Un rapport des services secrets américains sur les menaces terroristes a été remis à Paris à quelques jours de la visite du ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, à Alger.
C’est ce que révèle le journal satirique « Le Canard Enchaîné » qui fait remarquer que la main du Qatar dans le financement des groupes terroristes du Nord-Mali a été soigneusement évitée…
Abdelaziz Bouteflika embrasse le Premier ministre du Qatar, Cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, après une rencontre à Alger.
Dans son édition du 4 juillet 2012 annonçant la venue en Algérie le 15 juillet prochain, du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius pour, entre autres, évoquer avec les autorités algériennes la situation alarmante qui prévaut au Nord du Mali, le journal satirique français, « Le Canard Enchaîné » révèle qu’ »un document américain sur les menaces terroristes a été transmis à Paris par les attachés militaires français en poste à Washington » Ce document, écrit le journal dans son édition du 14 juin dernier et rédigé par les services du Pentagone et les généraux de l’Africom (commandement US pour l’Afrique), « recense les principaux risques déjà connus. En Somalie, au Yémen, en Afrique sahélienne et australe (Ouganda, Soudan du Sud, etc.), et au Nigeria. Rien de bien surprenant, si ce n’est la description de cet immense continent où, de l’Atlantique à l’océan Indien en passant par le Sahara, des djihadistes se promènent et cherchent à déstabiliser plusieurs Etats. »
Mais ce document ne se limite pas à un descriptif de la situation chaotique générée par Al Qaïda au Maghreb islamique, dont les images de terreur et de destructions ont fait le tour du monde. Ce rapport des services du Pentagone, en fait, réserve « une mention spéciale pour le rôle tenu par l’émirat du Qatar. » Le document des services secrets américains, fait remarquer « Le Canard Enchaîné » évite tout développement sur ce sujet. Pourquoi ? Explication possible, avance le journal : « Ce minuscule Etat sunnite, qui déborde de richesses pétrolières, entretient d’excellentes relations avec Washington et Paris. Il a participé à la guerre de Libye, financé les révoltes en. Tunisie puis en Egypte. Aujourd’hui, il livre, en compagnie des Saoudiens, armes et dollars aux rebelles sunnites syriens en guerre contre Bachar. » Mais, fait remarquer le journal » Il agit de même avec les islamistes radicaux du Nord-Mali et du Sahel… » Pour le Canard enchainé, la visite de Laurent Fabius à Alger en Algérie a été donc formatée afin que « cet ami indocile » ( le Qatar) ne soit pas du tout officiellement cité ses consultations avec les autorités algériennes. Mais, commente le journal « Il faudra peut-être, un jour, que dirigeants américains et français s’expliquent sur le comportement ambigu de cet ami indocile. Un partenaire souvent apprécié, mais tout aussi capable de fournir le nerf de la guerre à des groupes terroristes. »
Ce n’est sans doute pas un hasard si L’Algérie et le Qatar ont signé samedi dernier à Alger un mémorandum d’entente pour la réalisation d’un complexe sidérurgique dans la zone industrielle de Bellara (Jijel) d’une capacité globale de 5 millions tonnes/an, dans un contexte politique marqué par l’occupation d’Al Qaïda au Maghreb islamique du Nord-Mali et par une attitude plus qu’attentiste de l’Algérie face au danger terroriste d’Al Qaïda qui se répand dans la région. Bien qu’ayant été frappée au cœur de ses régions militaires, Tamanrasset et Ouargla, par des attentats Kamizakes, le régime de Bouteflika persiste dans le dialogue avec les groupes djihadistes affiliés à Al Qaïda, dont Ansar Eddine financé par le Qatar et partenaire privilégié de Bouteflika en vue d’une solution politique « négociée » au Nord-Mali.
Le Qatar qui abrite l’exil doré de Abassi Madani et, par procuration, une chaine de télévision « Al Maghribia » créée par son fils, spécialisée dans les appels au meurtre en Algérie, relayant l’idéologie du FIS, appelant, depuis Londres à la libération de Mourad Dhina arrêté par les autorités françaises dans l’Hexagone et qui viennent de refuser son extradition demandée par l’Algérie, le Qatar devient ainsi « un partenaire privilégié » de longue durée de l’Algérie de Bouteflika en tant que financeur de projets, actionnaire et investisseur à fonds mixtes à destination de l’étranger ; un partenaire caméléon, insaisissable, dont il est difficile d’en suivre la traçabilité des projets économiques prévus en Algérie.
Doha qui assure l’immunité à Abassi Madani et aux ex- du FIS, a également investi en France, sous le Président Sarkozy de grands projets socioculturels et religieux dans les banlieues à destination des Français d’origine maghrébo-arabes, embarrasse la Maison Blanche. François Hollande qui reste tout de même prudent quant à une intervention militaire au Nord-Mali, instruira-t-il son ministre des Affaires étrangères sur ce sujet qui fâche et risque de provoquer le courroux du gouvernement de Bouteflka au moment où ce dernier inaugure une lune de miel économique avec la capitale du wahabisme, doctrine de l’ex-Ben Laden et aujourd’hui d’Al Qaïda au Maghreb islamique, répandu grâce au pétrodollars.
Sous le prétexte d’une coopération économique qui cache mal ses présupposés idéologiques fondés sur la doctrine du wahabisme et de ses bras armés, le Qatar est considéré, ainsi, par le pouvoir de Bouteflika, comme un partenaire économique à même de dynamiser la coopération dans le monde arabe; un aire géopolitique qui subit bien des secousses politiques profondes dans lesquelles le Qatar a financé la chûte des despotes mais promeut la chari’a comme fondement des Etats libérés de la dictature.
Bouteflika, ayant échappé à la tempête des Révolutions arabes, semble être en droite ligne du promoteur de projets économiques grandeur nature à Jjel et dans d’autres régions d’Algérie et qui, dans le même temps, finance sans compter les groupes terroristes dont Ansar Eddine qui a été reçu à Alger comme partenaire du dialogue. La visite de Laurent Fabius à Alger, qui plus est intervient dans le contexte du cinquantième anniversaire du 5 juillet 1962, commémoration à laquelle n’a pas été invitée la France, s’annonce délicate, voire risquée…
R.N