Le FLN gagne toujours. Lui qui perd ses ailes, ses hommes, ses mouhafadas, ses militants et son histoire nationale. Comment s’expliquent ce mystère d’un parti qui ne cesse de revivre, longtemps après sa mort en octobre 88 et l’émergence du pluralisme?
Un véritable cas de sociologie de l’électeur, plutôt que d’analyse par grille politique : le FLN n’est pas un parti, mais un appareil. Comparé à sa déliquescence aggravée en tant que formation politique capable de propositions et de renouvellement des visions, la machine électorale se porte de mieux en mieux et encore plus après le printemps arabe.
Les raisons ? D’abord celle de la «surface »: le FLN est un parti rural, né de la matrice de la paysannerie algérienne, grand gisement électoral fidèle et conservateur. Si la guerre entre redresseurs et conservateurs fait rage dans les grandes villes, le Front garde son prestige dans l’arrière-pays et le capitalise de plus en plus. La seconde force du front est l’âge des électeurs: généralement vieux, de l’ancienne génération.
Celle qui a en mémoire de FLN de la guerre de Libération et des premières décennies de l’indépendance. Là, dans cette aire à forte charge de nostalgie et de symbole, on vote encore «Boumediene » et le parti reste unique malgré le multipartisme formel. L’électorat du Front est dans la catégorie ancienne : femmes, vieux et militants en quête de promotion sociale.
Celle qui vote justement, contrairement aux jeunes générations peu enclines à faire valoir le droit aux urnes. La troisième raison de ce prestige post-mortem est bien sûr la capacité du FLN à assurer la promotion et l’intégration dans les réseaux de rentes locales ou nationales. L’électeur sait intuitivement que le vote FLN est le «bon vote» et que voter contre le FLN, est voter contre l’Etat.
Le raccourci n’est pas vrai mais il fonctionne encore dans l’esprit de beaucoup d’Algériens. Le 10 mai dernier, le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait appelé les Algériens à voter massivement.
Cela a été interprété comme un appel à voter FLN, tout simplement. Le vieux parti reste aussi très identifiable pour les électeurs moyens. En règle générale, l’offre idéologique politique en Algérie se résume à la tendance nationaliste et à celle islamiste.
La troisième famille reste floue, peu identifiable, marquée par un soupçon et des doutes sur les capacités de gestion et les orientations économiques ou de distribution de la rente. On sait ce qu’est le FLN ou ce que sont les islamistes, mais on ne sait pas ce qu’est la tendance progressiste, alternative, écologique, moderniste, réformiste… etc. Et le FLN joue immensément sur son image identifiable et le souvenir qu’il a laissé dans les mentalités.
Dernière raison clinique de ce retour du parti unique, le printemps arabe : le vote FLN est devenu un vote de sécurité, de repli, de peur face aux dangers des dérives des révolutions et des changements. Etrangement, les bouleversements dans le monde arabe et les pays voisins, ont eu de résultats contradictoires et opposés: fin des partis uniques ailleurs, et retour du parti unique en Algérie.
C’est en gros, les pistes les plus sérieuses pour expliquer ce miracle FLN : un parti qui n’en finit pas de mourir et de gagner à la fois. Ce nouveau score sera donc très rentabilisé le clan Belkhadem mais cela ne veut pas dire que la guerre est fini pour le FLN : la guerre interne qui n’a jamais cessé depuis l’indépendance.
Mohammed Benzekri