Le parfum si particulier du Ramadhan se fait déjà sentir à plein nez, à Constantine, comme en atteste l’afflux considérable de citoyens dans les ruelles sinueuses de la haute et de la basse médina où les commerçants rivalisent d’ingéniosité en achalandant leurs étals.
Fruits, légumes, viandes, pain, pâtisseries traditionnelles, frik (blé concassé pour préparer la chorba), tout est mieux disposé, mieux présenté, comme pour conduire la clientèle, y compris les habitués des lieux, à saliver avant l’heure.
Ces derniers jours, les venelles étroites de la Souika ne désemplissent pas. En plus des ménagères qui viennent y faire leurs emplettes, histoire de ne pas être prises au dépourvu au premier jour du mois sacré, il y a tous ces nostalgiques, amoureux de la vieille ville, qui aiment à y déambuler pour ‘‘humer’’ l’atmosphère du Ramadhan, quitte à jouer des coudes pour se frayer un passage.
La ville du Vieux Rocher, aujourd’hui capitale de la culture arabe, est ‘‘un symbole fort de la citadinité qui a de tout temps été indissociable du Vieux Constantine, de ses odeurs, de ses murs décrépits et de son ambiance que l’on ne retrouve nulle part ailleurs’’, souligne Ali Benhamidi, un étudiant chargé par sa maman de faire l’achat d’un peu de ‘‘B’sissa’’ pour la Tamina du Ramadhan.
Il faut dire que malgré les prix qui grimpent à n’en plus finir, une véritable ‘‘cohue’’ est observée devant les petits magasins où l’où l’on vend les produits les plus ‘‘courus’’ durant le mois sacré : frik, abricots secs, raisins secs et, surtout, les sacro-saints pruneaux d’Agen qui permettent de préparer le plat ‘‘roi’’ du premier jour du mois de jeûne : ‘‘Tadjine el Aïn’’ (appelé dans d’autres régions du pays ‘‘Tadjine Lahlou’’ ou ‘‘L’ham lahlou’’).
La présence de ‘‘Tadjine el Aïn’’ sur la meïda du premier jour de Ramadhan, n’est ‘‘pas fortuite’’, soutient, pleine d’assurance, Nassira Boufedji, rencontrée au sortir du quartier de Chatt, dans la basse Souika. Pour cette mère de famille d’une quarantaine d’années, les pruneaux, en plus de leurs ‘‘vertus médicales’’ permettent de ‘‘compenser l’énergie dépensée durant la journée par le jeûneur’’.
Nassira, qui affirme ‘‘le tenir de son oncle médecin’’, affirme aussi que ce plat sucré ‘‘met de la bonne humeur à table’’.
Une bonne humeur que l’on rencontre très rarement, voire jamais, durant les journées du Ramadhan, surtout lorsque le soleil tape dur. Ce postulat, Mme Boufedji n’en fait pas une histoire. ‘‘Il nous suffit de songer aux pauvres gens qui ont continuellement faim, aux quatre coins du monde, de songer au Créateur qui nous a permis de vivre dans un aussi beau pays, et nos nerfs se calment aussitôt’’, conseille-t-elle avec un sourire malicieux.