Le parcours du combattant des malades du cancer en Algérie

Le parcours du combattant des malades du cancer en Algérie

En Algérie, pour les malades du cancer, se soigner est un parcours du combattant et face à une pénurie de centres de soins et de matériel spécialisé leurs chances de survie sont réduites.

Les Algériens atteints du cancer subissent des pénuries récurrentes de médicaments et une très mauvaise prise en charge, faute de moyens. L’Algérie compte seulement 5 centres de radiothérapie. Alors que 40.000 nouveaux cas sont recensés chaque année, selon l’Institut national de la Santé publique (INSP) qui note une hausse constante, il n’existe encore qu’une demi-douzaine de centres de cancérologie sur une quinzaine de prévus d’ici l’an prochain dans ce pays quatre fois plus grand que la France.

40.000 nouveaux cas sont recensés chaque année

Actuellement, l’Algérie enregistre 130 cas pour 100.000 habitants, indique le professeur Kamal Bouzid, chef du service oncologie du Centre Pierre et Marie Curie. Mais “ce taux est appelé à croître pour égaler celui enregistré dans les pays avancés. En France, dit-il, il est de 300 cas pour 100.000 habitants et de 400 cas pour le même nombre aux Etats-Unis”.

Le cancer est la deuxième cause de mortalité en Algérie derrière les maladies cardio-vasculaires. “Il y a urgence”, s’alarme Samia Gasmi, membre fondatrice de l’Alliance des ligues francophones Africaines et Méditerranéennes contre le cancer (ALIAM) et présidente de l’association Nour Doha (lumière du jour), vers qui se tournent les malades isolés et démunis dans ce pays de 38 millions d’habitants riche en hydrocarbures. “Certains doivent attendre jusqu’en 2015 pour un rendez-vous en radiothérapie. Les gens sont dans un couloir de la mort”, estime-t-elle.

Le déficit d’infrastructures de soins contraint des milliers de patients à parcourir des centaines de kilomètres sans garantie d’être soigné. Après deux ans de fermeture, le service de radiothérapie du centre anti-cancer de Constantine (430 km à l’est d’Alger), responsable de la prise en charge de dizaines de milliers de patients de l’Est et du Sud-est, est redevenu fonctionnel à la mi-septembre.

De 200.000 à 450.000 dinars (2.000 à 4.500 euros) les séances de radiothérapie, les soins s’avèrent onéreux surtout s’ils ne sont pas pris en charge par l’Etat. C’est le cas pour Slimane Ould Abdeslam, 4 ans, originaire de Bordj Ménaïel (100 km d’Alger). Atteint d’une forme rare de cancer du sang, Slimane doit subir en France une intervention chirurgicale d’un coût estimé à 239.000 euros. “Nous avons déposé plusieurs demandes de prise en charge, mais cela a toujours été refusé. Sans aucune explication”, fustige le père, dans l’attente d’un signe des autorités depuis plus d’un an.

20.000 malades meurent chaque année faute de prise en charge

Les témoignages de ce type sont multiples sur les réseaux sociaux avec des demandes d’aide aux internautes, photos ou vidéos à l’appui. Plus de 20.000 malades meurent chaque année faute de prise en charge, selon le professeur Bouzid. Au choc de l’annonce de la maladie s’ajoute la peur d’être abandonné. Des femmes qui subissent une mastectomie sont parfois répudiées. Jusqu’à 20 à 25% des cas, selon l’association Nour Doha. “Des femmes préfèrent cacher leur cancer et souffrir en silence plutôt que de perdre leur mari”, explique Mme Gasmi.

Et les médicaments, pour moitié au moins importés, viennent à manquer cruellement. Parmi ceux qui restent très difficiles à trouver, la morphine, pourtant essentielle contre les douleurs des personnes en fin de vie. A cela s’ajoutent de nombreuses grèves ces dernières années du personnel soignant en faveur d’une revalorisation des salaires et de leurs conditions de travail qu’ils voient se dégrader. Et pour nombre de jeunes médecins tout juste diplômés, un seul objectif: “partir à l’étranger”.

Attendu depuis plusieurs mois, le rapport final sur le plan national de lutte contre le cancer sera remis au président Abdelaziz Bouteflika fin octobre, selon le professeur Messaoud Zitouni, chargé de l’étude. Le ministère de la Santé a annoncé l’importation de 57 appareils pour les centres de lutte contre le cancer.

En mai, une manifestation baptisée “Val de Grâce pour tous” s’est déroulée devant le centre hospitalier Mustapha d’Alger, le plus grand du pays, pour protester contre le transfert en France du président Bouteflika pour soigner les suites d’un AVC.

La mauvaise prise en charge des algériens atteints du cancer en révolte plus d’un ces derniers mois. Médecins, associations et familles de malades s’indignent contre l’incapacité du ministère de la santé algérien à trouver une solution à la pénurie récurrente des anti-cancéreux, à la surcharge des salles d’hospitalisation et à l’attente interminable à laquelle les patients sont soumis.

Parmi ces contestataires, des médecins du CPMC (centre Pierre et Marie Curie), centre de radiothérapie de l’Hôpital Mustapha Pacha d’Alger, le plus important du pays. Ils n’ont pas hésité à ouvrir une page sur Facebook, Cancer en Algérie, la Condamnation, pour dénoncer la mauvaise prise en charge, et ce photos à l’appui. Sur l’une d’entre elle, datant du 20 septembre 2012, une jeune patiente et un vieil homme se partagent le même lit dans la bibliothèque du centre transformée en salle d’hospitalisation. (Avec Afp et SlateAfrique)