Le «professeur» Boukrouh corrige Mesbah

Le «professeur» Boukrouh corrige Mesbah

Le coup de sang de l’ex officier du DRS, Mohamed Chafik Mesbah qui a appelé clairement à un coup d’état médical contre Bouteflika sur les colonnes de Liberté et du Soir d’Algérie, n’est pas passé inaperçu.

Ayant monopolisé l’arène politico médiatique depuis quelques jours à coup d’entretiens récurrents et de déclarations coups de point, le politologue n’a pu résister à la tentation d’enfiler l’uniforme du soldat et appeler ses anciens camarades à se mettre sur le pied de guerre.

L’officier a assurément tiré à coté cette fois. Il a raté sa cible et même semé la zizanie dans son camp.

C’est en tout cas ce que pense Nourredine Boukrouh, ex ministre du commerce mais surtout un vrai intellectuel à la plume au vitriol.

Dans une longue tribune parue aujourd’hui sur les colonnes du Soir d’Algérie, l’ex président du parti du renouveau algérien (PRA), a démonté point par point les arguments de Mohamed Chafik Mesbah pour appuyer sa proposition d’un coup d’état pour déposer Bouteflika et y installer son chouchou Liamine Zeroual.

Le texte de Boukrouh est un morceau d’anthologie de bon sens politique. Sans verser dans le discours des caniveaux (ce n’est pas son style) ni dans l’arrogance intellectuelle, le disciple de Bennabi, a administré une bonne leçon de science politique au …politologue Mesbah.

Il lui a surtout montré la dangerosité de ses préconisations pour la gestion de la maladie du président et plus généralement l’éventuel retrait de ce dernier des affaires.

Zeroual, à l’insu de son plein gré ?

Nourredine Boukrouh postule comme tous les algériens que l’absence prolongée (et non limitée par la Constitution) du président induit forcément des «dysfonctionnements importants dans la conduite des affaires de la nation».

Mais il se demande, dans une allusion évidente à Mesbah, si on cherche «à trouver une solution à un problème qui enfle jour après jour, ou à évincer à tout prix le Président quitte à sombrer dans l’inconnu ?»

Et de mettre tout de suite les pieds dans le plat de ses «cibles». D’abord ceux qui appellent à la mise en œuvre de l’article 88 de la Constitution pour déclarer l’incapacité du Président et organiser une élection anticipée au terme des trois mois et demi prévus par la Constitution.

Et ceux qui, balayant d’un revers de la main cette même Constitution, prônent une «période de transition de deux ans» sous la houlette d’une personnalité nationale prestigieuse, en l’occurrence l’ancien président Liamine Zeroual, période qui déboucherait sur un nouvel ordre constitutionnel échafaudé par une Assemblée constituante à élire.

A Chafik Mesbah qui a pris le train de l’ex président Zeroual, Boukrouh lui rappelle que celui-ci «est connu pourtant pour son légalisme, sa foi en la démocratie, son hostilité à l’idée de l’homme providentiel et son désintéressement personnel».

Mieux encore, Boukrouh doute même que Zeroual himself ait été consulté sur son prétendu retour.

Et à Boukrouh de jeter une grosse pierre dans le jardin fleuri de Mesbah : «Pourquoi faire compliqué en préconisant une improbable et non moins dangereuse transition quand on peut faire simple en appelant franchement à un coup d’Etat ?»

Un cours de science (de pondération) politique

L’ex président du PRA rafraîchit la mémoire de son interlocuteur lui lançant : «N’est-ce pas sous cet emballage que tous les coups d’Etat ont été vendus aux peuples africains, à commencer par les Algériens ? On a pas mal de fois lu au cours des deux dernières années des appels à l’armée pour déposer le chef de l’Etat. Cette fois-ci, c’est à un coup d’Etat civil, placé de surcroît sous l’égide morale d’un ex-président de la République, doublé d’un général à la retraite, qu’un intellectuel de renom fait appel».

Et du mode opératoire de cette transition «Mesbahienne», Boukourh ne comprend pas pourquoi il jette son dévolu sur le seul Zeroual.

«Parce que ni les partis politiques ni la société ne recèleraient, selon M. Mesbah, de personnalités charismatiques dignes de se présenter à la prochaine élection présidentielle», pense Boukrouh.

Il se demande aussi en quelle qualité l’«analyste» Chafik Mesbah se permet-il d’établir une short-liste des candidats dont il a même quantifié les chances ?

L’analyste dans la peau d’un pustchiste

Et de répondre sous forme d’une autre leçon : «Un analyste ne donne pas de feuille de route pour un coup d’Etat, ne choisit pas les conjurés, n’établit pas de short-liste des acteurs, ne prescrit pas de délais d’exécution… S’il le fait, il devient immédiatement un homme d’action, de faction, un politicien intéressé ou quelque chose comme un Qaradhaoui appelant au meurtre d’un chef d’Etat. S’il dicte ce qui doit être fait et en donne le modus operandi, il n’est plus dans la posture de l’analyste mais dans celle du conspirateur, du partisan ou du «décideur».

En déconstruisant la «théorie» de Chafik Mesbah pour l’après Bouteflika, qui s’appuie sur un retour du général au pouvoir, Nourredine Boukrouh invite l’ex officier à mettre un peu d’eau dans son «gazouz», lui rappelant que le président Zeroual a déjà été associé à une «transition» entre 1993 et 1995 «et qu’y ayant goûté, il n’éprouve certainement pas l’envie d’y goûter de nouveau».

Plus sérieusement, et là le message s’adresse à tous ceux qui tirent des plans sur la comète, Boukrouh les invite à savoir raison garder pour ne pas «prendre le risque de superposer de nouvelles incertitudes aux vulnérabilités déjà recensées».

A tous ceux là et à Mohamed Chafik Mesbah en particulier, Nourredine Boukrouh professe qu’ils seraient mal inspirés de vouloir compliquer les choses en appelant à une «transition aléatoire quand on peut faire simple en sollicitant les ressources de la Constitution en vigueur et en cours d’amendement.

C’est le fin mot de Boukrouh pour finir une exégèse politique digne de mettre tout le monde au garde à vous…