Le fils n’était pas rentré et il ne m’était pas parvenu ce soupir de la mère.
Le fils n’était pas rentré : il était parti chercher une baguette de pain. Il ne me parvenait jamais le soupir de la mère… Sa fenêtre donne sur un jardin sans glycines et une porte la sépare de ma porte. Sa porte donne aussi sur ma mère. Et j’aime ma mère. Mais pourquoi aucune lune n’a jamais éclairé mon coeur vers ce morceau noir d’Alger d’où m’appelait le soupir de ma mère…?
Et aujourd’hui je t’appelle en orphelin d’une forteresse oubliée de la lune. Je rêve d’une seule porte, une seule, que je devine une idée de la lumière ou le soupir des mères… Hier, j’ai trouvé les enfants de ce morceau noir d’Alger pour partager mes cinquante années de souvenirs… Ils ne m’ont pas reproché le temps où j’ouvrais plusieurs portes sans qu’aucune de mes portes ne s’ouvre sur le soupir de la mère. Ils ont juste partagé avec moi mes cinquante années de souvenirs. Et j’ai rencontré le fils parti chercher une baguette de pain. Il logeait dans un regard blessé ramené de nuit des bidonvilles d’Alger. J’ai voulu suivre ses larmes dérobées qui tombaient en cailloux blancs et je me suis trouvé sur un chemin de dignité qui ne débouchait sur aucune clairière. Et c’est ainsi que j’ai retrouvé la route vers le soupir de ma mère. Et découvert le prix de la fraternité : “Une cigarette, mon frère…”.
Depuis, je n’ai plus jamais oublié le prix de la baguette de pain : deux ans de prison ferme.
Ni le prix du mètre carré en prison.
M.B.