La filière textile est toujours sous le coup de la menace. Malgré l’effacement de la dette et l’injection d’argent frais pour le soutenir la filière textile connaît encore un malaise.
La friperie, l’informel et l’importation tous azimuts fragilisent d’avantage cette branche de l’industrie. Le plan de sauvetage actionné depuis plus d’un an ne suffit pas à relancer la production. Pour espérer une issue salvatrice les opérateurs devront, à eux seuls, affronter le terrain en investissant toutes leurs ressources.
Initié il y a un an, le plan de relance de l’industrie textile a du mal à convaincre. Les opérateurs privés et publics espèrent encore voir des actions concrètes pour sauver une industrie toujours menacée d’extinction. Le plan avait prévu de sauver les 15 000 salariés, en plus d’un millier dans le secteur de la confection et d’octroyer une enveloppe conséquente pour redémarrer les anciennes usines fermées depuis. Le secteur qui représente 10 % du marché national, avec un parc actuel de 72 entreprises regroupées autour de filières bien segmentées. Or, la fédération du textile (section UGTA) présidée par Amar Takjourt, n’a eu de cesse d’avertir les pouvoirs publics sur « les possibilités de relance et de croissance » d’un secteur laminé par l’informel et l’importation, qui mettent en péril le fleuron de l’industrie nationale. Les entreprises locales ont une capacité de production de 25 millions de mètres linéaires (400 millions de mètres linéaires selon d’autres indices) malgré la hausse des coûts à la production et la concurrence féroce que livrent les importateurs aux opérateurs locaux. Ces derniers ont convenu à la fin de 2011 de sauver ce qui reste du secteur avec un appui d’un plan de financement qui devait initialement se concentrer sur les nouveaux investissements et la formation, avec des possibilités de partenariat. Pour sauver la filière de la faillite, le plan de redressement n’a finalement réussi qu’à mettre sur pied la filière coton et celle de l’habillement avec, toutefois, des parts très réduites sur un marché dominé par le «tout import». L’Algérie perd ainsi des parts importantes de la fiscalité des entreprises et le manque à gagner du secteur est estimé à 6 milliards de dinars par an. Les experts estiment depuis les années 1980, que l’industrie est en net recul avec des soldes négatives de sa trésorerie. Conséquence, dit-on, d’une restructuration mal faite qui a fragilisé les apports productifs du secteur. Aujourd’hui, le secteur public est représenté par deux groupes industriels : Texmaco, spécialisé dans le tissu de base, regroupant 25 filiales, et C&H, qui regroupe 15 filiales. Les deux groupes représentent 75 % du marché national du textile et emploient plus de 15 000 travailleurs. Les 15 % restants sont détenus par le secteur privé. La production de toutes les entreprises, publiques et privées, représente seulement 15 % des besoins du marché national. Quant au chiffre d’affaires, la filière textile et cuir avait réalisé en 2009 un chiffre d’affaires de 26,4 milliards de dinars, et prévoit de le porter à 38,5 milliards de dinars en 2014 grâce au plan de relance. Soit un taux de progression annuel de 10 %. Il convient de rappeler que près de 200 entreprises publiques avaient déjà bénéficié de la mise en route de leur processus de modernisation pour un montant global de plus de 600 milliards de dinars, dont près de 500 milliards de dinars de crédits bancaires sur le long terme, selon les derniers chiffres avancés par le ministère de l’Industrie. Il s’agit d’un soutien évalué à plus de 7 milliards de dollars (4 % de l’enveloppe consacrée au plan quinquennal 2010-2014), sans inclure évidemment les 4 milliards de dollars qui seront dédiés à la mise à niveau d’une catégorie d’entreprises.
Le textile décolle timidement à coups de subventions
Le textile reste le parent pauvre de l’économie. Les différents plans de redressement ont coûté une lourde facture l’Etat. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia avait reconnu, il y a quelque temps, que le secteur représente 500 milliards de dinars de recettes fiscales annuellement. Mais le gouvernement, a-t-il ajouté, a consacré, ces deux dernières années, plus de 1 500 milliards de dinars, qui n’ont malheureusement pas abouti à des résultats satisfaisants. Les indices de l’ONS montrent visiblement une tendance baissière ces deux dernières années où, en 2010, une baisse de 10,8 % de la production était relevée au même titre que l’année 2011 avec 13,1 %. Dans son rapport, l’Office des statistiques indique que la tendance à la baisse « concerne beaucoup plus les produits intermédiaires de textile (-16,2 %) et les biens de consommation avec une baisse de 4,9 % au dernier trimestre de 2011 ». En revanche durant la même année, le secteur a eu une lueur d’espoir avec un nouveau plan d’investissement grâce à 140 milliards de dinars. Selon ce plan, «il faut remédier à cette situation avec un programme d’investissement et d’organisation afin de rationnaliser et de renforcer les potentialités actuelles à travers la réhabilitation de la place du secteur sur le marché national et l’acquisition, à long terme, de parts à l’étranger ». Le secteur bénéficie à ainsi de 62 milliards de dinars permettant de couvrir un énorme déficit bancaire de 57 milliards de dinars mais aussi les dettes à l’investissement estimées à 5 milliards de dinars. Pour sauver le secteur, l’Etat se montre généreux avec l’octroi de crédits bancaires bonifiés de l’ordre de 23,5 milliards de dinars et les opérations de gré à gré sont permis pour une fois aux fins de contribuer à la relance du secteur. Outre ces aides, le conseil de participation a approuvé en mars 2011 une transformation des entreprises du secteur en 2 grands groupes (une EPE avec 7 entreprises, dont le capital est détenu à 60 % par l’entité «Chaussure et Habillement»), qui relève du ministère de la Défense nationale. L’autre groupe, avec 40 % du capital détenu par la société de gestion des participations des industries de transformation. Avec cette réorganisation, les pouvoirs publics tablent sur l’augmentation de 10 à 25 % des parts de marché, selon une déclaration de Mohammed Benmeradi, ministre de l’Industrie. Il s’agit, en somme, de faire progresser le chiffre d’affaire, du secteur, dont la moyenne se situe à 10 milliards de dinars. Les spécialistes du secteur souhaitent que les entreprises reviennent vers les métiers de base de l’industrie dont le potentiel productif est disponible. Le plan de réhabilitation des points de vente textile, cuir, habillement et confection a commencé en janvier dernier. Il s’agit selon M. Benayad, PDG du groupe CH (Confection et Habillement), d’une filiale qui se charge de la commercialisation de produits textiles à travers tout le territoire. C’est la société Jacket’s club qui prend en charge actuellement la gestion des 50 magasins de vente. Le groupe CH, qui détient 60 % du réseau de distribution laisse les 40 % restants entre les mains du groupe Leather (cuir) et Texmaco (textile). L’Etat a consacré quelque 2,4 milliards de dinars pour cette opération avec une aide portant sur la rénovation des magasins.
Comment le marché doit être attractif
Mourad Maache, PDG de la SGP industries manufacturières, résume la problématique du textile dans la reprise des actifs par de nouveaux repreneurs. « Nous sommes invités d’ailleurs par les pouvoirs publics à accélérer le pas dans la cession des actifs. Des actifs dormants. Il faut d’autre part, continuer, revenir à la charge pour intéresser les investisseurs mais à condition, toujours, que le marché devienne attractif ». Ce responsable a fait part « des difficultés à trouver des repreneurs. Les investisseurs, qu’ils soient privés nationaux ou étrangers, ne se bousculent pas au portillon ». Il estime pour ces raisons que le marché n’est pas attractif. « C’est un marché d’importation pour l’essentiel, car il est livré à la friperie, à l’informel et à la contrefaçon ». Cela explique le manque d’empressement des investisseurs
Potentiels, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Pour l’essentiel de ces préoccupations, Mohamed Arres, PDG de Texmaco, filiale créée en 1999, explique que la vocation du textile est dans sa réorganisation pour affronter la concurrence. « Depuis 2000, nous sommes en train d’essayer de ramener chaque filiale à sa vocation première, c’est-à-dire faire un produit de qualité, compétitif, qui lui, est rentable, et dont elle maîtrise la fabrication ». Le partenariat devait s’imposer car, selon ce PDG, « un contrat de joint-venture en 2003 pour le développement de la culture du coton a été déjà concrétisé. L’objectif est d’arriver en 2012 à une satisfaction de 50 à 60 % des besoins de notre appareil de production. Pour les fibres synthétiques, il faut savoir que l’Algérie ne les produit pas encore même s’il est producteur de pétrole. «Actuellement, nous avons des discussions avec des Saoudiens pour ce qui concerne le polyester. Il y a également les Sud-Coréens».
Malgré le marasme qui sévit dans le secteur et la menace de démantèlement de certaines entreprises déstructurées, le patron de Texmaco se dit optimiste : «Nous restons optimistes pour une raison simple. L’étude, ou l’examen du secteur (un diagnostic a été établi étayé par des bureaux externes) montre que le potentiel existe, la maîtrise existe». Mais avant, il reste à assainir complètement le marché. Selon lui, «des problèmes de distribution, des problèmes de production liés à la situation du marché et des besoins en investissements » sont en d’être réglés. « Nous avons des dépôts ou des usines qui occupent plusieurs hectares de terrain sans production aucune. C’est à mon avis un gaspillage de ressources existantes auquel il faudra remédier » indique-t-il. Pour rassurant qu’il soit, le premier responsable de Texmaco considère que pour « le textile de base, on peut dire que beaucoup d’entreprises du groupe Texmaco ne sont pas concernées par la concurrence déloyale. Plus de 30 entreprises sont pratiquement seules sur le marché mais ont des difficultés financières telles qu’elles ne peuvent plus bouger ».
L’aide de l’Etat confortée, les entreprises doivent investir suite aux crédits accordés dans ce sens. Le boss de Texmaco est clair à ce sujet : « Au lieu d’investir nous-mêmes, nous cherchons des investisseurs avec qui nous travaillerions en partenariat. Mais si nous ne trouvons pas de partenaires, nous investirons nous-mêmes ».