Béji Caïd Essebsi est un habitué de l’Algérie. Il ne compte pas ses rencontres avec les responsables algériens qui se sont multipliées depuis les années 70 alors qu’il assumait diverses responsabilités ministérielles.
Mais, cette fois-ci, sa visite, qui sera la première en tant que chef d’État, a valeur de symbole.
Pour sa première sortie à l’étranger, le nouveau président de la République tunisienne se rend à Alger, perpétuant ainsi une tradition instaurée par les gouvernants tunisiens. Cette visite était programmée par Béji Caïd Essebsi, bien avant son entrée au palais de Carthage. Au cours de sa campagne électorale, il l’avait annoncée pour la confirmer dès son investiture. Pour un président tunisien, c’est plus que naturel qu’il accorde une aussi grande importance à cette visite. Au-delà des liens séculaires qui unissent les deux pays (histoire, langue, religion…), le présent impose aux deux pays un échange de vues continu et un renforcement de la coopération de manière à faire face aux défis communs et à anticiper les événements.
La Tunisie et l’Algérie sont les seuls pays du Maghreb qui ont eu des relations ininterrompues depuis leur indépendance. Certes, des nuages sont venus, parfois, assombrir ces relations. Et ce n’est pas tomber dans l’usage de la “langue de bois” que de rappeler que la sagesse de leurs dirigeants a toujours été le bouclier qui permet d’éviter la rupture. Au début des années 80, alors que les relations étaient à leur plus bas niveau, les deux pays ont surpris les observateurs en parvenant, malgré tout, à conclure un traité de bon voisinage, avant d’aller de l’avant pour achever le bornage des frontières. Durant la “décennie noire” en Algérie, la Tunisie a été le seul pays à garder ses frontières ouvertes aux Algériens, confirmant ainsi la solidité des liens unissant les deux peuples. De son côté, l’Algérie n’a pas hésité, un instant, à venir en aide à la Tunisie qui, depuis quatre ans, traverse une crise économique aiguë. En effet, deux prêts
(100 millions de dollars et 500 millions de dollars) ont été accordés à la Tunisie pour lui permettre de soulager son Trésor public. L’avenir, les deux pays comptent le construire en commun. Le plus urgent est de préparer le terrain à une coopération fructueuse dans tous les domaines. Cette préparation passe par l’intensification de la coopération dans la lutte contre le terrorisme qui menace leurs assises. Dans sa déclaration d’investiture devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) le mois dernier, Béji Caïd Essebsi a rappelé que la sécurité de la Tunisie est intimement liée à celle de l’Algérie et vice-versa. Sur ce plan, la Tunisie compte beaucoup sur l’expérience algérienne et sur une collaboration plus poussée en matière de renseignements, bien qu’à l’heure actuelle, la Tunisie ne cache pas sa satisfaction quant au niveau atteint par cette collaboration.
L’autre question, qui sera sans doute évoquée par le président tunisien à Alger, a trait au développement des relations économiques et des échanges commerciaux, d’autant plus que les chiffres prouvent que les deux pays peuvent faire plus. En effet, les derniers chiffres attestent de la faiblesse de ces échanges. L’Algérie a vendu à la Tunisie pour 531 millions de dollars et a acheté pour 429 millions de dollars, alors que les deux pays offrent d’énormes possibilités à exploiter pour que ces échanges s’élèvent au niveau des relations politiques. C’est ce qui ressort d’une déclaration du Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, qui estime que “les deux pays offrent des conditions favorables à la relance d’une nouvelle dynamique économique, à la réalisation des initiatives individuelles et à une implication plus grande du secteur privé dans le processus du développement”. C’était à l’occasion de la visite à Alger de Mehdi Jomaâ qui, à son tour, considère impératif “d’impulser les relations bilatérales à la hauteur de la complémentarité et du partenariat stratégique. Cela appelle à davantage d’efforts afin d’assurer le développement des régions frontalières”. C’est dans cet esprit et cette optique que s’effectue la visite de Béji Caïd Essebsi à Alger.
M. K.