Le précarité gagne de larges pans de la société :A l’origine, le déséquilibre régional et l’exode rural

Le précarité gagne de larges pans de la société :A l’origine, le déséquilibre régional et l’exode rural

Dans les milieux syndicaux, la conviction partagée est que le salaire minimal devrait tourner autour de 30 000 DA, et cette somme serait tout juste suffisante pour faire vivre correctement une famille algérienne moyenne.

En deçà de ce revenu, il est difficile de faire face aux dépenses quotidiennes du foyer.



Qu’en est-il alors de ces nombreuses personnes démunies, au chômage ou vivant les affres du sous-développement chronique des campagnes et des régions déshéritées de l’intérieur du pays ? Et quelles solutions faut-il mettre en œuvre pour prétendre y remédier ? Essentiellement, la précarité se remarque dans les zones rurales, les régions montagneuses et steppiques, les contrées reculées du sud, la périphérie des grandes villes et, paradoxalement, sur une grande étendue de la bande littorale.

Aucune région n’est donc épargnée par ce phénomène qu’on attribue d’abord aux séquelles de la colonisation, à l’effondrement des recettes pétrolières en 1986, au désinvestissement et, ensuite, à la série de mouvements d’exode provoqués ces deux dernières décennies par le terrorisme islamiste.

Les statistiques officielles font part du déplacement -volontaire ou forcé- de plus de 5 millions de ruraux vers les villes depuis les années 1980, voire davantage puisque l’Algérie a carrément changé de physionomie en matière de répartition spatiale de la population.

De moins de 30% au début de l’Indépendance, la proportion d’Algériens vivant dans les villes est actuellement estimée à plus de 70%.

Les campagnes ne compteraient plus que 13 millions d’habitants, en majorité établis dans des bourgs plus ou moins nantis en équipements sociaux et éducatifs de base, le reste s’agglutinant dans des villes complètement saturées, mais où il est plus facile de vivre : eau courante, électricité, proximité des structures sociales, sécurité assurée et davantage d’opportunités d’emploi.

Emplois précaires, revenus aléatoires

Provoqué à la fois par la paupérisation des campagnes et la politique de terre brûlée pratiquée par le terrorisme islamiste, l’afflux massif de populations rurales vers les centres urbains est à l’origine de la dégradation des conditions de vie dans de nombreuses villes.

La pénurie de logements, la crise de l’emploi -et sa précarisation- depuis la mise en faillite des entreprises du secteur public et la saturation des équipements sociaux compliquent une situation déjà mal assumée par les familles et les individus en difficultés, entre autres les chômeurs, les handicapés, les vieilles personnes et les veuves dont les revenus sont des plus aléatoires.

Les chiffres, bien qu’ils ne reflètent pas la réalité du terrain, montrent que la précarité ne cesse de gagner de larges portions de la population. Pour la seule wilaya de Tizi Ouzou, on recense plus de 22 000 familles démunies, et dans certaines communes,

la proportion de familles pauvres serait supérieure à 70%. Ailleurs, dans les villes du sud, à l’exemple de In Salah, Inghar, Ideless, Tine Tarabine ou Bordj Badji Mokhtar, la majorité des populations ne doivent leur survie qu’à l’action sociale de l’Etat.

La situation est identique le long de la bande côtière à l’est et à l’ouest d’Alger où, plus on s’éloigne des villes portuaires, plus la pauvreté est prégnante.

Le cas d’El Marsa, Dechria ou Oued Goussine, dans la wilaya de Chlef est édifiant à ce propos. En fait, les poches de pauvreté sont visibles un peu partout à travers le pays, y compris à Alger où l’Etat à fort à faire avec la prolifération anarchique des bidonvilles, le squat et le détournement des exploitations agricoles, devenues, au fil des ans, le réceptacle de toute la misère de l’hinterland algérois.

Option sud

Des solutions, il en existe qui consistent, notamment, à poursuivre l’effort de construction nationale à travers la répartition équitable et équilibrée des revenus pétroliers, et à mettre en pratique les recommandations du Pnud en matière de développement humain. Il s’agit, entre autres, de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, d’améliorer les conditions de vie des populations ainsi que l’accès aux services sociaux en matière de santé et de protection sociale, d’éducation et de formation.

Des actions qu’on ne peut dénier aux pouvoirs publics, qui consacrent chaque année des budgets conséquents pour cette finalité. Les dispositifs de lutte contre le chômage ainsi que l’accès à l’emploi et la promotion des PME/PMI participe à cette volonté de rééquilibrer les indicateurs sociaux pour assurer à chaque algérien les conditions de sa promotion.

Mais l’effort demeurera vain tant que l’Etat n’aura pas pris à bras-le-corps le problème fondamental de l’Algérie : résoudre au plus tôt le déséquilibre régional et prendre des mesures courageuses et innovantes pour mettre fin à la mauvaise répartition spatiale de la population. Autrement dit, se tourner vers l’Algérie profonde et commencer à exploiter dès aujourd’hui son formidable potentiel.

Par A. Laïb