En dépit de la victoire étriquée de son parti aux législatives anticipées, l’islamiste marocain Abdelilah Benkirane, qui est confronté à la réalité du système politique marocain, n’arrive toujours pas à former un gouvernement.
Une fois passées les manifestations de joie célébrant sa victoire, le Parti de la justice et de la démocratie marocain se retrouve confronté aux difficultés du terrain. Depuis ce court succès aux législatives anticipées du 25 novembre dernier, le chef de ce parti islamiste multiplie les discussions avec les autres formations politiques en vue de former un gouvernement, en vain.
Il semblerait qu’il soit en train de payer l’erreur d’avoir décidé de ne conclure aucune alliance avant les élections préférant faire “cavalier seul” contrairement aux autres partis qui ont constitué des coalitions censées lui “barrer la route”. Ne possédant, ainsi, pas de majorité pour gouverner, il se retrouve contraint de négocier des alliances pour pouvoir former un exécutif et gouverner avec ses adversaires politiques qu’il condamnait dans un passé tout récent et qui ont perdu toute crédibilité dans l’opinion marocaine. Il faut savoir que le mode électoral marocain, suffrage universel au scrutin de liste, est conçu de manière à empêcher tout parti d’accéder à la majorité absolue pour gouverner seul. À partir de là, le parti islamiste est obligé de se montrer conciliant à l’égard de formations politiques dont il ne partage ni les idées ni le programme, pour espérer les convaincre de siéger avec lui dans le même gouvernement.
Il y a lieu de rappeler que le PJD, qui a fait campagne pour le changement et axé son discours sur les thèmes de la lutte contre la corruption et de la moralisation de la vie politique n’a d’autre choix que de composer avec les membres de l’exécutif sortant, alors qu’il les avait accusés d’avoir “échoué à réaliser le développement promis et gâché les équilibres économiques, empêchant une majorité de Marocains d’atteindre ou de maintenir un niveau de vie décent”. Bien qu’Abdelilah Benkirane ait annoncé que le futur gouvernement de coalition regroupera, outre le PJD, l’Istiqlal, le Mouvement populaire (MP, libéral et berbériste 32 députés) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste 18 sièges), on est toujours dans l’attente de son annonce officielle.
Les analystes de la scène marocaine estiment que le PJD n’aura pas les coudées franches pour tenir ses promesses électorales d’autant plus qu’il a hérité de “lourds dossiers” tels que le déficit public, la réforme des retraites, le problème du logement, les secteurs de la santé et de la sécurité sociale, la réforme de la caisse de compensation, et enfin l’éducation.
Face à une société en bouillonnement permanent et de plus en plus exigeante, le PJD court ainsi le risque de décevoir à la fois sa base militante et l’électorat qui lui a fait confiance. Sa marge de manœuvre est d’autant plus étroite que la nouvelle Constitution adoptée le premier juillet dernier préserve la prééminence du souverain sur la vie politique, religieuse et judiciaire au Maroc. Longtemps confiné dans l’opposition parlementaire, le PJD, qui a profité de l’occasion offerte par les révoltes dans certains pays arabes et du mécontentement politique et social qui s’est bruyamment manifesté dans le royaume depuis l’émergence du mouvement du 20-Février, s’est positionné en tant qu’alternative aux partis monarchistes traditionnels, mais il lui sera très difficile de concrétiser ses objectifs, d’autant plus que ses adversaires politiques ne lui feront pas de cadeau. Il faut croire que l’avenir d’Abdelilah Benkirane à la tête de l’exécutif marocain est des plus incertains.
M.T.