Le patron de l’italien Saipem démissionne: l’étau se resserre sur la gestion de Chakib Khelil

Le patron de l’italien Saipem démissionne: l’étau se resserre sur la gestion de Chakib Khelil
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La démission du patron de l’italien Saipem pour des faits de corruption entachant des contrats exécutés en Algérie pour le compte de Sonatrach relance l’affaire de corruption au sein du groupe pétro-gazier algérien, dans laquelle sont jugés son ex-PDG, Mohamed Meziane, et nombre de ses cadres.

Elle relance surtout les interrogations sur l’implication dans cette affaire de l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil. Celui-ci a affirmé, en janvier 2010, qu’il n’en savait pas plus que la presse mais un document révélé par les médias établit qu’il était au courant même d’une investigation du DRS au sujet du contrat « télésurveillance de Sonatrach » sur lequel enquête aujourd’hui la justice algérienne.

L’affaire de corruption au sein de Sonatrach, dans laquelle sont jugés son ex-PDG, Mohamed Meziane, ses deux fils et d’autres cadres du groupe pétro-gazier algérien, a provoqué une onde de choc en Italie, chez son partenaire Saipem. Pietro Franco Tali, l’administrateur délégué de la société d’ingénierie et exploration pétrolière (groupe Eni) a démissionné mercredi suite au lancement d’une enquête judiciaire sur des soupçons de corruption en Algérie, a rapporté l’AFP, précisant qu’il a été remplacé par un autre membre du conseil d’administration, Umberto Vergine.

Le responsable de la division ingénierie et construction de Saipem, Pietro Varone, ainsi qu’un autre manager ont été suspendus à titre préventif, a indiqué Saipem. Le directeur financier d’ENI, Alessandro Bernini, qui était directeur financier de la société italienne au moment des faits, a également présenté sa démission, a annoncé, de son côté, le groupe pétrolier italien.

Cette vague de démissions et de limogeages a commencé suite à l’ouverture par le parquet de Milan d’une enquête sur des faits de corruption en rapport avec des contrats exécutés par Saipem en Algérie jusqu’à 2009, autrement dit à l’époque où Chakib Khelil était le tout-puissant ministre algérien de l’Energie jouissant de la confiance du président Abdelaziz Bouteflika.

L’enquête italienne sur les activités internationales de Saipem viendra peut-être éclairer celle algérienne, ouverte en janvier 2010, avec la mise en examen et le placement en détention provisoire pour corruption et malversations du PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, de plusieurs cadres du groupe ainsi que de l’ancien directeur d’une grande banque publique, le Crédit populaire d’Algérie.

Chakib Khelil « mouillé » par Mohamed Meziane pendant l’instruction

Cette mise en examen avait été le débouché d’une enquête conduite par le Département de recherche et de sécurité (DRS, un service de renseignements militaires) concernant des marchés considérés comme douteux conclus entre Sonatrach et des partenaires étrangers. Certains de ces marchés avaient été décrochés justement par Saipem. L’un d’eux consiste en la réalisation, pour 580 millions de dollars, d’un système de transport par canalisation de gaz naturel (GK3). Un autre porte sur l’installation d’un système de télésurveillance du groupe algérien.

Selon ce qu’a rapporté la presse algérienne de cette affaire il y a plus de deux ans (El Khabar du 12 septembre 202), Mohamed Meziane avait déclaré aux enquêteurs du DRS qu’il n’était rien, lui, devant son supérieur hiérarchique Chakib Khellil et qu’il avait peur de lui parce qu’il avait « la confiance du n°1 », c’est-à-dire le président de la République. Il déclarera plus tard au juge d’instruction que l’ancien ministre de l’Energie approuvait personnellement toutes les offres ou transactions conclues avec les sociétés étrangères par consentement mutuel.

Dans ses déclarations à la presse suite à l’éclatement du scandale, en janvier 2010, Chakib Khelil avait affirmé qu’il n’en savait pas plus que la presse. Un document publié par DNA montre, cependant, qu’il était non seulement au courant du contrat portant sur la télésurveillance de Sonatrach (142 millions de dollars) mais qu’il était aussi informé d’une investigation que menait le DRS sur ce contrat, qui, aujourd’hui, avec deux autres, fait l’objet de l’enquête judicaire sur les malversations au sein du géant pétrolier algérien.

Des « crimes » selon le parquet algérien, des « délits » selon la défense

L’affaire Sonatrach est actuellement traitée par la chambre d’accusation de la cour d’Alger qui doit se prononcer sur la qualification des faits reprochés aux accusés, leur défense affirmant qu’il ne s’agit pas de crimes mais de délits.

Pour rappel, une enquête complémentaire ordonnée par le président de la chambre d’accusation avait révélé que certains inculpés avaient des avoirs de divers montants dans les banques françaises et que d’autres avaient déjà ouvert des comptes des années avant leur prise de fonctions à Sonatrach.