RFI et le quotidien français Libération ont diffusé en intégralité un document de l’organisation Aqmi pour l’Azawad, signé de la main d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Aqmi. Ce document a été retrouvé le 16 février 2013 par Nicolas Champeaux et Jean-Louis Le Touzet, envoyés spéciaux de RFI et Libération à Tombouctou.
Abdemalek Droukdel, émir d’Aqmi.
Abdemalek Droukdel, émir d’Aqmi.
Même s’il date et les événements se sont précipités avec l’intervention française en janvier dernier contre les bastions narco-terroristes, ce document, daté du 20 juillet 2012, est édifiant, en ce sens il renseigne comme jamais auparavant sur les visées politiques et la stratégie globale d’Aqmi pour la région. Mais également sur son ambition teintée de patience en vue d’instaurer le khalifa islamique.
Ainsi, dans ce texte, intitulé « Directives générales relatives au projet islamique jihadiste dans l’Azawad », Abdelmalek Droukdel développe sa doxa pour arriver à créer un Etat islamique. A le lire, on comprend toute la malice, la rouerie et le sens de la conciliation calculée de Droukdel. Pour concrétiser son projet, l’émir d’Aqmi invite ses hommes à endormir le MNLA, l’impliquer et à tromper la population. Pas seulement, Abdelmalek Droukdel insiste : il faut reconnaître les frontières que revendique le MNLA afin de satisfaire celui-ci et ne pas indisposer les pays voisins. Dans ce document, Droukdel apparaît comme un chef madré, calculateur en diable. Un politique prêt à tous les mensonges et compromissions pour arriver à ses fins. Comme par exemple renoncer à l’application stricte et immédiate de la charia.
On s’en souvient, le Mouvement de libération de l’Azawad avait signé un pacte avec Ansar Dine à Ouagadougou. Un accord, semble-t-il, si l’on lit bien le document d’Abdelmalek Droukdel qui a été encouragé par Aqmi. C’est dire qu’Ansar Dine et Aqmi opèrent main dans la main dans le Sahel. Pourtant, on s’en rappelle aussi, Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Dine avait été reçu durant l’été 2012 à Alger. Certaines sources évoquent même une rencontre entre Iyad Ag Ghaly et le président Bouteflika. Les autorités algériennes pouvaient-elles ignorer la connexion entre les deux organisations djihadistes ? Ce document prouve tout l’art de la dissimulation de l’organisation terroriste. Alors qu’Ansar Dine, Aqmi et le Mujao tenaient les principales villes du nord-Mali, Abou Moussa Abdelwadoud ne se faisait pas beaucoup d’illusions sur l’expérience d’émirat instauré par la force en cette année 2012 dans cette région. Mieux, il s’attendait à une intervention militaire. Aussi, il a insisté auprès des organisations à modérer leurs actions, appelle à la sagesse ses hommes. Droukdel voulait gagner les cœurs et les esprits avant de prendre le contrôle total du Sahel. En cela, il table sur un travail de longue haleine sur les populations touareg. D’où le danger qui menace toujours toute la sous-région du Sahel.
Car même si la situation n’est plus ce qu’elle était en 2012 et que les djihadistes ont chassés de leurs bastions de l’Azawad par les forces armées françaises, il est certain qu’Aqmi et ses organisations satellites gardent toute leur capacité de nuisance. L’attaque de Tiguentourine à In Amenas, en plein opération Serval au nord-Mali, et les autres menées kamikazes en sont la meilleure preuve. Enfin, il est sans doute important de retenir que la dissimulation, la discrétion dans les moments de faiblesse est la marque de fabrique de cette organisation terroriste. Alors croire que l’opération militaire de l’Armée française au nord Mali a vaincu les narco-djihadiste est une chimère. D’autant que de nombreuses sources évoquent un repli de ces groupes vers le sud de la Libye, en proie depuis des mois à l’instabilité.
Yacine K.