Finalement, la France n’a pas renoncé à sa décision d’inscrire dans la Constitution la déchéance de la nationalité pour les binationaux nés français et condamnés pour terrorisme.
Contrairement aux déclarations de la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, lors de sa visite à Alger, selon lesquelles le projet de réforme constitutionnel le présenté en Conseil des ministres ne retient pas la disposition de déchéance de la nationalité aux binationaux nés français, la décision a été maintenue et présentée mercredi au Conseil des ministres et sera débattue début 2016 au Parlement.
La ministre française avait déclaré à la radio algérienne Chaîne III qu’elle doutait de l’efficacité d’une telle mesure dans la lutte contre le terrorisme. « Je suis persuadée que c’est une décision qui ne peut avoir d’efficacité dans la lutte antiterroriste au regard du type de terrorisme auquel on est confronté.
En termes d’efficacité, ce n’est pas une mesure probante », a-t-elle soutenu, président français, François Hollande avait annoncé trois jours après les attentats du 13 novembre à Paris, lors de son discours devant le Congrès du Parlement, la déchéance de la nationalité à l’égard de tout individu condamné pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour acte de terrorisme, « même s’il est né français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité ».
Cette mesure, qui s’inscrit dans l’idéologie du parti de l’extrême droite a provoqué un malaise croissant à gauche, y compris dans les rangs socialistes, où nombre de responsables déplorent le choix d’un dispositif porté par le Front national.
Cette décision a également été critiquée par la presse arabe, dont le site saoudien Arab News qui dénonce un « cadeau idéologique au Front national » et craint que l’extension de la déchéance de la nationalité « isole les musulmans » de France. « Un tel changement de la Constitution ne fera que renforcer le statut de citoyens de seconde zone dont beaucoup de musulmans français ont souffert », conclut le site saoudien.
En France, l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic a jugé que cette décision à l’encontre des binationaux condamnés pour terrorisme serait inopérante car « on n’exporte pas un terroriste ». « On n’exporte pas un terroriste !
Que se passera-t-il si l’Algérie, les Etats-Unis nous adressent des déchus ? Allons-nous les accepter ? (…) En réalité, c’est faire beaucoup de bruit pour rien et risquer, vraiment, de fabriquer des apatrides », avait-il déclaré dans une interview au quotidien régional La Voix du Nord publiée jeudi. Pour l’ancien juge antiterroriste, une telle mesure, « très certainement inapplicable, ne peut avoir de caractère dissuasif ».
« Sa mise en œuvre consommerait énormément d’énergie. Cette réforme créera davantage de problèmes qu’elle n’en réglerait », a-t-il poursuivi. Selon Marc Trévidic, ce projet pose des « questions pratiques » : « Comment expulser un individu qui a toujours vécu en France ?
Une autre nation a-t-elle à gérer quelqu’un né chez nous ? ». « Quelle sera la réaction de la France si l’autre nation à laquelle un suspect est rattaché refuse de le recevoir ? (…) Notre pays ne doit pas se considérer seul dans une bulle ».