La visite officielle du Premier ministre Abdelmalek Sellal à Doha aura permis à l’Algérie de finaliser avec le Qatar plusieurs accords dans des domaines aussi stratégiques que ceux de l’énergie et des mines ou de l’industrie et des technologies. L’un des accords les plus importants concerne, certainement, le projet sidérurgique de Bellara. Doha propose de payer cash 2 milliards de dollars «pour la production et la commercialisation de quatre millions de tonnes de produits de sidérurgie» et promet que le projet, qui devrait être lancé dans un mois, pourrait «générer 1 000 emplois directs et plusieurs milliers indirects».
L’autre accord porte sur la coopération dans le domaine de l’énergie et des mines. Hyproc, filiale de Sonatrach, représentera l’Algérie alors que Qatar pétroleum et Qatar gaz représenteront Doha. L’accord porte sur l’acquisition de deux méthaniers GNL, d’une capacité de 117 000 M3 chacun et d’un coût global de 450 millions de dollars. Suivant les clauses de cet accord, l’Algérie exploitera le premier méthanier pour une durée de vingt ans alors que le second méthanier fait encore l’objet de discussions.
Par ailleurs, Oued Koubrite (Souk Ahras) a été choisi pour l’implantation d’une usine d’engrais pour la fabrication d’acide phosphorique, alors que Hadjar Soud bénéficiera, pour sa part, d’une usine de production d’ammonium.
Les filiales Menal et Asmidal, relevant du groupe Sonatrach, seront le fer de lance de l’Algérie pour cet accord alors que le Qatar s’alliera à la Norvège pour mener à terme la réalisation de ces projets qui promettent de générer, dès leur entrée en service, en 2017, plus de 1 200 emplois directs. Le coût de réalisation de ces deux usines s’élèvera à 3,5 milliards.
D’autres accords conclus portent sur la réalisation d’une unité d’ammoniac pour la production d’acide nitrique, de nitrate d’ammonium et d’engrais azotés, d’un coût global de deux milliards de dollars, tandis que dans le domaine technologique, un accord est intervenu pour la réalisation d’un village logistique, en collaboration avec GWC, spécialisée dans la construction de pôles technologiques.
Au final, et en incluant les précédents accords, nous sommes devant un investissement de près de 10 milliards de dollars de la part des Qataris, domaine des communications compris, avec le rachat de Wataniya télécoms et près de 10 000 emplois en vue. C’est un énorme investissement de la part de l’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani, lequel s’intéresse, ainsi, à l’Algérie plus que de mesure.
Si certains lui reprochent d’être le factotum de service des puissances occidentales et d’essayer d’intervenir directement en Algérie pour servir des agendas suspects et dangereux pour le pays, d’aucuns tournent en dérision cette idée farfelue, parlant d’une realpolitik qatarie stricte. L’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani, devenu très puissant grâce à la chaîne satellitaire Al Jazeera, une des 10 chaînes les plus influentes au monde, mais surtout à son rang de troisième producteur de gaz naturel, après l’Iran et la Russie, et de premier exportateur de gaz naturel liquéfié, a compris que tout se vend et tout s’achète.
Son argent, il l’utilise à acheter et investir, et on ne peut lui reprocher de placer son pays parmi ceux les plus aisés actuellement dans le monde.
De toute évidence, il reste à savoir si Hamad ne cherche pas plus que du commerce. Car ses divergences avec Alger sur le Mali et la Syrie, ses visées de s’octroyer les communications par le rachat de Nedjma, sa volonté affichée de reconfigurer le pôle arabe par une redistribution de cartes pour le leadership, ses missions de factotum de service pour Paris et Washington, en font un homme, sinon dangereux, pour le moins suspect.
D’où les craintes de certains de voir le Qatar investir l’Algérie de manière aussi envahissante…
Par Fayçal Oukaci