Le président du conseil de l’ordre tire la sonnette d’alarme : « Les médecins sont devenus des harraga de luxe »

Le président du conseil de l’ordre tire la sonnette d’alarme : « Les médecins sont devenus des harraga de luxe »

Le docteur Mohamed Bekkat Berkani appelle les autorités à mettre fin à cet «exode» en offrant aux praticiens qui sont encore là des conditions optimales de travail.

L’Algérie risque de se retrouver sans médecins! C’est le signal d’alerte qu’a lancé, hier à Alger, le président de l’Ordre national des médecins. Le docteur Mohamed Bekkat Berkani qui était l’invité du forum du quotidien El Moudjahid a ainsi mis en garde contre cet «exode» qui menace la pérennité de notre système de santé. «L’Algérie a perdu des milliers de médecins hautement qualifiés et expérimentés ces dernières années qui sont partis en France. Sans compter ceux qui ont choisi d’autres destinations comme le Canada, la Grande-Bretagne ou encore le Moyen-Orient», a rappelé le docteur Bekkat Berkani qui qualifie cette situation de «harga de luxe». «Il y a un sentiment de désespoir général chez nos jeunes confrères. Ils se ruent vers des concours qui leur permettront d’aller exercer à l’étranger. C’est inadmissible que l’Algérie continue à former et que ce soit les pays étrangers qui en profitent!», témoigne le président de l’Ordre national des médecins. «Jusqu’à quand cette saignée?», rétorque-t-il avec autant de colère. Le docteur Mohamed Bekkat Berkani ne tire pas sur ses jeunes confrères, mais comprend leur démarche.

«Ces jeunes médecins partent pour bien entendu de meilleures situations non pas en rétributions, mais plutôt sur le plan de la carrière professionnelle. Ils partent pour exercer dans les meilleures conditions un métier pour lequel ils ont été préparés», a-t-il souligné avant de lancer un «SOS» aux autorités afin qu’ils sauvent ceux qui sont encore là et qui ne rêvent que de quitter le pays. «Il s’agit d’un constat qu’on doit assumer. Il est inutile de rêver de pouvoir ramener ces jeunes, mais il faut au moins essayer de sauver ceux qui sont encore là», a-t-il soutenu. «Les pouvoirs publics doivent pour cela leur offrir les conditions de travail optimales. C’est comme une équipe de football, si les conditions de travail sont là les résultats suivent», a-t-il souligné.

«Ceux qui partent ce sont de jeunes médecins qui cherchent à évoluer et à suivre l’évolution de la médecine. Ils estiment qu’ils peuvent s’épanouir en étant à l’étranger plutôt qu’en Algérie», a-t-il soutenu, relevant les manques dont se plaignent les médecins, à savoir les moyens matériels et pédagogiques. C’est selon lui ce manque de moyens qui provoque des erreurs comme celle de Djelfa, qui a coûté la vie à une jeune femme. «Il y avait un manque d’effectif, les médecins qui sont des résidents ou en service civil sont dépassés. Ils ne peuvent pas tout assumer et forcément des catastrophes se produisent», regrette- t-il. «On ne peut pas demander à un médecin qui vit à Alger d’aller travailler dans les Hauts-Plateaux ou dans le Sud sans lui offrir les conditions de travail, de séjour et surtout une rémunération attrayante…», ajoute-t-il avec amertume.

Le docteur Smaïl Boulbina qui a coanimé cette conférence a rejoint son confrère sur les dangers de cet exode; il a notamment plaidé pour un redéploiement du système de santé aux plans préventif et curatif, en intégrant pleinement ceux chargés de le piloter quotidiennement.

«Il y va de la survie de notre système de santé…», a conclu d’un air grave et des plus inquiets le docteur Boulbina.