Dans un entretien publié par la revue britannique «The World Today», le président tunisien Moncef Marzouki s’est déclaré préoccupé par le trafic d’armes qui s’opère dans la région à partir de la Libye post-Kadhafi.
Il a affirmé que «des quantités d’armes ayant appartenu au régime libyen sous Kadhafi sont passées aux mains des islamistes non seulement en Libye mais aussi en Algérie et en Tunisie». Concernant son pays, la menace ainsi créée viendrait selon lui des islamistes nationaux qui «se rendent au Mali pour s’entraîner au jihad comme en Afghanistan pour retourner ensuite en Tunisie».
Ce qui justifie à ses yeux que pour la diplomatie de son pays, «le rétablissement de l’ordre au Mali sera un enjeu principal durant les trois prochaines années». Sur le dossier malien, Marzouki a confirmé que la Tunisie est favorable à une solution politique au conflit, confirmant ainsi la proximité de vue sur ce problème de son pays avec l’Algérie. Position d’ailleurs exprimée par le chef du gouvernement tunisien lors de sa récente visite officielle à Alger.
Solution politique qui a les faveurs d’Alger, de Tunis et d’autres capitales régionales toutes aussi préoccupées par les conséquences négatives qui découleraient d’une intervention militaire étrangère pour la zone du Sahel.
Mais que récuse une partie de l’opinion malienne comme ont voulu le faire comprendre les manifestants qui à Bamako ont répondu à l’appel de plusieurs partis politiques opposés à l’option politique et favorables au déploiement rapide d’une force d’intervention internationale pour reconquérir le nord du Mali.
Le millier de manifestants descendu dans la rue à Bamako scandait des slogans favorables à l’armée malienne et arborait des banderoles où on pouvait lire «Aqmi, Mujao, Ansar Dine dehors du Mali» ou «l’ONU ne doit pas laisser tomber le Mali», ou encore «vive le Mali uni, un et indivisible».
Il ne fait aucun doute que la manifestation organisée à Bamako en faveur d’une rapide intervention militaire internationale au nord du Mali vise à accentuer la pression sur les autorités de la transition pour qu’elles n’aillent plus loin dans le dialogue avec le MNLA et Ansar Dine qui vient d’avoir un début de concrétisation avec la rencontre qui les a réunies à Ouagadougou au Burkina Faso avec ces deux groupes armés du Nord-Mali. L’entame de ce dialogue a manifestement dérangé les plans du camp des interventionnistes qui ne sont pas que Maliens.
A travers la mobilisation de la rue malienne dont il reste d’ailleurs à cerner l’ampleur et la spontanéité, les partisans de l’intervention veulent imposer la thèse que l’opinion malienne est «exaspérée » par les «atermoiements» des Nations unies et impatiente de voir une opération militaire lancée pour libérer le nord du pays.
La confusion est par ailleurs de mise au sein des cercles dirigeants maliens qui soufflent le chaud et le froid sur ce qu’est l’attitude officielle du gouvernement malien. Quand d’aucuns dialoguent et négocient avec deux des principaux groupes armés du nord du Mali, d’autres s’emploient à faire capoter ce processus en développant un point de vue qui exclut le recours à la solution politique.
La question est de savoir si en l’emportant à Bamako, le camp des interventionnistes, sa victoire rendra possible dans le proche terme comme voulu par lui l’intervention militaire à laquelle il appelle. Ce dont doutent aussi bien l’ONU que les Etats-Unis et d’autres puissances régionales et internationales, ainsi que la plupart des experts militaires étrangers qui scrutent la réalité malienne et celle des Etats qui poussent Bamako sur la voie de l’option militaire.
Kharroubi Habib