Voilà qu’au beau milieu de l’affaire Sonatrach 2, alors que Sonatrach 1 n’est pas encore close, une source judiciaire révèle que le procès en cassation dans l’affaire El Khalifa Bank a été fixé au 2 avril prochain au tribunal criminel près la cour de Blida, et que « les convocations ont été envoyées à toutes les parties concernées par le procès ». Selon la même source, citée par l’APS, la Cour suprême a décidé d’accepter, le 19 janvier de l’année dernière, les pourvois en cassation introduits par la défense et le ministère public dans cette affaire. Cinquante-quatre pourvois en cassation introduits par le ministère public et vingt-quatre autres introduits par la défense, soit un total de 78 pourvois en cassation ont été acceptés par cette instance.
Dix ans après le déclenchement de la plus grosse escroquerie de l’histoire de l’Algérie post-indépendance, on en est à tourner dans un cercle vicieux, focalisant sur une extradition qui ne se fera pas de sitôt. La justice avait été saisie pour cette affaire après que la Banque d’Algérie ait constaté en 2003 un trou de 3,2 milliards de dinars dans la caisse principale de la banque El Khalifa.
Lancée en pleine déliquescence de la justice, cette affaire n’emballait personne, car tous ont eu l’occasion de voir jusqu’où peut aller la justice, et tous ont eu loisir d’évaluer de très près, les « limites observables » d’un tribunal criminel face à une affaire de ce genre. Maintenant, le pouvoir cherche désespérément à donner à la communauté internationale des gages de sérieux et de transparence concernant notamment les affaires de corruption, après avoir été largement entaché dans les divers épisodes de Sonatrach.
Récemment, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, laissait entendre que la justice devrait s’occuper des « gros requins » et cesser de harceler le « menu fretin ». Le choix plaisant des mots laissait transparaître, peut-être de manière machinale, chez le ministre de la Justice lui-même, le fait, immuable dans la justice algérienne, de ne s’attaquer qu’aux petits et de faire les sourds-muets-aveugles devant les puissants. L’affaire Khalifa avait permis, dans un passé récent, de constater que les filets de la justice en Algérie sont confectionnés pour la sardine et le hareng, jamais pour les gros poissons. On achète ses affaires comme on achète avocats et juges, c’est-à-dire en payant le prix qu’il faut. Un commissaire de police nous confiait récemment, concernant un gros poisson à Blida, qu’une fois entrer par la porte, l’homme ressortait par la fenêtre, grâce à ses relations privilégiées avec le juge d’instruction qu’il entretenait à coups de chèques, épisodiquement, c’est à-dire à chaque « sale affaire » l’impliquant. De ce fait, l’affaire Khalifa ne peut que nous laisser sceptiques et dubitatifs. Jusqu’où ira Alger ? Jusqu’à nulle part, répondra le commun des Algériens, qui y verra encore une fois, une tentative de diversion, du trompe -l’œil dont personne n’est dupe. On les connaît, tous ces ministres, et ces fils et filles de ministres, qui faisaient le pied de grue pour décrocher un rendez-vous avec le golden boy. De son vivant, il était du dernier bien de l’encenser, et l’Etat même se pliait en deux pour faire ses louanges. Les donnes ont changé, mais les articulations de la justice n’ont pas trop changé.

Lors du jugement de cette affaire en première instance en mars 2007, le tribunal criminel près de la cour de Blida avait 94 accusés dans le box des accusés, alors qu’une dizaine était en fuite et devait être jugée par contumace, dont le principal accusé, Abdelmoumène Khalifa. Ils devaient répondre pour les chefs d’inculpation d’ « association de malfaiteurs, vol qualifié, escroquerie, abus de confiance et falsification de documents officiels ».
Des peines allant jusqu’à la perpétuité avaient été prononcées à l’encontre des principaux accusés, dont le responsable du Groupe Khalifa, Abdelmoumène Rafik Khalifa.
Fayçal Oukaci