Invité à Alger il y a une semaine à l’occasion de la remise du Ballon d’or algérien à Sofiane Feghouli, Johann Cruyff s’est prêté au rituel des questions et réponses d’une conférence de presse.
Interrogé par nos soins sur le FC Barcelone et Lionel Messi, il nous avait répondu :
«N’essayez pas de m’amener sur le terrain des comparaisons. Je n’aime pas faire le parallèle entre des joueurs de générations différentes.
Toutefois ce que je peux dire c’est que Messi est un monstre du football, un joueur phénoménal. Il bonifie un match et le jeu de ses coéquipiers.
La chose extraordinaire est que c’est une machine à marquer des buts. Inscrire 90 buts en une année (au moment où Cruyff s’exprimait ainsi, l’Argentin n’avait pas encore inscrit son 91e but face à Valladolid, ndlr) c’est absolument fabuleux. J’ai été joueur et je peux vous affirmer que ce qu’il a fait là relève du prodige.
Non seulement c’est un technicien hors pair mais en plus il marque des buts. Je ne crois qu’il y ait eu un joueur dans l’histoire du football qui ait réalisé ce qu’il est en train de faire.
Dans quelques jours la Fifa va décerner son Ballon d’or, je ne vois pas comment il pourrait échapper à Messi.»
Ce genre d’hommage peut paraître banal dans le monde du football mais lorsqu’il est émis par celui qui est considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire de ce sport, il prend une saveur particulière.
Johann Cruyff n’est, en effet, pas n’importe qui. Il a fait partie de l’Ajax d’Amsterdam du début des années 70, qui avait révolutionné le football et dont le FC Barcelone actuel s’inspire de son jeu.
Il a remporté trois fois de suite le Ballon d’or France Football, récompensant le meilleur joueur d’Europe.
C’était un joueur hors norme, un dribbleur diabolique qui perforait les défenses avec une facilité déconcertante. Plus tard il s’est avéré être un entraîneur de grand talent et à la compétence affinée.
C’est lui qui a construit le FC Barcelone du début des années 90, surnommé la Dream Team grâce à son jeu qui sortait de l’ordinaire.
Quand Cruyff parle, donc, de Messi, son avis est à prendre avec extrêmement de sérieux car venant de quelqu’un qui a une grande expérience du terrain et de la compétition.
Un palmarès hors normes
On a pour habitude de dire que ce qui manque à Messi c’est une coupe du monde et que tant qu’il n’en remportera pas une on ne pourra pas le considérer comme un très grand joueur de la dimension d’un Pelé ou d’un Maradona.Le problème est que les grands joueurs qui ont remporté une cCoupe du monde n’ont certainement pas inscrit 91 buts en une année, ni 73 buts en une saison sportive, ni enfin 50 buts dans un championnat national.
A l’âge qu’a Messi aujourd’hui ils n’avaient, également, pas remporté autant de titres que l’Argentin dont le palmarès actuel se chiffre à 5 titres de champion d’Espagne, 3 Ligues des champions d’Europe, 2 Coupes du Roi (Coupe d’Espagne), 2 Super Coupes d’Europe, 5 Super Coupes d’Espagne et 2 Coupes du monde des clubs.
Du reste de grands joueurs qui n’ont pas remporté de Coupe du monde il y en à foison. Peut-on dénier à Alfredo Di Stefano, Ferenc Puskas, Johan Cruyff, José Altafini, Gianni Rivera, Marco Van Basten ou de tant d’autres encore d’avoir le statut de légendes du football uniquement parce qu’ils n’ont pas remporté le trophée mis en jeu pas la Fifa tous les 4 ans ? De toutes les manières, Messi est encore jeune (il a 25 ans) et rien ne dit qu’il n’atteindra pas un tel objectif d’ici la fin de sa carrière.
Pour l’instant il se contente de battre tous les records de buts dont ceux inscrits en une seule saison qu’il détient avec 73 unités réussies lors du précédent exercice.
Depuis le début de la saison 2012-2013, il en est à 40 buts inscrits depuis le mois d’août dernier : 26 en championnat d’Espagne, 2 en Coupe d’Espagne, 5 en Ligue des champions et 7 en Coupe du monde avec l’équipe d’Argentine.
A ce rythme-là, la barre des 73 buts sera allègrement dépassée au mois de juin prochain à la clôture de la saison. Un autre record continue à le défier, celui de meilleur buteur de la Ligue des champions que détient l’ex-joueur du Real Madrid, Raul, avec 71 buts.
L’Argentin en est à 56 réalisations, ex aequo avec le néerlandais Van Nistelrooy et tout porte à croire que s’il ne dépasse pas Raul cette saison, il pourra le faire la saison prochaine ou celle qui suivra.
On avait un jour, dans les années 70, demandé au Brésilien Pelé quel était à son avis le meilleur joueur du monde de cette époque-là.
«Gerd Muller», avait-il répondu avant d’ajouter : «Parce qu’il s’agit d’un joueur qui ne dispose pas d’une très grande technique mais qui est un très grand chasseur de buts. or, en football, l’essentiel n’est-il pas d’inscrire des buts ?»
Pelé, qui ne porte pas Messi dans son cœur, devrait revoir sa copie en ce qui concerne celui-ci puisqu’il a sous la main avec lui un redoutable chasseur de buts doublé d’une technique diabolique que n’avait pas Muller.
Ahmed Achour
