La pression de la rue, notamment dans le sud du pays, est certes forte mais les volte-face de l’exécutif ainsi que sa promptitude à peaufiner un plan «spécial Sud», dont il à douter de sa portée, compte tenu de la complexité des problèmes sociaux liés à l’absence de tout soubassement infrastructurel et aux spécificités spatiales du Sud, est une vraie menace pour la cohésion nationale.
Le gouvernement est ainsi victime de son incapacité à entreprendre des initiatives ou à élaborer des textes législatifs ou réglementaires connectés à la réalité du terrain et, surtout, en diapason avec les aspirations des différentes catégories sociales et professionnelles.
Nombreuses sont les mesures qu’il a prises pour faire baisser le taux de chômage, résorber la crise du logement, réduire la pauvreté, booster l’économie nationale… et qui se sont avérées inapplicables dans les faits. Au lieu de corriger les erreurs, l’exécutif, à sa tête le chef de l’État, continue d’annoncer des mesures démagogiques – pour certaines – discriminatoires, voire même menaçantes pour l’unité du peuple.
Le phénomène du chômage, tout comme celui de la crise de logement, touche toutes les catégories de la société et sévit de plein fouet, autant au nord du pays qu’au sud et à l’Est ou à l’Ouest. Tenter d’en réduire l’effet en jouant la carte du régionalisme serait une vraie menace pour l’unité du pays, chose que le gouvernement ignore ou feint d’ignorer en agissant sous la pression de la rue. Dans une récente sortie devant les médias, Wahid Bouabdellah, ancien P-DG de Cosider et d’Air Algérie, actuellement député FLN d’Alger et membre de la Commission des finances de l’APN, ayant fait partie de la délégation des députés qui a visité récemment des villes du Sud pour rencontrer des chômeurs, a eu à rappeler qu’il n’y a pas de menace séparatiste, et le prétendre serait, à ses yeux, très grave et constituerait une insulte aux Algériens du Sud, à qui personne ne peut donner des leçons de nationalisme.

Wahid Bouabdellah considère, d’ailleurs, qu’aller au Sud pour tenter de calmer la population et dire que, dorénavant, seuls les gens de la région avaient droit au travail est une grave erreur, car cela met en danger la cohésion sociale et la sécurité nationale. Du reste, on a déjà vu les chômeurs d’Arzew en prendre de la graine et vouloir expulser tous les non-autochtones de la région, les gens de Skikda faisant de même, un gâchis que nos politiciens ont favorisé par manque de vision et de clairvoyance.
En effet, pour un pays aussi vaste que l’Algérie, il est aberrant que soit maintenu un État aussi centralisé que jacobin. La plupart des pays ont compris cette nécessité d’où l’urgence de songer à des réformes de décentralisation véritable qui donnent un vrai pouvoir aux régions. Retarder cette transformation risque de provoquer un vrai risque de sécession.
Assurant que les gens du Sud placent l’Algérie au dessus de leur propre intérêt, Wahid Bouabdellah affirme que les Algériens du Sud ne rêvent qu’à construire leur vie dans leur région et dans la dignité, et avec l’accompagnement intelligent de l’État, et qu’il est déplacé de les réduire pour donner d’eux l’image de trafiquants de drogue, de fainéants ou de contrebandiers, ce qu’ils ne sont pas ! .
Selon Wahid Bouabdellah, ce phénomène n’est pas consubstantiel au Sud, il est le fait de barons dont on connait l’identité et qu’on n’a pas inquiété jusqu’à ce qu’ils versent dans le terrorisme comme l’ont fait Abou Zeid ou Belmokhtar. Profiter de la détresse de la population, qui souffre en cette période de crise, pour l’utiliser à des fins politiciennes, reste incontestablement une chose grave.
Mettant les points à leur place, le député Bouabdellah soulignera, non sans raison, que ce n’est pas le gouvernement qui doit créer des emplois mais que ce sont ce sont les entreprises économiques qui créent la richesse. Par ailleurs, pour que les entreprises s’implantent plus massivement dans le Sud, le gouvernement a un grand rôle à jouer, en particulier, il doit faire un effort majeur dans la formation professionnelle.
Il s’agit, entre autres, de créer des structures de formation au Sud avec une option, non pas bas de gamme, mais des structures d’excellence pour attirer les meilleurs formateurs, les meilleures technologies et les meilleures conditions. Il faut faire du Sud, non pas une région repoussoir, mais une région parmi les plus attirantes du pays.
Zacharie Sofiane Loutari