Le président français y est attendu cette après-midi,Tlemcen rêve de primeur

Le président français y est attendu cette après-midi,Tlemcen rêve de primeur

De notre envoyé spécial à Tlemcen, Sofiane Aït Iflis

Tlemcen, ville coquette de l’Ouest sur laquelle veille Lalla Setti, soigne ses attributs. Si elle est soumise à une grande opération de fardage, depuis une semaine, c’est parce qu’elle prétend sérieusement à ravir à Alger le statut de préférée. Elle se prépare, susurre-t-on, ici, dans un conditionnel de rigueur, à être récipiendaire de quelques primeurs.

Elle veut plaire. C’est certain. C’est même trop visible. Le boulevard Colonel Lotfi, l’artère de la vieille mais néanmoins bien conservée ville de Tlemcen, est bariolé à l’excès. Le président français, François Hollande, dont l’avion présidentiel devra atterrir aujourd’hui en début d’après-midi sur le tarmac de l’aéroport Messali-Hadj, aura tout le loisir de jouir d’un spectacle de couleurs chatoyantes.

Pour commencer, une randonnée pédestre, sous escorte renforcée, à l’ombre des platanes. Bain de foule sur un demi-kilomètre en compagnie du président Bouteflika qui le précédera à Tlemcen pour satisfaire au protocole d’accueil à l’arrivée. Un mini-circuit touristique mènera François Hollande à l’imposant fort turc El Mechouar, au musée de la ville, au Centre culturel français. Les actes politiques sont guettés du côté de l’Université Aboubakr Belkaïd où le président prononcera un discours et où il sera fait docteur honoris causa. Ils sont également susceptibles de se produire au niveau de l’hôtel la Renaissance du groupe Marriott où il tiendra une conférence de presse. Sans être une affirmation, la conviction, chez d’aucuns, est faite de ce que François Hollande conclura sa visite d’Etat de deux jours en Algérie par une annonce forte ici à Tlemcen. Laquelle ?

Soulager la mémoire avant le décollage ?

Les observateurs attentifs ne se font plus d’illusion sur une éventuelle expression de repentance sur les crimes coloniaux français commis en Algérie. Alger n’en fait plus un préalable à l’amélioration de sa relation avec la France et cette dernière n’a de cesse de faire savoir qu’elle n’est pas prête à franchir un tel pas.

Cependant, ils n’excluent pas que François Hollande, qui a déjà pris sur lui et sur le gouvernement socialiste de prendre acte avec «lucidité» des massacres d’Octobre 61, se rende à quelques formules bien choisies pour contenter les attentes manifestes au sujet de la question mémorielle. En tout cas, l’idée est répandue ici à Tlemcen que François Hollande destine une primeur à l’ancienne capitale des Zianides.

Cette conviction se fonde chez beaucoup de Tlemceniens qui se vantent d’avoir une vue sur les centres de la décision politique locale, voire plus loin, se fonde sur le seul fait que le président français programme deux rendez-vous médiatiques rapprochés, l’un à Alger et l’autre à Tlemcen juste avant son décollage vers l’Hexagone. Mais faut-il se laisser aller aux conjectures de ceux qui se présentent en fins limiers de la politique ? Côté citoyen lambda, l’attitude est moins convulsée par l’événement. Dans ce café-terrasse, place Immama, les cafés et thés sont sirotés avec les mines mornes de tous les jours, de quotidiens lourds à vivre et des espoirs castrés. On ne parle pas de Hollande. Ni de Tlemcen, capitale de la culture islamique. «M’rahba bih», lance ce cafetier, pressé d’aller servir un client qui venait juste de s’attabler. De l’indifférence ? C’est tout comme. «Il vient conclure des affaires, signer des contrats», livre, sans prendre d’élan, le chauffeur de taxi qui nous conduit au centre-ville. Puis, il nous impose de parler d’Alger qu’il a connue autrefois. Arrivés à destination, il empoche les 50 dinars que nous lui tendons avec le sourire et, en guise d’au revoir, il nous lance : «Voyezvous, on sait faire comme vous (Algérois, s’entend,) on badigeonne à l’avenant.»

Au loin, un policier au sifflet muet fait les cents pas. Aucun signe de nervosité apparente. La ville vaque à ses occupations. Quelques affiches orphelines témoignent encore de la toute récente campagne électorale. Tlemcen est déjà passée à autre chose. Jeudi est un autre jour. Un jour où raisonneront les youyous, les sons de la zorna. Le centre-ville sera quadrillé pour faire place grande aux deux présidents.

S. A. I.