Beaucoup d’Algériens ont déjà pris le chemin du bled où il est de tradition d’aller fêter les Aïd, en attendant la grosse cohorte qui va faire le pont entre mardi et, au moins, samedi.
Officiellement. Car les voyageurs n’attendent pas le jour «J» mais partent la veille ou l’avant-veille.
L’Algérie s’arrête – ou bien se met à bouger, cela dépend vraiment du point de vue où l’on se place – entre 5 et 7 jours effectifs pour 2 jours de congé officiellement chômés et payés, soit le mardi et le mercredi. Certaines entreprises et administrations -la Poste par nécessité en ces temps de disette de liquidités- ont pris les devants et ont fait travailler les gens pendant le vendredi et le samedi.
Histoire d’atténuer l’effet du long pont. Atténuer seulement! Car les départs des gens et les fermetures ont un effet boule-de-neige, quand l’un s’arrête, l’autre suit. Aucune institution ne se charge, en Algérie, d’estimer les «coûts» ou les «pertes» dues aux jours de fêtes et aux ponts qui les précèdent et les suivent.
On pressent cependant que quels que soient les calculs, l’Aïd El Kébir, la plus grande des fêtes religieuses, est celui de tous les coûts. Les patrons dans le public comme dans le privé, ne pouvant freiner l’irrésistible appel de l’Aïd feignent de l’accompagner.
Une attitude sage. Tant que les moyens de transports n’ont pas l’efficacité optimale, il sera vain de penser que les Algériens qui travaillent ne prendront pas des «extras» en sus des 2 jours officiellement chômés et payés.
«A QUI SE PLAINDRE ?»
Seuls, en définitive, les métiers de grande astreinte obligés d’assurer un service minimum (hôpitaux, Sonelgaz, services de sécurité…) restent fonctionnels. Le reste du pays est déjà en congé.
Dans les grandes villes on commençait déjà à ressentir, vendredi et samedi, les effets des «départs ». Pour certains le «pont» a commencé dès le vendredi. Dans les villes où de nombreux garages se sont transformés en locaux de vente du mouton, les citadins, instruits par l’expérience, ont commencé à faire des provisions de «tout». Cela donne de manière automatique une situation de début de ramadhan sur les marchés.
Les prix des fruits et légumes flambent. Sur les marchés, on maugrée parfois, mais on ne rouspète presque plus. Fatigués les Algériens ? Un peu. Mais surtout, ils ont appris à faire avec les «guet-apens» habituels durant les périodes spéciales. «Liman nechkou ?», «à qui se plaindre?» demandait dans un marché, une dame qui faisait son troisième tour d’observation des prix avant… achat.
Pour cette année la «rouspétance » a été plutôt réservée aux agences postales et, à un degré moindre, aux agences bancaires où il était difficile de retirer «son» argent. Dans une économie décidemment très spécifique, ceux qui ne parvenaient que difficilement à retirer de l’argent n’ont trouvé aucun intérêt à la polémique entre Algérie Poste et la Banque d’Algérie, sur les vraies causes de la pénurie de sous. Il n’empêche, la crise est révélatrice.
L’informel aspire une grande partie de la masse monétaire et il suffit de circonstances particulières comme l’Aïd ou le ramadhan pour que cela apparaisse clairement.
ARGENT BIDON
Les transactions en espèces sont la règle, les autres moyens de paiement n’ont pas la cote. L’informel siphonne les liquidités. Ces derniers temps entre arrestation de faux-monnayeurs et rumeurs sur l’existence de «milliards » de faux dinars en circulation, les acteurs du secteur informel doivent connaître quelques embarras.
Si à la veille de l’Aïd même les acteurs des grandes transactions en «cash» ne sont pas à la fête et se mettent à douter, cela signifie que quelque chose cloche. «En réalité, ce sera une bonne chose s’ils emmènent leurs grands sacs poubelles plein de dinars chez les banques pour vérifier qu’ils n’ont pas d’argent bidon», estime un expert. Le grand pont de l’Aïd donne apparemment à réfléchir ou à rêver…
Salem Ferdi