Au sein de la corporation des artisans bijoutier algériens, l’ambiance est morose. Les affaires marchent mal, les ventes stagnent au moment où le marché est inondé d’importantes quantités d’or, importé dans le cadre de la Grande zone arabe de libre échange (Gzale). Une situation qui a provoqué un affaissement des prix et de grosses méventes.
»Depuis que le ministère du commerce a donné des autorisations d’importations de bijoux en or, le marché s’est affaissé », affirme un membre de l’association des bijoutiers algériens (ABA).
Selon lui, quelque 120 agréments d’importation de bijoux finis ont été accordés par le ministère du commerce »sans concertation avec l’association ». « Plus grave, ces importateurs vendent aux bijoutiers au même prix que celui du produit local », ajoute notre source’. »C’est de la concurrence déloyale et cette situation est en train de tuer le produit local.
Notre métier est menacé de disparition », lâche de son côté Abbas, gérant un atelier à la rue N’fissa dans la basse Casbah. Selon un membre de l’ABA, »un importateur a à lui seul importé en deux ans jusqu’à 2,3 tonnes d’or ». La peur des professionnels de la bijouterie est réelle. »A ce rythme, la plupart des artisans qui ne peuvent supporter une telle concurrence vont mettre au chômage leurs travailleurs. Comment résister à cette concurrence déloyale, d’autant que l’artisan croule sous les taxes, que les importateurs ne paient pas. C’est injuste », explique Rachid, un artisan bijoutier.
Vaste trafic en provenance de Dubai
A l’ABA, »nous sommes en train de sensibiliser les directions concernées (DGI et ministères du commerce et des finances), sur la dangerosité de cette situation pour un métier qui risque d’être tué par les importateurs », lâche encore dépité un autre membre de l’association sous le couvert de l’anonymat.
L’importation d’articles de bijouterie en or a été rendue possible avec l’entrée en vigueur en 2007 de la Gzale. Mais, »un vaste trafic est à la source de cette activité », assure t-on au sein de l’ABA. »Grosso modo, tous les articles de bijouterie en provenance de la Gzale sont fabriqués en Inde, puis enregistrés à Dubai pour les besoins de la documentation, pour les dispenser des taxes douanières », explique t-on encore à l’ABA.
Plus grave encore, »il y a de la contrefaçon, puisque des importateurs sont allés jusqu’à copier des modèles fabriqués en Algérie et les font fabriquer par leurs sous-traitants en Inde, pour les introduire via Dubaï sur le marché algérien ».
Mesures pour stopper le trafic
Mais, ce vaste trafic a été stoppé net. L’Algérie a introduit et obtenu difficilement certes, une liste négative auprès de la Gzale pour certains produits, dont les ouvrages en or. Dorénavant, les importateurs doivent s’acquitter des taxes douanières, après l’introduction au niveau de la loi de finances 2014 de la levée de l’exonération douanière de l’or importé dans le cadre de cett zone de libre échange.
Une mesure entrée d’ailleurs en vigueur depuis le 1er octobre, que les artisans-bijoutiers ignorent d’ailleurs. L’autre mesure pour calmer l’appétit gargantuesque des importateurs d’or est qu’ils doivent, selon le projet de loi de finances 2014, relever leur capital social, qui ne devrait pas être de moins de 100 millions de dinars, pour avoir de nouveau l’autorisation d’importer de l’or travaillé.
Un prix de l’or excessivement cher
Mais, importé ou pas, l’or reste cher en Algérie. A l’agence Agenor de la rue Ben M’hidi à Alger, les bijoux sont vendus à 5.900 dinars le gramme. Les grandes bijouteries algéroises vont jusqu’à 10.000 dinars le gramme, ce qui, au final, provoque de grosses méventes chez les artisans-bijoutiers. « Le marché de l’or est devenu pour certains une véritable corne d’abondance, mais pas pour ceux qui le travaillent », affirme Ahmed, selon lequel « il y a une véritable terreur fiscale qui est en train de tuer à petit feu dans ce pays l’artisan bijoutier. »