D’une superficie totale de 1 059 hectares, le parc des Grands-Vents est en réalité un immense terrain vague où, en plein printemps, les herbes folles sont à hauteur d’homme. Ce parc mitoyen d’une usine, une briqueterie toujours en activité, offre, par ailleurs, une vue imprenable sur l’urbanisation anarchique de la commune de Dély-Ibrahim.
Une confidence recueillie sur place, les gardiens appellent le parc des Grands-Vents “El-bour”, qui signifie en arabe “terrain en jachère” ou pire encore, “terre ingrate”. Mais est-ce de l’ingratitude quand on sait que les espaces verts manquent cruellement dans la capitale, bétonnée, du reste, à outrance, et que l’ouverture même de ce parc au public se devait d’être perçue comme une “bonne nouvelle” ? Il faut dire que le manque flagrant d’équipements va vite poser le problème quant à l’attractivité de cet espace dit de loisirs. Quoi qu’il en soit, les Algérois ont tout le loisir de constater par eux-mêmes, et depuis hier, ce qui est présenté comme un “poumon vert” pour la capitale. L’opinion est donc prise à témoin. S’agissant de ce manque criant d’infrastructures, le ministre a promis d’y remédier dans un délai de 5 à 6 mois, soit le temps imparti pour réaliser, selon lui, des buvettes et des toilettes publiques. Quant à la promotion immobilière, l’aquaparc, les hôtels de luxe ou encore les appartements de haut standing, le ministre a révélé que 170 hectares sont réservés aux investisseurs émiratis.
Il faut dire qu’à l’entrée du parc, une roseraie de fraîche installation composée de jeunes pousses accueille le visiteur sous un immense panneau publicitaire où il est écrit en grosses lettres “Émirates International Investment Company”. Quid de ce partenariat ? Présenté au début comme un projet avant-gardiste mêlant écologie et urbanisme d’un montant initial de 5 milliards de dollars, le parc Dounya ne connaîtra, dans les faits, aucun avancement notable. Au point où certains esprits malicieux trouveront la formule, en décrétant a priori que “le parc des Grands- Vents porte bien son nom”. Pour rappel, ce projet “grandiose” avait été lancé en 2003 par le président Abdelaziz Bouteflika et cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane, émir d’Abu Dhabi et président des Émirats arabes unis. Les facilités énormes accordées aux Émiratis, des “concessions” au sens propre du terme, semblent ne pas les avoir suffisamment persuadés à investir. La concession sur le terrain accordée à ce partenaire étranger, une entorse à la loi selon les juristes, ainsi que les exigences émiraties concernant le financement du projet par des banques publiques algériennes semblent avoir remis cette “relation d’affaires” aux calendes grecques. Néanmoins, pour Amara Benyounès, “ce dossier est toujours à l’étude”. Une manière d’annoncer que si les Émiratis n’ont pas renoncé officiellement à réaliser ce projet, les Algériens, eux, peuvent à tout moment changer d’avis… Interrogé, par ailleurs, sur les sommes englouties jusqu’à présent par ce projet, le ministre a avancé la bagatelle de 200 millions de dollars (!). Une enveloppe colossale consacrée non seulement, selon lui, à l’indemnisation des propriétaires expropriés, mais aussi à l’installation de quelques “équipements” comme trois éoliennes et deux retenues collinaires. Devant l’air ébahi de certains journalistes à l’annonce de ce chiffre au demeurant faramineux, le ministre s’est voulu rassurant : “Non, il n’y a pas eu de gaspillage !” Concernant, en outre, le retard dans la réalisation de cet ouvrage lancé en 2004 et qui, soulignons-le, reste à ce jour inachevé, le ministre l’a imputé essentiellement aux procédures d’expropriation de plus de 800 hectares qui appartenaient à une centaine de propriétaires qui, d’après lui, ont tous été indemnisés. Le ministre a ensuite longuement insisté sur la pratique sportive. Il a même donné, à ce sujet, le signal de départ d’une course “senior” qui a été organisée pour la circonstance. Seulement, en l’absence d’allées ombragées, les courses et les randonnées pédestres au soleil risquent pour certains d’être fatales…
M C