Les nouvelles, qui parviennent des marchés pétroliers, plaident pour un revirement sur le dossier des subventions et le gouvernement, à l’inverse des assurances qu’il tente de donner, n’a pas beaucoup de choix dans sa caisse à outils.
Selon les déclarations officielles, il n’est pas question que l’État algérien renonce à sa politique de subventions par ces temps où les recettes du pays en monnaies fortes commencent à manquer. Aussi bien le Premier ministre que son staff ne cessent de rassurer que le gouvernement n’est pas prêt d’abandonner la politique des subventions des biens et services de consommation afin de préserver le pouvoir d’achat des couches les plus vulnérables. Or, selon des analystes, en liant les subventions à la protection des intérêts des couches défavorables en période de crise, le gouvernement risque de faire, encore, fausse route et de perdre un temps que la collectivité nationale finira par regretter à courte échéance.
Selon ces mêmes analystes, de notre propre expérience des années 1980-1990, on retient que lorsque les recettes du pays diminuent, l’offre des biens et services subventionnés sera très en deçà de la demande exprimée sur le marché formel. Du coup, un marché informel s’installe et les prix s’envolent. Des conditions qui feront que, justement, ce sont les riches et les plus proches des sphères décisionnelles qui profitent de la manne des subventions et non les démunis désarmés, eux, face au diktat du “marché noir” et du clientélisme.
Les mêmes observateurs remarquent que, pour un pays comme l’Algérie, qui a entamé ses réformes économiques en 1986 en même temps que la Pologne, continuer à recourir aux subventions des biens et services pour distribuer la richesse à ses citoyens est un signe évident de l’échec des politiques économiques basées sur les solutions clés en main et sur la recherche de la facilité.
Un lourd héritage du socialisme de mamelles
Les nouvelles, qui parviennent des marchés pétroliers, plaident pour un revirement sur le dossier des subventions et le gouvernement, à l’inverse des assurances qu’il tente de donner, n’a pas beaucoup de choix dans sa caisse à outils. Actuellement, près de 30 milliards de dollars, soit le quart de notre PIB, sont affectés au soutien des prix de biens et services de consommation tels que le carburant, le pain, le sucre, le logement, l’eau, l’électricité, le transport… presque 20 autres milliards de dollars sont affectés, dans le cadre des transferts sociaux, au soutien des prestations de santé, de l’éducation, de l’enseignement et de la formation.
Cette situation est un lourd héritage d’une utopie appelée dans le temps “socialisme algérien” ou socialisme de mamelles, pour reprendre une formule chère à Noureddine Boukrouh, avec sa politique des prix administrés.
La subvention des biens et services était considérée à la fois comme la meilleure solution pour une distribution équitable des richesses du pays et le parfait remède contre la précarité des couches défavorisées. Il a fallu attendre la crise de 1986 pour se rendre à l’évidence de notre errance dans des théories économiques aux résultats pas toujours efficients. C’est-à-dire aux coûts supportés dépassant de loin les maigres objectifs atteints. Le gâchis s’est matérialisé et à la première occasion par des pénuries épidermiques, une inflation au taux exponentiel, une corruption, une dignité bafouée du citoyen consommateur.
Le prix du blocage des réformes et des slogans type “kayen el-khir”
L’effort de cette tentative de modernisation de l’économie nationale s’est vite dilué dans l’embellie financière des années 2000 avec l’envolée des prix des hydrocarbures. Les réformes économiques mais aussi institutionnelles seront mises en stand-by et remises en cause pour certaines.
Énivrés par l’argent du pétrole qui coulait à flots, nos gouvernants troqueront les devises de l’orthodoxie financières par des slogans du genre “kayen el-khir”, “il y a des parts du gâteau pour tout le monde”. La subvention directe des biens et services sera, encore une fois, utilisée comme un crédit-bail dans un négoce d’achat de la paix sociale. Difficile alors de faire la part des choses entre subventions et gaspillage des deniers de la collectivité. Le zèle sera poussé au point que même le hadj est subventionné alors que ce rituel, selon les termes du texte sacré, n’est réservé que pour celui qui en a les moyens.
Un amalgame sera entretenu entre deux concepts différents comme le sponsor et la subvention. Des sociétés nationales reviennent aux commandes de clubs sportifs “privés” comme dans les années 1979-1980 mais sans les réformes et les résultats de l’époque. Du coup, des entreprises étatiques sont sommées de verser aux quelques joueurs des clubs à titre de salaires et de prises en charge des sommes 100 fois supérieures aux montants affectés aux cadres qui assurent le cœur du métier de l’entreprise.
Aujourd’hui que le baril vient de descendre sous la barre des 50 dollars, des constats s’imposent. Les soins médicaux sont subventionnés alors que 80% d’entre eux se font chez le privé national et le voisin tunisien loin de la vérité des prix. Le seul gagnant reste l’évasion fiscale. En 2015, il est plus économique pour un éleveur de donner à ses bêtes du pain comme nourriture à la place du fourrage. Le lait est toujours subventionné pour alimenter les pâtisseries alors que son prix réel est 5 fois supérieur et la filière est en banqueroute. Sans usines d’envergure, Alger est l’une des villes les plus polluées avec un prix d’essence à la pompe calqué sur les monarchies des pétrodollars.
Et la liste est longue. Malgré ces subventions et transferts sociaux, 50 milliards de dollars par an, le pouvoir d’achat des Algériens reste des plus faibles dans la région avec les tensions sociales perceptibles dans le secteur de l’éducation et la prochaine rentrée sociale risque d’être aussi mouvementée que les précédentes.
Pour plusieurs observateurs, la mise en veille des réformes économiques et institutionnelles est une parenthèse qui n’a que trop coûté au pays et qu’il faut vite la fermer tant qu’il est encore temps. Les subventions doivent redevenir un des outils de promotion de la production nationale et non de gaspillage des ressources non renouvelables.