Coup d’Etat en marche dans la Grande Ile. Sous le poids d’une pression continue depuis deux mois, le président malgache Marc Ravalomanana a démissionné et décidé de confier ses pouvoirs à un «directoire militaire». Ce que l’opposition, forte du soutien de l’armée, devenu palpable au fil de la crise, s’est empressée de refuser.
Acclamé par ses sympathisants, le chef de l’opposition Andry Rajoelina avait peu auparavant fait une entrée triomphale dans les bureaux de la Présidence dans le centre de la capitale malgache. Pourtant, Marc Ravalomanana, 59 ans, assurait qu’il ne démissionnerait «jamais» face à la contestation grandissante. Ces derniers jours, l’hypothèse d’un prochain départ en exil était évoquée avec insistance par plusieurs observateurs. Engagée en décembre lors de l’interdiction par les autorités d’une télévision appartenant à l’opposant, alors maire de la capitale, la confrontation entre les deux hommes s’est durcie fin janvier et a, depuis, fait plus d’une centaine de morts. Andry Rajoelina, surnommé «TGV» pour son côté fonceur, s’est d’abord autoproclamé président d’une «Haute Autorité de transition», allant jusqu’à appeler à l’emprisonnement du président en exercice. L’armée, d’abord neutre, a apparemment pris fait et cause pour la démission du chef de l’Etat. Les militaires, qui ont investi lundi soir les bureaux de la Présidence dans le centre de la capitale, ont salué Andry Rajoelina lors de son arrivée, avec ses partisans, en provenance de la place du 13-Mai, où ses rassemblements quasi quotidiens ont rythmé la crise sociopolitique malgache. A une douzaine de kilomètres de la capitale, Marc Ravalomanana, élu démocratiquement en 2002, est de plus en plus isolé dans son palais d’Iavoloha, toujours protégé par la garde présidentielle et ses partisans. Face à l’escalade, l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) avaient mis en garde contre une prise du pouvoir par la force à Madagascar.
L’UE avait souligné qu’un chef de l’Etat mis en place par la violence ne serait pas «reconnu» comme légitime. Une telle éventualité entraînerait même une suspension de l’aide à Madagascar considéré comme l’un des pays les plus pauvres de la planète. L’élan qui avait porté Ravalomanana au pouvoir en 2002, évinçant l’impopulaire Didier Ratsiraka de la scène politique qu’il occupait depuis près de 30 ans, s’est progressivement essoufflé face aux promesses non tenues d’un «développement économique et rapide».
Pourtant, après une réélection dès le premier tour en décembre 2006, Ravalomanana a consolidé son pouvoir en remportant en 2007 et 2008 la plupart des scrutins (référendum constitutionnel, législatif, municipal, régional, puis sénatorial). En décembre 2007, l’échec du candidat de son parti à la mairie d’Antananarivo face au jeune indépendant Andry Rajoelina signe un basculement. Ayant projeté de réformer en profondeur la société et l’économie malgache, Ravalomanana n’a pas réussi à obtenir l’adhésion de la population, selon ses détracteurs. La majorité des Malgaches vit encore sous le seuil de pauvreté. Une véritable aubaine pour l’opposition qui veut en découdre avec le pouvoir de Ravalomanana.
L’opacité autour du projet mené par le sud-coréen Daewoo Logistics, pour exploiter jusqu’à 1,3 million d’hectares sur la Grande Ile, a aussi servi de prétexte pour charger le président en exercice l’accusant de brader les richesses du pays. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) s’est réuni d’urgence hier pour faire le point sur la situation à Madagascar. Le président de la Commission de l’UA, Jean Ping, a déclaré que «si les militaires ne suivent pas [l’ordre constitutionnel], il s’agira d’un coup d’Etat» et que l’UA condamnerait toute prise illégale du pouvoir à Antananarivo. Sourde à l’avertissement, l’opposition semble penser déjà à l’après-Ravalomanana.