Le président du groupe nous entretient de la technologie d’evcon-cevital Issad Rebrab : “Nous visons une présence mondiale”

Le président du groupe nous entretient de la technologie d’evcon-cevital Issad Rebrab : “Nous visons une présence mondiale”

Dans cet entretien, le président de Cevital, M. Issad Rebrab, revient sur la présentation de la nouvelle technologie d’EvCon à Achema-2018 en Allemagne, ses retombées immédiates sur l’industrie locale et mondiale et les perspectives de partenariat, de production et d’exportation.

Liberté : M. Rebrab, vous avez présenté la nouvelle technologie de la filiale de Cevital EvCon au Salon Achema-2018 de Frankfurt. Quelles sont vos principales attentes à travers ce nouvel investissement ?

Issad Rebrab : Aujourd’hui, comme vous devez le savoir, 97% de l’eau de la planète est salée. Seulement 3% d’eau est épargnée par la salinité et, du coup, constitue le seul réservoir vital pour les populations mondiales.

Ces 3% se répartissent en 0,1% des eaux de surface, 0,4% des eaux souterraines et 2,5% des eaux de l’Antarctique, c’est-à-dire des eaux qui proviennent des glaciers qui fondent et qui, malheureusement, vont directement dans la mer. Avec l’explosion démographique et le changement climatique, 40% de la population mondiale connaîtra bientôt le stress hydrique. Y compris en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et une grande partie de l’Amérique. Du coup, cette technologie, l’unique qui est mise au point au monde, pourrait répondre à de grands besoins. Du reste, j’ai dit à mes collaborateurs qu’il fallait réussir notre challenge à tous points de vue, car les attentes sont immenses.

Ce Salon de Frankfurt a-t-il enregistré des échos ? Quelles étaient les appréciations des grandes entreprises et des délégations que vous avez reçues au niveau de votre stand ?

Quand vous avez les grands de ce monde, comme Bosch pour l’industrie pharmaceutique, Siemens pour le dessalement d’eau de mer qui, après cinq ans d’études, a adopté notre technologie, les Chinois, les Américains, l’Afrique du Sud, plusieurs pays du Moyen-Orient, dont les Égyptiens qui veulent un partenariat avec EvCon pour produire une eau de qualité pour leurs complexes touristiques au niveau de la mer Rouge, cela ne pourrait que constituer une fierté pour l’Algérie. Cette technologie fait partie des valeurs sûres qui contribuerait à faire sortir notre pays du sous-développement, notamment en créant des richesses.

Selon les discussions que j’ai eues avec une grande société britannique qui avait créé l’indice boursier de l’eau, en 2030, les échanges commerciaux et boursiers ne seront pas marqués par les hydrocarbures ou les autres marchandises, mais par l’eau. On parlait, il y a quelques années de la guerre de l’eau et personne n’y croyait. Aujourd’hui, nous sommes en plein dedans. En investissant dans cette technologie pour dessaler l’eau de mer nous épargnons aux populations le stress hydrique et évitons la guerre de l’eau. Ceci dit, il faudra dessaler, mais sans polluer les rivages de la mer.

Peut-on savoir comment vous est venue l’idée de vous lancer dans cette nouvelle aventure planétaire et d’investir dans ce créneau ?

C’était le hasard et il faut dire qu’il a fait bien les choses. J’avais rencontré en 2014 un compatriote qui, lui, était en contact avec un Anglais. Ce dernier voulait nous présenter une nouvelle technologie et j’ai accepté de rencontrer les responsables de cette invention. Ils m’ont signifié que cette innovation n’était pas à vendre alors que je voulais l’acheter.

Les choses sont restées ainsi. Plus tard, j’ai fait la connaissance de l’inventeur, à savoir Wolfgang Heinzl, qui, lui, était en conflit avec des associés. Un jour, l’inventeur a décidé de les attaquer en justice et la société, en faillite, a été liquidée. Donc, on a récupéré à la fois les ingénieurs et l’inventeur pour débloquer cette innovation.

Mieux, on a décidé de fabriquer de grandes membranes car celles que j’avais vu au niveau du laboratoire étaient petites.

C’est là qu’on avait décidé aussi de s’attaquer à tous les secteurs d’activité. Après, on a lancé notre centre de recherche et de développement, le troisième du groupe Cevital, qu’on a basé en Allemagne. Il est composé d’ingénieurs passionnés, sincères et très engagés. Donc, il fallait bien s’engager dans cette nouvelle et prometteuse aventure planétaire…

On peut dire que vous êtes arrivé au bon moment…

Absolument. J’étais là au bon moment pour leur prêter main-forte pour sauver et développer cette technologie. C’est ainsi qu’on a décidé de faire des membranes le cœur de cette innovation. Ce sont des membranes qui sont brevetées et qui seront produites exclusivement en Algérie.

En revanche, on produira des stations en Algérie, mais aussi en Allemagne et dans le monde entier. Parce que cela demande plus de temps pour produire ce genre de stations. C’est une performance et une machine très sophistiquée qu’on a fabriqué en quatre mois seulement. C’est un record !

Qu’en est-il de votre partenariat avec le leader allemand de boissons Döhler ?

J’ai effectivement rencontré, il y a six mois, mon partenaire allemand Döhler, le leader dans les boissons minéralisées et présents dans 146 pays dans le monde. Quand j’ai manifesté l’ambition de Cevital de produire une eau premium, ils ont commencé à chercher qui était le groupe Cevital sur internet et ils avaient cru qu’on allait demander des extraits pour produire des boissons.

Mais, quand notre ingénieur a commencé à présenter notre technologie, les gens de Döhler ont appelé tous leurs ingénieurs et leurs collaborateurs pour venir assister, car ils étaient intéressés par notre innovation et la qualité de notre eau ultra pure. Vous n’imaginez pas que ce leader a décidé de diffuser cette technologie dans les 146 pays où des producteurs de boissons voudraient avoir cette eau. La preuve, Döhler est là avec nous et c’était lui qui a embouteillé notre eau.

Qu’en est-il des perspectives de production et d’exportation de cette technologie, d’autant que l’Algérie vise à diversifier l’économie hors hydrocarbures ?

Notre business-modèle vise à être présent dans le monde entier. Pour atteindre cet objectif, il faudra avoir des partenaires solides dans différents pays. Mais, le cœur de la technologie, on le garde exclusivement en Algérie.

Dans certains secteurs, on ne vendra ni les membranes ni les stations, mais uniquement de l’eau. Après, il faudra inventer des idées, à l’image de celle qu’on a créé avec un Chinois dans le secteur de l’industrie chimique et le dessalement d’eau de mer. Quant aux perspectives, on vise plusieurs secteurs d’activité et on garantit une eau ultra-pure, avec zéro sel et zéro impureté.

Déjà, nous sommes invités par les Japonais pour la foire internationale qui se déroule au mois de septembre et nous sommes également invités par une Algérienne pour présenter notre station à l’occasion d’un salon dédié à l’industrie pharmaceutique en Algérie. En plus de Bosch intéressé pour constituer un consortium pour venir avec leurs équipes et Siemens, dont les négociations sont en cours, les Polonais nous ont aussi sollicités pour un probable partenariat. Il y a un engouement dans différents secteurs d’activité. Pour le moment, nous allons recevoir des équipements pour la production des membranes en Algérie. Nous allons commencer, avant fin 2018, avec 10 centres de production. Nous allons passer, dès l’année prochaine, à 20 centres de production et nous allons monter en cadence pour pouvoir répondre aux commandes.

Que va générer cette technologie en termes d’emplois, de bénéfices pour le groupe Cevital et EvCon, mais aussi des entrées en devises pour le pays ?

Nos partenaires d’EvCon vont percevoir un pourcentage du chiffre d’affaires que nous allons générer. Au niveau des emplois, les centres de production des membranes seront entièrement robotisés et il n’y aura que des ingénieurs de très haut niveau, tous des Algériens formés par notre partenaire allemand, pour superviser la chaîne de fabrication. Nous n’avons pas droit à l’erreur au niveau des process, car c’est très pointu comme technologie. En revanche, il y aura énormément d’emplois au niveau de la production des stations.

Quant aux rentrées en devises, il suffit de détenir le savoir, de s’adresser aux différentes industries avec une technologie unique au monde où vous allez avoir des marchés au niveau des grands groupes : il est certain que cela ne pourrait générer que de très grands montants en devises pour le pays. C’est la première fois que le secteur du dessalement d’eau de mer, même le secteur de l’eau, sera muni de produits équipés en Algérie. Une seule station de dessalement d’eau de mer en Algérie coûtait 750 de millions d’euros et, aujourd’hui, le besoin est de 13 stations et tous les cinq ans il faudra changer les membranes.

Mieux encore, ces stations sont gérées par des étrangers qui sortent des devises.

Est-ce que les autorités algériennes sont intéressées par cette technologie révolutionnaire ?

Personnellement, j’ai écrit au ministre des Ressources en eau. Il m’a répondu très gentiment que cette technologie était intéressante, mais que le secteur de dessalement d’eau de mer relevait du ministère de l’Énergie. Donc, j’ai écrit, depuis quelques mois, à ce ministère qui n’a pas encore répondu. Peut-être que le ministre n’a pas reçu le courrier. Mais, pour tout vous dire, nous sommes à la disposition de notre pays et nous sommes fiers de servir l’Algérie.

Entretien réalisé à Frankfurt par : FARID BELGACEM