vouloir instrumentaliser la colère des jeunes et ceux qui ont émis des réserves, la marche d’aujourd’hui n’a pas eu les faveurs des partis et des personnalités politiques, exception faite de l’ex-chef du gouvernement Ahmed Benbitour qui y a apporté sa caution.
Prévue à 11h00 de la place du 1e mai jusqu’au siège de l’APN, la marche du RCD aura-t-elle lieu? Question loin d’être fortuite puisque la wilaya d’Alger a tenu à appeler, dans un communiqué rendu public jeudi, les citoyens à faire preuve de «sagesse et de vigilance», et à «ne pas répondre à d’éventuelles provocations », lors de la marche «non-autorisée » qu’une association à caractère politique compte organiser dans la capitale, le samedi 22 janvier.
«Il est demandé aux citoyens de faire preuve de sagesse et de vigilance, et de ne pas répondre à d’éventuelles provocations destinées à porter atteinte à leur tranquillité, leur quiétude et à leur sérénité», lit-on dans ce communiqué qui rappelle que «les marches à Alger ne sont pas autorisées», et que «tout rassemblement sur la voie publique est considéré comme une atteinte à l’ordre public».
Outre la non adhésion de la classe politique à la marche du RCD et son interdiction par les pouvoir publics, le parti de Saïd Sadi doit donc, compter sur ses militants et sympathisants pour la réussite de sa démonstration de rue. Le mauvais temps (pluies et baisses de températures» peuvent également être en défaveur du RCD. Mais, attendons pour voir et juger…
Hacène Nait Amara