Le procureur n’a pas ménagé les accusés, « Ils méritent la peine maximale »

Le procureur n’a pas ménagé les accusés, « Ils méritent la peine maximale »

Après les plaidoieries, le requisitoire

Lors de son réquisitoire qui aura duré tout l’après- midi, le procureur n’a pas caché son intention de demander la peine capitale, c’est-à-dire la prison à perpétuité. Il dira que devant la gravité des crimes commis, Abdelmoumène Khalifa et ses collaborateurs méritent cette peine.

Après le passage d’un nombre important de plaidoyers, durant les journées précédentes, l’audience de cette journée était scindée en deux parties déterminantes, celle du plaidoyer de l’avocat du liquidateur, et celle réservée au réquisitoire du procureur général.

Pour la première, Me Méziane prendra la parole pour défendre son client, M.Badsi. Il dira d’emblée, que cette banque fonctionnait uniquement par des directives émanant de son P-DG, Abdelmoumène Khalifa, et cela soit par téléphone soit par des ordres inscrits sur des bouts de papier. Il ajoutera que c’est de cette façon que des sommes faramineuses ont été détournées. Il rappellera qu’à l’arrivée du liquidateur, le solde et la situation de la banque étaient catastrophiques, et affichaient un déficit très important, à même de réduire le ratio de solvabilité à moins de 25%, au lieu des 8% réglementaires… Ceci en plus du volume important des opérations en suspens et illégales. Or Me Méziane fait rappeler à l’assistance que Abdelmoumène avait déclaré avoir laissé une banque florissante et un solde de 97 milliards de dinars, il dira: «En réalité Abdelmoumène a laissé 97 milliards de problèmes.» Il poursuivra en indiquant qu’en 2002 il y avait déjà l’apparition des prémices d’une catastrophe. Et pour cause, contrairement aux premières années, les taux des placements commençaient à grimper d’une façon vertigineuse. A ce titre, ils avaient l’effet d’un aspirateur de liquidités, notamment lorsqu’au même moment les taux des banques publiques etaient en baisse perpétuelle. L’avocat du liquidateur insistera sur le fait que le pillage à grande échelle avait commencé en 2002. Il reviendra longuement sur les transferts à l’étranger, et la pratique d’un commerce extérieur des plus douteuses. Il explique que les importations de biens et de services ordonnés par El Khalifa Bank, n’étaient destinées qu’à constituer une cagnotte à coups de millions d’euros. Les opérations de Swift étaient complètement irrégulières et ce n’était certainement pas à la Banque dAlgérie de gérer ces importations, puisque El Khalifa Bank, était tenue de respecter la législation du commerce extérieur. Or, dans ce sens, le liquidateur avait trouvé énormément de difficultés a établir ses rapports, du fait que les informations livrées par les gestionnaires de El Khalifa Bank étaient erronées. Il fait état de 360 opérations effectuées par cette banque, et ce après le retrait de l’autorisation d’exercice du commerce extérieur. Ces opérations supportées parallèlement par la Banque d’Algérie, s’élevaient à 19 millions d’euros. Il précisera que le liquidateur n’était pas coupable d’abandon tactique, mais il s’est heurté a un genre nouveau de liquidation.

Pour étayer ses propos, l’avocat du liquidateur, revient sciemment sur l’affaire des centrales de dessalement d’eau de mer et précisément sur l’importation des deux premières centrales qui se sont avérées inutilisables. Il explique qu’un déboursement de 45 millions d’euros était nécessaire pour cette opération, or à la même période a été effectué l’achat de la villa de Cannes, qui avait coûté la bagatelle de 35 millions d’euros.

Pour conclure, Me Meziane explique que tous ces indices et confirmations ont fait l’objet de confrontations devant le juge lors du passage des témoins et dénotent de l’ambition de l’accusé et ses collaborateurs à s’enrichir rapidement et à constituer des avoirs à l’étranger. Il précisera que le liquidateur, avait pris autant de temps pour la liquidation d’El Khalifa Bank, car la multitude des opérations douteuses et des fausses déclarations était trop grande et il persistera à dire que la liquidation allait prendre du temps, car à chaque progression dans le débouclage des écritures, le liquidateur se retrouvait en face de nouvelles failles.

Dans une salle d’audience où particulièrement on étouffait à cause de la chaleur et le dysfonctionnement des climatiseurs, le juge Antar aborde la deuxième partie de la journée, en laissant la parole au procureur général, pour exposer son réquisitoire. Le moins qu’on puisse dire est que ce dernier, vu ses premières phrases, n’allait pas ménager le box des accusés. Effectivement, il entamera son réquisitoire en évoquant le vol, la constitution de malfaiteurs, l’abus de confiance. Il dira clairement et avec assurance, que Abdelmoumèn Khalifa et ses acolytes n’avaient nullement l’intention d’investir en Algérie. Il argumente, en démontrant que dès le départ, il y avait escroquerie et il revient sur l’obtention de l’agrément de cette banque. Il précise que le dossier présenté à la commission de la monétique et du crédit, était au nom d’un ancien banquier à grande réputation. Une fois l’agrément obtenu, les modifications statuaires qui ont suivi, n’etaient opérées que pour donner les pleins pouvoirs à Abdelmoumène Khalifa. Le procureur général dira que sa conviction personnelle sur la culpabilité de l’accusé, n’avait pas cessé de se confirmer au rythme des passages des témoins. Il rappelle au tribunal le passage du président de la caisse principale, Akli Youcef, qui avait clairement avancé que le P-DG et ses directeurs se servaient carrément de la caisse principale. Il rappelle avec insistance, que l’argent sortait dans des sacs. Il continuera en s’indignant sur des comportements irresponsables et malhonnêtes des gens de la direction générale d’El Khalifa Bank. Il précise que c’est avec l’argent des déposants et des différentes caisses de l’Etat, autrement dit, l’argent des cotisants et des épargnants, que ces gens se permettaient des séjours interminables dans des hôtels cinq étoiles, des fêtes à coups de millions d’euros, et des acquisitions inimaginables.

Devant une assistance profondément attentive, le procureur général poursuit en énumérant la liste des infractions et manquements commis par la direction d’El Khalifa Bank. Il s’agit d’absence de division des risques, du non-respect du ratio de solvabilité, du constat de banqueroute, de la dilapidation, de constitution d’avoirs illégaux à l’étranger, et de transferts de fonds irréguliers. Il poursuivra pour repasser point par point toutes les infractions et les dilapidations confirmées par un nombre important de témoins. Il précisera que la plus grande preuve de sa culpabilité est sans conteste la fuite, qu’il a préférée à l’affrontement. Ceci en plus de la dispersion des documents officiels d’El Khalifa Bank et de ses filiales. Le procureur affirme que ces documents étaient distribués à ses proches et dissimulés dans le but de taire les multiples traces des actions compromettantes.

Par ailleurs, lors de ce réquisitoire qui aura duré tout l’après- midi, le procureur ne cache pas son intention de demander la peine capitale, c’est-à-dire la prison, mais sans en faire la requête officiellement. Il précisera qu’il laissera cette demande pour la clôture du réquisitoire. Il dira que devant la gravité des crimes commis, Abdelmoumèn Khalifa et ses collaborateurs mériteraient cette peine. Et il ne manquera pas à plusieurs fois de s’adresser au box des accusés, avec des termes clairs, les traitant de voleurs. Devant cette avalanche, les occupants du box des accusés, dans leur majorité, se recroquevillent en se cachant le visage, alors que Abdelmoumène dans son coin de la dernière rangée, semble ne prêter aucun intérêt aux propos du procureur général. Ce dernier, bien décidé à ressortir toutes les profondeurs de cette affaire, continue son réquisitoire en rappelant tous les témoignages, et les procès verbaux du juge d’instruction dans le but d’établir une comparaison qui pourrait s’avérer compromettante pour l’ensemble des accusés. Le procureur général s’est fait un point d’honneur à demontrer, à travers les multiples fautes graves commises par le groupe Khalifa, que cette affaire est réellement le scandale du siecle, et insistera sur le fait que la situation aurait été profondement plus grave si on ne lui avait pas retiré l’agrément à temps.