Le ramadhan à Bouira,Gastronomie, boulimie et nerfs…

Le ramadhan à Bouira,Gastronomie, boulimie et nerfs…

Les Bouiris se débrouillent comme ils peuvent

les prix des légumes et les prix des fruits, après un envol la veille et le premier jour de ce mois sacré, sont devenus plus accessibles même s’ils restent élevés pour quelques produits.

Après une semaine de jeûne, le Ramadhan et ses caractéristiques s’installent. Les longues files pour le kalb ellouz, la zlabia sont désormais une habitude admise. «En d’autres moments jamais je ne pourrais faire la queue pour ces deux friandises» commente Abdelwahid. Une chose est toutefois positive cette année, les légumes et les prix des fruits, après un envol la veille et le premier jour de ce mois sacré, sont devenus plus accessibles même s’ils restent élevés pour quelques produits à l’image du haricot vert qui coûte toujours 130 DA le kilo. Les commerçants, certains que la demande irait crescendo, avaient revu à la hausse leurs prix. Toutefois, ils ont vite déchanté puisqu’il n’y a pas eu grande foule. La chaleur aidant, les produits se sont vite fanés. «La salade, les aubergines, la tomate, la courgette… ont mal supporté la canicule et l’humidité» nous confie un commerçant du marché de la gare à Bouira. Pour la viande rien ne semble gêner les bouchers qui affichent toujours des prix très au-dessus des possibilités financières des consommateurs.

La majorité a, depuis des lustres, oublié la saveur de la viande. Pour le poulet qui reste toujours la solution pour les bourses moyennes, les écarts de prix entre public et privé renseignent sur les gains et profits tirés par les vendeurs. L’Office avicole centre a installé des tentes à travers plusieurs points du chef-lieu de wilaya où le poulet est cédé à 230 DA quand chez les commerçants privés il est vendu à 330 DA/kg.

Le Ramadhan c’est aussi des activités conjoncturelles. Plusieurs locaux de la restauration rapide ont été reconvertis pour la circonstance. Certains dans des activités proches comme crémerie ou salon de thé, d’autres par contre ont préféré la zlabia, les diouls, les herbes aromatiques… bien sûr chacun vantera son produit.

En plus d’être pour beaucoup le mois de la gastronomie, le mois de Ramadhan c’est aussi la vie nocturne. Sur ce plan, la direction de la culture et après une semaine de jeûne continue à peaufiner son programme qui «sera riche et varié» comme l’annonce la radio locale. Rappelons que l’année dernière aucune soirée n’est allée à son terme et le «riche et varié programme» n’est pas allé à son terme. Le boulevard longeant le siège de la wilaya reste l’unique lieu aménagé aux noctambules. La voie sur les deux sens est déviée et le tronçon est laissé aux piétons. Initialement préparé, du moins une bonne partie aux familles, les crémeries et autres barbecues sont envahis par des jeunes qui viennent des villages avoisinants et qui repartent tard dans la nuit. Cette déferlante n’est pas toujours du goût des jeunes des quartiers alentour et il n’est pas rare d’assister au quotidien à de vraies guerres de clans. Dans ce remous, il reste les plus philosophes, ceux qui tentent de donner à ce mois sa valeur spirituelle et son sens. «Le Ramadhan ou le mois de l’abstinence est le mois où les voeux et prières sont exhaussées. Il faut se rapprocher de Dieu en multipliant les bienfaits, les prières…ce n’est pas le mois de la gastronomie», nous confie un pratiquant à la sortie de la grande mosquée de la cité des 1100 Logements.

Concernant les opérations d’aide mises en place par les pouvoirs publics qui ont distribué quelque 32.000 couffins, ouvert une trentaine de restaurants «Rahma» les avis différent. Pour un enseignant qui conteste et rejette l’idée «l’action est conjoncturelle, le nécessiteux a besoin d’aide à tout moment pas seulement au mois de Ramadhan, à moins qu’on pense que les gens mangent pendant ce mois seulement».

Pour un père de famille au chômage, «l’Etat fait des efforts pour atténuer les souffrances du citoyen mais l’aide n’arrive pas toujours aux méritants. Beaucoup de vrais nécessiteux, par orgueil ne s’inscrivent pas. Ils comptent sur l’aide des proches et des voisins…». Abdelhamid est saisonnier, il touche moins de 15.000 DA par mois. «Suis-je nécessiteux ou non?» se demande t-il. Ce mois montre une nouvelle fois que l’Algérie est peuplée par des classes distinctes. Il y a ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien puisque même les fonctionnaires sont dans le besoin…» Pour se consoler, notre interlocuteur trouve un réconfort dans sa foi et sa croyance: «Ramadhan ramène son bien avec lui, tant qu’il y a la santé, hamdou lillah…tout le reste est éphémère» Omar, retraité est plus philosophe «aider un pauvre est un principe de notre religion. Quand on voit le nombre de pratiquants qui se bousculent aux portes des mosquées on se dit qu’aucun nécessiteux ne peut rester sans f’tour. Hélas les valeurs sont parties laissant place à l’égoïsme et il n’est plus rare de voir le voisin de palier dans le besoin sans qu’aucun ne bouge le bout du doigt…».

Le Ramadhan est ainsi perçu différemment et selon les bourses. Si c’est le mois de l’aisance, de la boulimie, des soirées pour une caste, il demeure celui de la piété, du rapprochement du Créateur pour d’autres, quand il n’est qu’un changement du rythme de vie pour de nombreux jeunes qui veillent toute la nuit et dorment toute la journée. Dans tous les cas, le Ramadhan «ce n’est pas ce qu’il a dit lui» aurait dit une immense star de chez nous qui vit chez eux.