La banque jordanienne Arab Bank est accusée d’avoir financé des attentats terroristes revendiqués par les mouvements islamistes Hamas et Jihad islamique. Le procès débute jeudi à New York.
Tout a commencé en 2004, quand une centaine de citoyens américains ont porté plainte contre la banque jordanienne Arab Bank l’accusant de financer le terrorisme. Dix ans de procédure plus tard, un procès, se tenant au civil et censé durer deux mois, démarre jeudi devant la Cour fédérale de Brooklyn. Il s’agit du premier de ce genre aux États-Unis.
Des victimes d’attentats terroristes réclament des dommages et intérêts
Les plaignants, des victimes ou ayant-droits de victimes d’une douzaine d’attentats terroristes commis entre 2001 et 2004 en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, réclament des dommages et intérêts « importants », selon leur plainte consultée par l’AFP. Les attentats en question avaient été revendiqués soit par le Hamas, soit par le Jihad islamique, déclarés par les États-Unis organisations terroristes en 1997.
Arab Bank est notamment accusée d’avoir transféré de l’argent pour l’ONG Saudi Committee, qui levait des fonds auprès de riches donateurs du Golfe pour le compte de mouvements islamistes dont le Hamas et le Jihad islamique.
Des millions de dollars versés à des terroristes, selon la plainte
Les plaignants accusent également la banque jordanienne d’avoir versé une indemnité, financée par le Saudi Committee, aux familles des auteurs d’attentats suicide et aux proches de Palestiniens tués dans ces actes terroristes. Le montant de cette indemnité, mise en place après 2000, s’élevait à 5.316,06 dollars par famille, selon la plainte.
Les plaignants affirment:
« Arab Bank, en consultation avec le Saudi Committee et des représentants locaux du Hamas, finalise les listes (des bénéficiaires de ces aides), détient une base de données des personnes éligibles à cette couverture universelle et ouvre un compte en dollars à chacun des bénéficiaires ».
En novembre 2001, selon la plainte, le Saudi Committee aurait par exemple versé plus de 42 millions de dollars « aux terroristes et à leurs ayants-droits ».
Arab Bank est par ailleurs accusée d’abriter, via sa branche libanaise El-Mazra Branch à Beyrouth, des comptes bancaires pour le Hamas et pour des ONG contrôlées par le mouvement islamiste.
« Aucune intention de soutenir le Hamas »
La banque se défend toutefois de ces accusations:
« Les faits montrent que Arab Bank a fourni des services bancaires de routine en conformité avec les lois antiterroristes, et n’avait aucune intention de soutenir le Hamas ou une autre organisation terroriste », a déclaré mercredi un porte-parole à l’AFP.
Le Saudi Committee « n’a jamais été qualifié d’organisation terroriste » par les États-Unis, rétorque par ailleurs Arab Bank.
Malgré des injonctions judiciaires, la banque jordanienne a toutefois refusé de livrer des informations sur des comptes bancaires. En novembre 2012, l’établissement avait par ailleurs réussi à obtenir de la justice américaine qu’elle classe sans suite une plainte similaire déposée par Mati Gill, un ancien responsable israélien.
Arab Bank a été fondée en 1930 à Jérusalem par une famille palestinienne avant de déménager son siège à Amman en 1948, au lendemain de la création de l’État d’Israël. Elle dispose de filiales et agences un peu partout dans le monde.
Un précédent pour Crédit Agricole?
Le procès, l’un des tout premiers qui voit une banque accusée de financement de terrorisme, est très surveillé par le milieu bancaire. Il pourrait en effet créer un précédent. La banque jordanienne souligne d’ailleurs:
« Cette affaire soulève de très importantes questions et pas seulement pour Arab Bank (…) mais pour le système financier international dans l’ensemble car les plaignants demandent à ce que les banques soient tenues pour responsables même quand elles ont agi dans le respect des lois ».
La banque française Crédit Agricole, la britannique National Westminster ou NatWest (Royal Bank of Scotland) et Bank of China font également face à des accusations similaires de financement de terrorisme aux États-Unis.
Dans le cas de Crédit Agricole, c’est sa filiale Crédit Lyonnais qui est accusée d’avoir abrité un compte bancaire en 1990 d’une ONG censée financer le Hamas, selon le dernier rapport annuel de la banque. L’établissement nie en bloc ces accusations. Le procès est prévu au plus tôt à l’automne.