Le président de la République appelle à une mobilisation nationale pour partager l’effort que nous imposent nos difficultés financières qui sont, d’après lui, conjoncturelles.
C’est un discours complètement en déphasage avec la réalité qu’a adressé, hier, le chef de l’État au peuple. Il n’aborde pas explicitement la question de la repentance, expose un bilan positif de ses mandats, met en garde contre les discours “populistes et électoralistes” et appelle à un “front intérieur solide”. Sans apporter de solutions à un front social en ébullition.
La logique aurait été de soutenir publiquement une large frange de la population dans sa demande de reconnaissance des crimes commis par les colons français et la restitution des crânes des martyrs algériens exposés au Musée de l’Homme à Paris. Mais le chef de l’État a choisi de tronquer la revendication de la repentance de la France contre un devoir de mémoire et un appel à l’apaisement des relations algéro-françaises. Le président de la République a, en effet, appelé dans son discours adressé au peuple à l’occasion du 1er Novembre, au devoir de perpétuer le souvenir de la lutte pour l’indépendance dans la mémoire collective, “non pas pour cultiver la haine mais pour que nul n’oublie le prix payé par le peuple algérien afin de vivre libre et indépendant”.
Tout en énumérant les lourds sacrifices consentis par le peuple dans sa quête de l’indépendance, Bouteflika n’a pas non plus répondu au candidat à la primaire de droite François Fillon qui a, à maintes reprises, déclaré durant sa campagne que la “colonisation visait à partager sa culture”. L’Algérie semble privilégier, à croire le ministre des Moudjahidine, les négociations par les canaux officiels, particulièrement à travers notre représentation diplomatique à Paris, pour exprimer cette revendication de repentance. “Il n’y a pas de recul sur cette question”, assure Tayeb Zitouni, dans un entretien accordé à un site Internet. Plus tranchant, le ministre des Moudjahidine reconnaît que c’est un dossier qui impacte l’avenir des relations bilatérales de deux pays, avant de lâcher : “Maintenant, il est vrai qu’il faut passer à l’acte. On ne peut pas continuer à parler et exprimer des vœux dans des réunions.” Le chef de l’État se déclare, néanmoins, fidèle aux principes fondateurs consignés dans la déclaration du 1er Novembre, assurant qu’ils seront confirmés et complétés au fil des prochaines révisions de la loi fondamentale.
Sur ce chapitre de la Révolution, le président de la République ne s’attarde pas trop, préférant aborder trois autres axes : la sécurité du pays, le développement économique et social et la stabilité politique. Selon lui, la conjoncture économique et géopolitique extérieure requiert un front intérieur solide. Dans ce sens, il renouvelle sa confiance à l’Armée nationale “pour préserver l’intégrité du territoire et éradiquer les résidus du terrorisme de son sol”. Il en appelle à l’appui des citoyens, à l’armée et aux autres corps de sécurité dans la lutte contre le trafic d’armes et de drogues, qui a atteint, estime le Président, “un seuil dangereux dans notre sous-région”.
Le président Bouteflika se lance ensuite dans un bilan élogieux de ses mandats dans les domaines économique et social. Il évoque le recul du chômage et l’amélioration des conditions de vie de larges couches de la population. Et même s’il reconnaît que depuis deux années, le pays fait face à une détérioration dramatique de ses revenus, il affirme, néanmoins, que le remboursement anticipé de la dette extérieure et une gestion qualifiée de prudente des réserves de change “nous permettent de préserver l’indépendance de la décision économique”, tout en appelant à une mobilisation nationale pour partager l’effort que nous imposent nos difficultés financières qui sont, d’après lui, conjoncturelles. Sans citer nommément les grèves déclenchées ces derniers jours, pour le maintien de la retraite proportionnelle et anticipée.
Sur le plan politique, le Président incite les citoyens à faire preuve de “discernement face aux discours populistes et électoralistes”, considérant que la Constitution révisée au début de l’année a conforté les règles de la démocratie et renforcé la place et les droits de l’opposition. Bouteflika promet la transparence des prochaines élections législatives et locales tout en appelant les formations politiques à préserver la stabilité qu’il aurait instaurée à travers les lois et instances censées les régir.