Réduit au silence, pourtant, sa vie comme son oeuvre a marqué la dernière moitié du XIXe et le début du XXe siècle. Mohand Oumoussa Aouaguenoun, une légende oubliée. Un grand poète que les années et surtout les hommes ont réduit au silence. Pourtant, sa vie comme son oeuvre ont marqué la dernière moitié du XIXe et le début du XXe siècle. Le poète a sillonné toute la Kabylie, l’Algérie, mais aussi la Tunisie.
Mohand Oumoussa Aouague-noun était un poète et un conseiller pour les grands de son temps. Il était le conseiller et le commensal des Aït Kaci. Consulté et admiré pour son verbe et sa sagesse, le poète n’a jamais cédé aux délices de la vie bourgeoise des Aït Kaci ni aux tentations des nouveaux arrivants. Attaché à sa terre, sa religion et sa dignité, le poète déclina d’un revers de… mots, les propositions. Des faits racontés par ses contemporains attestent de sa capacité à résister aux délices préférant l’austérité et la dignité. Il préféra vivre de son tambour et de son art. Célèbre pour l’exécution magique de son instrument intermède de la poésie, Mohand Oumoussa Aouaguenoun était très convoité pour les fêtes. On faisait appel à lui au-delà de la Méditerranée. Il a animé des fêtes dans plusieurs villes de France.
Le petit berger d’Azrou Ouguettouf
Né à Agouni Hamiche dans la première moitié du XIXe siècle, Mohand s’initia au tambourin très jeune. Il se découvrit également un don du verbe que les jours confirmeront. Bien qu’avec les imperfections de la mémoire orale, il serait né en 1838 dans une famille de quatre enfants dont une fille. Orphelin de père encore enfant, Mohand devint berger chez un voisin. Petit, il se découvrit une muse, le tambour. Un jour, alors qu’il gardait les chèvres à Azrou Ouguettouf, lieu situé près de la Crête, il fut aperçu par les membres du groupe de tambourins de Hand Ouali Nath Ouaguenoun. Celui-ci demanda à la mère de Mohand qui accepta que son fils aille travailler pour lui. Il lui confia la tâche de porteur de tambours.
En quelques années seulement, Mohand devint un grand tambourinaire qui s’émancipa de son maître, Hand Ouali Nath Ouaguenoun. Grand maître des tambourinaires, Mohand Oumoussa Aouaguenoun devint très connu avant d’atteindre l’âge de vingt ans. Sa sagesse et ses pensées prémonitoires feront de lui un personnage admiré et consulté par les grands de son temps. A l’âge de 17 ans, Mohand Oumoussa Aouaguenoun devint conseiller et commensal de la famille des Aït Kaci. Les administrateurs français ne seront pas moins intéressés par sa compagnie à l’âge de 20 ans. Le tambourinaire animera des fêtes même dans l’Hexagone.
Ainsi, après une enfance passée dans le dénuement total, le poète devint très célèbre et très riche. Mais, le personnage, encore plus sa notoriété, sera brisé par les conditions de la colonisation. Mohand Oumoussa Aouaguenoun préféra se retirer dans son village Agouni Hamiche et mener une vie toute simple. Venant en aide à ses concitoyens en argent et en conseils, le poète continua de vivre dans l’austérité de sa terre au regard des fastes des bourgeois kabyles et des colons. Le poète aura connu toutes les conditions dans son jeune âge.
Le poète ne put pas s’adapter à l’ordre nouveau
Les récits oraux parlent d’un poète de talent qui a refusé de déclamer ses vers devant un militaire français en charge de la collecte de poèmes en contrepartie d’une forte rémunération. Cité également par Mouloud Mammeri, dans Poèmes kabyles anciens sans pour autant apporter sa confirmation du nom du général Letourneau. C’est Belkacem Oukaci qui a été mandaté par l’administrateur français pour lui demander de déclamer sa poésie. La réponse du poète vint par un poème sans ambages. D’ailleurs, Hanoteau n’a pu recueillir pour son oeuvre que deux poèmes.
Day guqa lwerd a rebbi
Alama megregh taafert
Lhila tettaguem trennu
Ma nettat tugi tatchert
Ma mlighas nnbi iwroumi
Awer ichfea di lakhert
Les roses, mon Dieu sont-elles mortes?
Que j’en sois réduit aux fleurs d’églantier
Le vase s’emplit et se vide
Mais jamais ne connaît le rassasiement
Si je dis le prophète aux chrétiens
Qu’il m’abandonne dans l’au-delà.
Une poésie ignorée bien que porteuse d’une culture universelle
En effet, Mohand Oumoussa Aouaguenoun est un poète universel dans toute la charge que porte le mot. Dans ses vers, l’on retrouve les plus importants événements qui ont marqué son époque. Les débuts de la colonisation sont décrits avec précision à travers la poésie de Mohand Oumoussa. Il écrit un long poème sur l’insurrection de 1871. Un poème qui dit d’ailleurs long sur la riche culture acquise par ce poète voyageur:
Nous sommes à la fin des temps
Déchus sont les Mokrani
Détruite la colonne de Méhémet Ali
Aujourd’hui, Mohand Oumoussa Aouaguenoun est complètement oublié par les médias, les chercheurs et les responsables de la culture. Certaines grandes figures artistiques en tirent des vers sans pour autant le citer comme Matoub Lounès.
Win yufan abrid gher trewla Iqqim di turt a Ma ikhettat wellah ur idhlim Mohand Oumoussa laissera à la postérité un riche répertoire que détiennent encore les vieux de sa région. Il laisse également une maison au style traditionnel, occupée d’ailleurs par une vieille guérisseuse jusqu’à sa mort-il y a quelques années. Connue sous le nom de Taâtouchith, la vieille dame était l’épouse de son neveu. C’était d’ailleurs elle qui s’est occupée du vieux poète dans ses dernières années. Aujourd’hui, il est plus que pressant pour le ministère de la Culture de sauver ce patrimoine culturel. La vieille maison encore intacte attend d’être inscrite au patrimoine national. Cet homme dont la poésie est un tableau typiquement fidele à son époque mérite sans nul conteste que des séminaires ou colloques lui soient dédiés.
Pour moins que ça, des budgets sont souvent mobilisés; pourquoi pas Mohand Oumoussa Aouaguenoun. Enfin, il est à noter le louable travail de recherche que vient de lui consacrer le producteur Youcef Limani qui a recueilli les témoignages des dernières personnes qui s’en souviennent encore. Son travail devait, dans ces circonstances, être intitulé: Sauver ce qui reste.