Dans les démocraties avancées, un simple article de presse peut déclencher la lourde machine de la Justice, qui s’autosaisit de l’affaire et déroule ses tentacules d’enquête et de répression. Tous les citoyens sont alors des justiciables, passibles devant la loi des mêmes peines.
De toute évidence, on n’en est pas encore là. Mais, tout de même, lorsque le président de la République, lui-même, affirme que l’Etat «n’hésitera pas à demander des comptes à toute personne coupable aux yeux de la loi, tout en veillant à recouvrer les droits spoliés», s’agissant de la dilapidation de deniers publics, on aurait dû s’attendre à ce que la Justice fasse preuve d’un peu plus de promptitude dans l’action, ne serait-ce que pour donner du crédit à une déclaration officielle, émanant, de surcroît, du Président.
Et maintenant ? Serions-nous tentés de dire. Que fait la Justice ? De toute évidence, chaque magistrat souhaiterait ne pas être saisi de l’affaire, et il faut qu’elle lui soit carrément collée pour qu’il la traite.
Le ministre interviendra pour faire avancer les choses, car on connait le fonctionnement de la Justice dans les grosses affaires : il y a tout un décor qui est planté d’avance, des noms préalablement choisis, des juges désignés et des limites tracées.

C’est la procédure d’usage pour faire aussi vrai que nature. Sauf que, cette fois-ci, les citoyens attendent de voir de leurs propres yeux comment les choses vont débuter, sous quel jour et sous quelles coutures, et, surtout, comment vont-elles finir.
La Justice est, désormais, mise au pied du mur et elle a le devoir d’agir. Il y a quelques jours, l’inauguration du siège de l’Office central de répression de la corruption et les déclarations du ministre des Finances, Karim Djoudi, appelant les citoyens et les responsables «à tous les niveaux à participer activement à la lutte contre la corruption», ont donné de l’espoir aux gens.
Les affaires de corruption commencent à faire désordre, mettant l’Algérie aux dernières loges des pays, entachant durablement son image de marque et clouant les institutions au pilori.
Les affaires Khalifa, Sonatrach 1, Sonatrach 2, Saipem, SNC Lavalin, les biens immobiliers des commis de l’Etat en France et en Espagne, pour ne citer que les affaires les plus visibles, ont largement débordé hors du pays, tombant entre les mains de juges incorruptibles, aussi bien à Milan, Paris, Madrid qu’au Québec.
Les ramifications, les «têtes d’affiche» et les grands corrompus algériens ne tarderont pas à être débusqués. Des enquêtes sont lancées, aussi bien en Algérie par le biais de brigades économiques relevant du Département recherches et sécurité qu’à l’étranger, où la justice, s’appuyant sur le principe de l’autosaisine, dès lors qu’une affaire de pots-de-vin est ébruitée, s’est déjà lancée dans des enquêtes qui vont faire du bruit.
Des noms comme Abdelaziz Belkhadem, Amar Ghoul, Farid Bedjaoui, Chakib Khelil, etc. sont cités dans des affaires douteuses, mises sur la place publique.
Il ne s’agit pas que d’anciens ministres, mais aussi de ministres en poste, susceptibles d’être mis en cause dans des affaires de malversations, détournements, pots-de-vin, concussions et transferts illicites de capitaux à l’étranger.
Ceux-là et ceux que les enquêtes futures déboulonneront de leur piédestal doivent répondre devant les tribunaux. Il y va de la crédibilité de l’Etat.
Du président de la République, surtout. Et là, la Justice ne doit pas, par ses tergiversations, ses atermoiements ou ses complicités, faire passer Abdelaziz Bouteflika pour un fieffé manipulateur de foule…
Par Fayçal Oukaci