L’euro a dépassé 1,49 dollar, pour la première fois depuis août 2008, sur le marché des changes. La monnaie unique continue à progresser face au billet vert, surtout dans le contexte économique peu favorable aux USA. Une vulnérabilité qui pèse, selon des spécialistes, sur l’économie algérienne à travers son commerce extérieur s’effectuant pour les exportations en dollar et pour les importations en euro.
L’euro poursuivait, en effet, sa montée face au billet vert, à telle enseigne que des investisseurs mondiaux s’inquiètent des perspectives de reprise de l’économie américaine. Les bourses mondiales sont ébranlées par la chute du dollar. Ce phénomène, considéré comme conjoncturel, pourra avoir des effets négatifs sur l’économie algérienne du fait de sa dépendance de la monnaie américaine.
Selon des spécialistes des questions financières et monétaires, plus de 50 % des importations de notre pays proviennent de la zone euro, tandis que les recettes d’exportations sont facturées en dollar.
De l’avis de ces experts, il faudra s’attendre à un renchérissement de nombreux produits à la consommation et des biens d’équipements en raison de la dépréciation du billet vert. La hausse des cours de nombreuses matières premières, inputs et des services n’est pas en reste. Du coup, c’est le pouvoir d’achat de l’Algérie qui est fragilisé par les fluctuations des monnaies internationales.
A ce sujet, l’économiste Mustapha Mekideche relève que ce problème de dépréciation du dollar devient «récurrent», estimant que les répercussions sont ressenties sur la valeur marchande de nos importations et la valeur réelle des réserves de changes placées dans les bons de trésor américain.
Selon lui, il existe une vraie bataille dans les pays asiatiques, notamment le groupe des pays émergents, sur l’adoption d’une monnaie unique pour faire face à la monnaie européenne qui ne cesse de gagner en valeur depuis sa mise en œuvre en 2002.
Pour cet économiste, il n’y a pas de doute, les répercussions de la dépréciation du billet vert sur le simple citoyen seront réelles en déboursant plus de dinars pour les produits alimentaires, notamment.
«Les concessionnaires européens ont procédé à l’augmentation des prix des véhicules lorsque les autorités ont décidé de réorienter les car-ferries du port d’Alger vers les ports de Djendjen et de Mostaganem. Maintenant que l’euro a encore progressé, il faut s’attendre à une autre augmentation des prix des voitures», tient à signaler M. Mekideche.
Inflation importée
Du même avis, une source bancaire ayant requis l’anonymat en raison du poste qu’elle occupe au sein du secteur financier, n’écarte pas des répercussions négatives du fait de la progression de l’euro.
«Nous sommes encore dans une économie fortement concentrée sur la monnaie américaine en ce qui concerne les exportations. La vente du pétrole et du gaz se fait toujours en dollars.
Plus de 80% de nos revenus sont libellés en dollar. Il existe aussi une concentration de nos importations sur la monnaie européenne. «Nous sommes donc très sensibles aux fluctuations du marché des monnaies. A chaque fois que l’euro progresse, nos règlements de facture d’importation sont importants.
Il y a un manque à gagner certain», a relevé cette source bancaire, sans omettre de signaler le phénomène de «l’importation de l’inflation». Pour étayer son analyse, la source a ajouté que «le renchérissement des prix des produits importés participe à la hausse du taux d’inflation.
Il faut plus de dinars pour acquérir un bien. Ce qui produit une inflation et par conséquent une baisse du pouvoir d’achat du consommateur».
L’économiste Mustapha Mekideche partage cette analyse sur l’inflation importée tout en ajoutant que l’appréciation de l’euro peut être un facteur bloquant pour les pays européens tels que l’Allemagne, premier exportateur au monde, qui verra une baisse de ses exportations due au pouvoir d’achat des pays consommateurs.
Les moyens de riposte
Les moyens de riposte de l’Algérie quant aux fluctuations des monnaies étrangères sont encore embryonnaires, ont soutenu les experts sollicités.
La Banque d’Algérie avait prôné la diversification des placements des réserves de changes pour ne pas subir la chute d’une monnaie internationale. Des orientations ont été données aux opérateurs économiques afin d’acheter dans les zones économiques où les échanges sont effectués en dollar.
En revanche, les spécialistes interrogés estiment que cette politique monétaire, à elle seule, s’avère insuffisante, recommandant des mesures en faveur de l’économie algérienne.
Aujourd’hui, le taux de change officiel de l’euro est à 111 dinars (vente), ce qui pénalise à plus d’un titre les entreprises algériennes.
La Banque d’Algérie a admis dans son dernier rapport sur la situation monétaire du pays publié en 2008 la vulnérabilité de la monnaie nationale.
«(…) Le challenge reste de préserver la viabilité à moyen et long terme de la balance des paiements au moyen d’une compétitivité externe hors hydrocarbures.
En particulier, la politique de taux de change doit être accompagnée par d’autres mesures de politique économique visant à accroître la productivité et la diversification économique…», lit-on dans ce rapport, illustrant le travail à accomplir en la matière afin d’éviter des chocs extérieurs préjudiciables à l’économie algérienne.