Le plan des patrons (FCE) présenté à Sellal : « blanchir » l’argent « gris » et s’attaquer aux subventions

Le plan des patrons (FCE) présenté à Sellal : « blanchir » l’argent « gris » et s’attaquer aux subventions

Le Forum des chefs d’entreprises (FCE) a présenté lundi 27 juillet 2015 son « Plan d’émergence économique de l’Algérie » au Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Objectifs annoncés : réduction des importations, des exportations hors hydrocarbures à 10 milliards de dollars, une croissance de 7 à 8% sur cinq ans et la création de 60.000 emplois directs.

L’Algérie doit diversifier ses exportations pour ne pas être tenue en haleine à chaque fluctuation du prix du baril, estime le FCE. Le président du Forum, Ali Haddad, a déclaré lors d’une conférence de presse, organisée ce 27 juillet à l’Aurassi, que « l’Algérie est tenue de développer ses capacités d’investissement nationales, aussi bien publiques que privées afin d’assurer l’expansion des produits des biens et des services ».

Elle doit pour cela « engager des réformes dans le domaines économiques et surtout au niveau des entreprises tout en sauvegardant l’aspect social » a-t-il ajouté en insistant sur l’urgence pour le pays de « diversifier ses productions et ses exportations ».

Ces objectifs peuvent être atteints, selon Ali Haddad, moyennant la libération des potentiels et des initiatives de production et l’ouverture du champ de l’investissement, la consolidation du rôle régulateur de l’état, et la dépénalisation des actes de gestion.

Omar Ramdane et Ali Haddad au cours de la conférence de presse

La dépénalisation des actes de gestion a été traduite par l’adoption par le gouvernement d’amendement du code pénal allant dans ce sens. Ali Haddad a qualifié la mesure de « décision historique » qui faisait partie des préconisations contenues dans le plan d’émergence économique du FCE.

Pour une « libéralisation de l’investissement »

Ce plan, présenté au gouvernement, se décline en trois types de mesures : 16 structurelles, 23 sectorielles et 2 relatives aux subventions et soutient de l’Etat. « La stratégie du développement économique proposée par le FCE est en parfaite symbiose avec les orientations de l’économie nationale » a assuré Ali Haddad.

C’est un plan qui « répond à une situation d’urgence » a souligné de son côté le vice-président de l’organisation patronale Brahim Benabdesselem. Il insiste sur la première mesure qui est un appel à appliquer l’article 37 de la constitution algérienne garantissant la liberté du commerce et de l’industrie.

« Nous sommes pour la libéralisation des investissements, et nous demandons comme première mesure, l’application de l’article 37 de la constitution » a déclaré Benabdesselem qui est également membre de la commission économique du FCE.

300 milliards DA dans le circuit informel

Ali Haddad a exprimé sa satisfaction au sujet de la loi de Finance complémentaire 2015 et du code du marché adopté lors du dernier Conseil des Ministres. Il s’est réjoui notamment de la décision d’interdire l’importation de produits fabriqués localement à une qualité égale et des réformes fiscales engagées au profit des entreprises.

Evoquant la fixation à 7% de la taxation forfaitaire libératoire, inscrite le 22 juillet dans la loi de finances complémentaire (LFC) 2015, applicable aux capitaux du circuit informel, le FCE propose également la bancarisation des fonds informels aussi bien en dinars qu’en devises, par le paiement de 7% sur l’argent « gris ».

Cet argent « gris » que les responsables du FCE différencient de l’argent « noir » est celui qui est détenu par les mandataires, grossistes et détaillants etc… qui ne sont pas acquittés de leurs impositions). Des fonds « gris » estimés à 300 milliards DA.

Omar Ramdane, président d’honneur du FCE a apporté la précision : l’argent gris n’est pas l’argent sale ou noir. L’assainissement fiscal s’adresse aux opérateurs en délicatesse avec les impôts et non pas « l’argent sale, issu du terrorisme et du trafic de drogue ».

Cet assouplissement ne vise pas à renflouer les caisses mais à remettre cette trésorerie dormante » estimée à 40 milliards de dollars dans le circuit économique. Il permettra à ses détenteurs, une fois blanchis aux yeux du fisc, d’entreprendre une « activité productive », explique Mohamed Laid Benamor, président de la commission Industrie du FCE et PDG du groupe Amor Benamor.

Sortir des subventions

Le FCE propose dans ce même document de 87 pages, un plan de rationalisation des subventions et aides de l’état dans tous les domaines. Pour le FCE, la politique de soutien des prix n’est pas juste et génère du gaspillage.

« Il n’est pas normal qu’une personne sans revenu paie un litre de lait au même prix que celui qui gagne 10 fois le Smic, sachant que l’Etat alloue 60 milliards de dollars à la subvention des produits de première nécessité et aux transferts sociaux, ce qui représente 30% du PIB », estime Ramdane Amar vice-président du FCE.

Il insiste sur la différence entre les transferts sociaux et les subventions de l’Etat. « Il faudrait sortir du soutien des prix pour aller au soutien des ménages. Ceci libérera tous les prix, évitera le gaspillage et les sorties des produits aux frontières « , a-t-il affirmé.

« Ces mesures réduiraient les coûts de subventions de l’Etat à 400 milliards DA (MDA), au lieu des 1700 MDA actuels, et nécessiteraient la mobilisation de 100.000 universitaires pour veiller à leur mise en place au niveau des communes ».

Faire de l’Algérie un grand pôle agricole régional

Par son plaidoyer, le FCE vise à augmenter la croissance nationale entre 7 et 8% dans les cinq prochaines années, augmenter les exportations hors hydrocarbures à 10 milliards de dollars, réduire de 15 mds de dollars les importations en 3 ans, ainsi que la création de 60.000 emplois directs.

Le plan du FCE accorde une importance considérable au secteur agricole et l’industrie agroalimentaire. « Nous voulons faire de notre pays à moyen et long terme un grand pôle agricole régional et nous en avons les moyen », déclare M. Benabdesselem.

Le FCE n’ambitionne pas d’investir dans le secteur militaire, mais a indiqué Ali Haddad, son organisation patronale se met se met à la disposition de l’armée qu’elle a « toujours soutenue, soutient et soutiendra ».

« On ne touchera pas au secteur militaire, mais si le service militaire ou l’industrie militaire a besoin de nous, on n’hésitera pas à l’aider  » a indiqué Ali Haddad qui a rendu un vibrant hommage aux soldats algériens déployés aux longs des frontières. Le président du FCE a annoncé à la fin de la conférence, la création d’un Forum des jeunes entrepreneurs.