La second procès par contumace de l’ex-président tunisien Ben Ali a été reporté au 4 juillet suite à une grève de trois jours des magistrats tunisiens. Ils souhaitent un « changement radical » au sein du ministère de la Justice.
Une grève de magistrats a compromis la reprise, prévue jeudi, du procès de l’ex-président tunisien Ben Ali, déjà condamné par contumace à 35 ans de prison, ont indiqué mercredi des sources judiciaires.
« Les trois magistrats chargés de l’affaire sont déterminés à poursuivre le mouvement demain (jeudi) jusqu’à ce que le ministère de la Justice réponde à leurs revendications », a déclaré à l’AFP une responsable du Syndicat des Magistrats Tunisiens (SMT) qui a requis l’anonymat.
Un juge, qui a aussi voulu rester anonyme a souligné que la journée de jeudi serait la plus importante pour le mouvement puisque, a-t-il dit « nous attirerons l’attention du monde sur notre cause ».
Les magistrats ont entamé mardi trois jours de grève pour obtenir « un changement radical » au sein du ministère de la Justice.
Des avocats commis d’office pour la défense de l’ex-président ont aussi évoqué un « grand risque de report ».
Le tribunal de première instance de Tunis doit juger Zine El Abidine Ben Ali, en son absence, pour détention d’armes et de stupéfiants, l’ex-président étant réfugié en Arabie saoudite depuis le 14 janvier.
La même Cour a déjà condamné par contumace, le 20 juin, l’ancien homme fort de la Tunisie et son épouse Leïla Trabelsi à 35 ans de prison et 45 millions d’euros pour détournement de fonds. La condamnation avait été prononcée à l’issue de quelques heures de délibération seulement.
Elle a été jugée expéditive par des personnalités ou organisations peu suspectes de sympathies pour M. Ben Ali.
Tout en saluant la condamnation, trois ONG tunisiennes des droits de l’homme ont ainsi déploré en commun que la justice ne se soit pas montrée « irréprochable » et ont souhaité une réforme des procédures.
Plusieurs autres actions en justice attendent M. Ben Ali et son entourage dans les semaines et mois à venir. Certaines seront transférées à des juridictions militaires, notamment pour des homicides commis pendant la répression de la révolte populaire qui a conduit au départ du dirigeant, le 14 janvier, et a fait quelque 300 morts.
Dans l’affaire dont l’examen pourrait être reporté, M. Ben Ali est accusé de détention et de trafic de drogue ainsi que de détention d’armes retrouvées dans son palais de Carthage, des accusations qu’il a qualifiées « d’imaginaires et déshonorantes » par l’intermédiaire de son avocat libanais.
Les armes sont pour la plupart des cadeaux offerts par des dignitaires étrangers, explique l’ex-président qui parle de trucage à propos de la découverte d’environ 2 kg de drogue dans son bureau après son départ.
Réagissant à sa condamnation du 20 juin par la voix de son avocat français, Me Jean-Yves Le Borgne, M. Ben Ali a accusé le tribunal d’avoir prononcé « une peine juridiquement insensée mais politiquement opportune ».
Des commentateurs ont aussi estimé que les autorités tunisiennes avaient voulu montrer à la population qu’elles agissaient contre l’ancien régime. « Il fallait donner un os pour dire qu’on était toujours dans la logique révolutionnaire », a jugé Khadija Mohsen Finan, chercheuse à l’université Paris VIII.
De nombreux Tunisiens regrettaient aussi, à l’instar des trois ONG des droits de l’homme, que « tout n’ait pas été fait pour obtenir l’extradition de Ben Ali avant l’ouverture du procès ».
Les autorités saoudiennes ont jusqu’à présent fait la sourde oreille, au moins publiquement, aux demandes des autorités tunisiennes que M. Ben Ali leur soit remis.