Les robes noires sont-elles prises de vitesse ? La chancellerie a-t-elle eu le dernier mot dans le bras de fer qui l’a opposée aux avocats ? Tout porte à le croire. Le texte relatif à l’exercice de la profession est inscrit à l’ordre du jour des deux chambres parlementaires de la session du printemps 2009.
Abder Bettache – (Alger Le Soir) – La corporation des avocats était surprise d’apprendre que le projet en question a franchi l’ultime étape pour sa programmation au niveau des deux chambres parlementaires. Et pourtant, a-ton expliqué, «plusieurs réunions ont regroupé, en un travail de commission, les représentants des deux parties, dans le seul but de «trouver un compromis concernant certains articles à l’origine du désaccord». Le bâtonnier national et non moins président de l’Union des barreaux d’Algérie, Me Menad Bachir, avait soutenu, lors de sa dernière sortie médiatique, que plusieurs modifications ont été proposées par les avocats et contenues dans un procès-verbal de réunion. Il a laissé entendre que les deux articles, en l’occurrence 10 et 24, qui constituent la pomme de discorde, pourraient faire l’objet de suppression avant que le projet n’atterrisse au niveau des deux chambres. Pour rappel, l’article 10 stipule que le retrait de l’avocat d’un procès est considéré comme faute grave et qu’il risque, par conséquent, une suspension.
L’article 24, quant à lui, tel que contenu dans le nouveau statut, précise que «lorsqu’une juridiction estime que l’avocat a failli à ses obligations professionnelles, le procureur général en informe le bâtonnier afin de prendre les mesures disciplinaires adéquates. Le bâtonnier peut, dans un délai d’un mois, soit décider de classer l’affaire, soit saisir le conseil de discipline». Mais en attendant de connaître la sanction, l’avocat mis en cause est suspendu de ses fonctions et n’a pas le droit d’exercer. Selon Me Menad Bachir, le conseil de l’Union des barreaux d’Algérie a proposé la suppression pure et simple de ces deux articles, lors de la réunion ayant eu lieu récemment avec le ministère de la Justice «Nous avons convenu, avec le ministère de la Justice, d’amender les articles qui ont suscité la colère des avocats», avait déclaré, pour sa part, le bâtonnier de la capitale, Me Sillini. Pour rappel, le projet de loi élaboré par le ministère de la Justice a fait réagir la corporation des robes noires qui a qualifié son contenu de «régression dans l’exercice de cette profession». Une minorité l’a, certes, applaudi mais la grande majorité des avocats a dénoncé certains articles, notamment l’article 24, qui fait référence à de probables incidents qui pourraient survenir lors d’audiences et dont se rendrait coupable un avocat devant le juge. Mais ce qui a «irrité » les avocats, dont la profession est régie jusque-là par un conseil de l’ordre à l’instar des médecins et autres professions institutionnelles, c’est le dernier paragraphe de l’article 24.
En effet, il est clairement stipulé qu’en attendant le «verdict» du conseil de discipline, l’avocat mis en cause ne pourra pas exercer. «Tant qu’il n’aura pas été statué sur l’action disciplinaire, et à compter du jour de l’incident, l’avocat ne sera plus autorisé à plaider ; le bâtonnier pourvoit alors aux intérêts des justiciables», est-il indiqué dans le projet de loi. Me Benisaad Nordine, avocat et vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH), a qualifié le paragraphe dans l’article 24 «d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des avocats». Même constat dressé par Me Ould Hocine Nora. Cette avocate, connue sur la place d’Alger, considère que «le métier d’avocat est une profession spécifique ». «Le code de la profession d’avocat est très sensible et constitue la pierre angulaire dans la construction de l’Etat de droit», a-t-elle ajouté.