Posséder des centaines de millions, voire des milliards vous ouvre grandes les portes de la députation
Pour espérer un jour piloter une liste aux élections, il faut «en avoir plein les poches».
La première position sur la liste de candidature de plus d’une trentaine de partis en lice est réservée exclusivement aux riches ou rentiers. Etre «plein aux as» ou en avoir plein les poches est le premier critère pour figurer aux trois premières positions sur l’affiche. Posséder des centaines de millions voire des milliards vous ouvre grandes les portes de la députation. Ce phénomène dramatique à la mode, qui n’est pas récent chez nous, tend à se muer en pratique ordinaire et banale. Ce travestissement ou mascarade s’appelle «la ploutocratie». L’Algérie serait-elle en train de glisser peu à peu vers une «ploutocratie» prépondérante? Ou bien y est-elle déjà de plain-pied? La capacité, la compétence et la moralité s’évaluent à l’aune de la «chkara».
Le critère principal qui vaille, le meilleur critère pour accaparer le mandat de député, un rôle politique qui devrait revenir à «l’élite de la nation» repose sur le pouvoir de l’argent. D’ores et déjà, on parle d’une assemblée qui sera prise en otage par la cupidité. Ces parlementaires, plus Pieds nickelés que représentants du peuple, seraient plutôt des petits soldats «mafieux», «racketteurs» pour voler des indemnités illégitimes. Etant entendu qu’en principe, un élu ne touche pas un salaire mais une indemnité pour couvrir ses stricts besoins de représentation durant son mandat. La loi est
subordonnée à la légitimité. Or, les parlementaires ont fait de leur mandat, une aubaine ou la «légitimité monnayée ».
La «légitimité» ainsi comprise devrait dans ce cas disparaître puisque elle n’a plus de sens. «La cohorte des riches candidats nous prend pour des canards pour ne pas dire des moins que rien», commente un jeune universitaire. C’en est trop! car, disent les observateurs, à ce rythme, le simple citoyen ne pourra jamais accéder à ces rôles conférés pourtant par la consultation et les voix des citoyens ou électeurs. La tendance actuelle est désormais à l’exclusion et la chasse du pauvre ou simple citoyen des listes de candidatures à la députation. Laissé en marge, le citoyen lambda est mis devant le fait accompli par la puissance de l’argent.
La situation sociale à laquelle sont confrontées de larges catégories sociales, notamment les jeunes, ne cadre pas avec cet assaut des riches sur les sièges à pourvoir ainsi que la situation financière de l’Etat. Cela pose, à l’évidence, la problématique relative à la répartition équitable des richesses. A moins de deux mois des législatives, si la fièvre et le rush sont observés chez les postulants, la rue algérienne est plutôt peu concernée. Ils sont nombreux les Algériens qui pensent que «la société politique semble stagnée et ce que s’y passe ne les concerne pas et l’économie n’est pas moins en panne».
Les réformes politiques? Cette petite lueur où l’éclaircie est aujourd’hui raillée par l’argent sale qui n’est pas la moindre ou la seule dérive constatée. Cela remet une couche à la rupture totale du lien de confiance entre gouvernés et gouvernants.
Un autre observateur de la scène politique dira: «Peut-être qu’il aurait fallu commencer par engager les réformes économiques, qui, en bannissant les monopoles, en brisant les positions de rente, vont engendrer une redistribution des pouvoirs et amener dans leur sillage des réformes politiques.» L’ouverture de l’économie et sa libéralisation progressive qu’on sait hybride, devaient, selon leur concepteurs de l’époque, conduire au changement du système de gouvernance. Cette démarche a échouée et n’a pu outrepasser la «digue» de la résistance tenace du système en place.
Les revendications de rupture avec les pratiques du passé que la majorité des Algériens soutenaient et appelaient de leurs voeux ont été diluées dans une tourmente sanguinaire et rétrograde ou la tragédie nationale dont les stigmates sont encore bien vivaces. D’autres analystes plus optimistes soutiennent que tout passe d’abord par la réforme du système politique. Car les partisans de cette thèse disent que c’est bien le système politique dominant par ces positions de privilèges octroyés, ses innombrables réseaux qui pourra empêcher ou rendre toute transformation économique ainsi que d’autre réformes, caduques. Dès lors, on ne compte plus combien de tentatives de mutation économique ou tout simplement de régulation du marché ont été vite brisées? A-t-on enfin compris l’obligation et la nécessité de réformes profondes et sérieuses?
Par ailleurs, certains partis en lice n’ont pas hésité à demander aux candidats de financer la campagne. «Cela n’est pas interdit par la loi, notamment face à l’absence de subvention de l’Etat», justifient-ils. D’autres partis ont relevé toutefois, «l’absence de la justice» concernant l’octroi des subventions étatiques aux formations politiques. Des partis ont bénéficié de subventions de l’Etat contrairement à d’autres, affirment certains candidats. Enfin, l’argent qui n’est qu’un moyen de gestion de l’action politique, a pris le pas sur le débat, sur les programmes et les nouvelles idées politiques.