600 nouveaux cas recensés en Algérie depuis début 2010.
Lancement d’une campagne nationale pour la protection des femmes et des enfants
Le président de l’Association “Anis” de lutte contre le sida et pour la promotion de la santé, le Dr Skander Abdelkader Soufi, était hier l’invité d’El Moudjahid. Le président de l’Association Anis intervenait à la veille du lancement d’une campagne nationale de prévention contre le Sida qui prendra pour point de départ la wilaya de Ghardaïa. C’est aussi en commémoration de la journée internationale de Lutte contre le sida que cette rencontre a eu lieu.
Faible prévalence en Algérie
Le premier constat que fait l’orateur, c’est que l’Algérie est classée parmi les pays où l’épidémie est à faible prévalence avec un taux de personnes vivant avec le VIH inférieur à 1% de la population.
Pour le Dr Skander, l’Algérie, en dépit de cela, continue tout de même d’enregistrer une relative accélération des nouvelles contaminations. Ainsi pas moins de 600 nouvelles contaminations ont été officiellement notifiées en Algérie durant les 9 premiers mois de l’année 2010 portant le nombre cumulé et toujours officiel, depuis l’apparition de l’épidémie dans le pays à 4.745 séropositifs et 1.118 personnes en phase de Sida maladie.
Faiblesse de la prévention
Le Dr Skander pense que ces chiffres restent bien loin de la réalité, en raison de la faiblesse de la prévention et des personnes porteuses du virus qui s’ignorent. Les chiffres plus proches de cette réalité porteraient sur 6.000 personnes porteuses du virus.
Il s’agit d’une maladie silencieuse prévient le Dr Skander Abdelkader Soufi. Le porteur du virus peut vivre pendant 7 à 10 ans avec le virus sans qu’il le sache. Ce sont donc les cas dépistés qui font l’objet de statistiques.
Centres de dépistage présents sur tout le territoire national
Toujours selon l’orateur, l’Algérie au-delà de l’engagement politique au plus haut niveau dans la réponse au VIH/sida a consenti d’énormes efforts et réalisé certaines avancées en matière d’accès des populations à des services liés au VIH/sida notamment par la délocalisation à travers différentes régions du pays de centres de dépistage présents dans les grandes agglomérations urbaines et dans le Sud du pays. Il y a aussi des centres de référence des personnes vivantes avec le VIH. Le dépistage est volontaire et gratuit. L’accès à la trithérapie est également gratuit.
Les femmes et les enfants, le maillon faible
Les femmes et les enfants sont les maillons faibles de la dynamique de prévention. Des estimations fiables relève le Dr Scander Abdelkader Soufi, relevant que 6.000 à 12.000 femmes vivent avec le VIH/sida en Algérie. 8% de ces femmes seulement ont accès aux services de prévention contre la transmission du VIH de la mère à l’enfant, d’où le risque accru et le nombre croissant de nouveaux-nés porteurs du virus. De ce faut, les femmes et les enfants se retrouvent aujourd’hui en première ligne de l’épidémie contrairement aux croyances cataloguant l’infection au VIH à certains groupes marginalisés.
L’orateur rappelle les pesanteurs culturelles, la difficulté d’aborder des questions liées à la santé sexuelle dans nos sociétés et le tabou lié au Sida et à la sexualité imposés aux femmes pour expliquer cette situation. Il parle tout simplement à ce sujet, d’une forme de discrimination voire de situation de violence à l’égard de ces femmes.
Une campagne de sensibilisation à l’échelle nationale
La campagne de sensibilisation lancée par l’Association Anis à partir de la wilaya de Ghardaïa, en partenariat avec différents acteurs nationaux portera sur la protection des femmes et des enfants contre le VIH/sida. Elle sera lancée le 1er décembre prochain.
Le Dr Skander Abdelkader Soufi a noté lors de son intervention que la campagne qui démarre s’approprie l’un des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) relatif à la santé maternelle et infantile.
Elle s’inscrit également dans deux axes parmi les 10 principes de l’accès universel à la prévention et de la prise en charge en matière de VIH/sida et auxquelles l’Algérie s’est engagée. Cette action entre enfin dans le cadre du plan stratégique national relatifs à la prévention contre le VIH/sida, auprès des femmes en Algérie d’une part et la mise en place de services de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
Le choix de Ghardaïa n’est pas fortuit
Le choix de Ghardaïa note l’orateur n’est pas fortuit. En effet de nombreuses régions dit-il constituent un frein à la prévention et la prise en charge de la discrimination basée sur le genre. D’une durée d’une année et d’envergure nationale, la campagne “Himaya” se donne, selon le président “d’Anis”, trois objectifs : renforcer les connaissances sur la prévention du VIH/Sida auprès des femmes, renforcer l’implication des différents acteurs intéressés par la problématique, contribuer à l’amélioration de la prise en charge des femmes et des enfants vivant avec le VIH en complément des services fournis par l’Etat.
De nombreuses figures féminines médiatiques et artistiques accompagnent cette action. Il faut convaincre les gens d’aller au dépistage insiste à dire l’orateur. Il faut donc sensibiliser pour convaincre les populations.
Les allures d’une fausse accalmie
Le Dr Skander pense que nous vivons actuellement une fausse accalmie. Certains groupes à risques prostituées, drogués, connaissent une relative prévalence 4% pour le premier groupe 30 à 40% pour le second. Pour ces derniers, ils sont soit porteurs de sida ou de l’hépatite C. Il y a aussi les homosexuels, groupe pas très visible en Algérie. Sur le plan des études, on estime que 10% des personnes constituant ce groupe sont porteurs du sida. L’autre groupe incriminé, vient de l’immigration clandestine. Lors de leur transit en Algérie, les immigrés clandestins s’adonnent à la prostitution ou à la vente de la drogue, très souvent pour financer leur voyage. Le contact avec la drogue n’exclut pas son usage par ces groupes. Les milieux estudiantins sont également compris dans les populations à risque.
Une situation qui requiert une certaine vigilance
Le Dr Skander pense que la situation nécessite une certaine vigilance. Il faut agir maintenant dit-il. L’Algérie n’est pas la seule ciblée, mais il s’agit-là d’une tendance internationale. Ce sont des groupes clés qui nécessitent des programmes adaptés. Si l’on se fie aux indicateurs épidémiologiques, on s’aperçoit donc qu’il y a un large spectre de groupes qui restent exposés. Les femmes et les enfants bénéficient à ce titre d’un grand intérêt.
Une femme, c’est aussi une famille
Le Dr Skander note qu’une femme c’est aussi une famille. Avoir un avis sur le statut médical de la femme. C’est aussi avoir un avis sur celui de la famille. Ils s’agit souvent de femmes marginalisées, des femmes au foyer contaminées par leurs maris et qui n’ont connaissance de leur état faute d’avoir été averties qu’à la mort du mari. Les conséquences sont très lourdes sur le plan social. La veuve contaminée doit subsister et assurer la prise en charge des enfants.
Il y a des plans de prévention qui sont conçus pour ces femmes. Mais malheureusement il arrive que des femmes n’aient pas accès à l’information et à l’information sexuelle notamment parce que le Sida et la santé sexuelle sont encore vus comme une invitation à la débauche.
Cette forme de discrimination constitue une violence à l’égard des femmes. C’est encore plus grave, lorsque ces femmes là sont enceintes et que dans 90% des cas, elles donnent naissance à des enfants porteurs de sida. Les modes de transmission du virus sont de trois ordres sexuel, par transmission sanguine, par transmission de la femme à l’enfant.
Le dépistage et l’information jouent un grand rôle
Le dépistage joue un grand rôle dans de telles situations. Les problèmes qui peuvent également survenir proviennent d’éventuelles pénuries de médicaments qui amènent les malades à développer des résistances exigeant d’autres thérapies. L’éloignement des centres de dépistage au nombre de 70 dans le pays, peut être aussi un handicap en matière de prévention. Les problèmes relevant de la précarité et de la mobilité, sont des causes aggravantes.
Une occupation sanitaire nouvelle
Le Dr Skander parle d’un fléchissement dans le suivi à cause d’autres préoccupations sanitaires (développement d’autres maladies comme le diabète par exemple). Il y a un problème de coordination qui reste également posé. Ainsi le Conseil national chargé du suivi de la maladie ne s’est pas réuni depuis cinq ans.
C’est un frein majeur le reconnaît le Dr Scander. L’orateur relève que sur le plan international il y a une bonne nouvelle avec l’annonce de la découverte d’un nouveau gel antiseptique aujourd’hui à l’état de recherche cliniques. Pour l’heure, la priorité reste à la prévention et à la mise à disposition des malades de nouvelles molécules dites de 3e génération. On ne meurt plus du sida, note le Dr Skander, c’est dire l’efficacité de ces nouvelles molécules, dit-il.
Tahar Mohamed Al Anouar