Le nouveau film-réquisitoire de jbr est directement centré sur lui: Qui veut la peau d’Abderrezak El-Para ?

Le nouveau film-réquisitoire de jbr est directement centré sur lui: Qui veut la peau d’Abderrezak El-Para ?

Le film diffusé lundi par «Canal+» sur l’assassinat des moines continue à alimenter polémiques et tensions, avec son lot de nouvelles accusations, ses nouveaux témoignages et sa forme de présenter les faits de façon à faire croire au profane en matière de GIA que les concepteurs et les réalisateurs du film maîtrisent bien leur sujet, et, surtout, qu’ils en sont bien convaincus.

Nous ne nous attarderons pas sur le témoignage de Karim Moulaï, «vice-recteur de l’Université de Bab-Ezzouar» à vingt ans, petit officier qui a côtoyé les colonels et les généraux, alors qu’un simple passage dans l’armée algérienne dévoile combien la hiérarchie militaire est respectée, d’autant plus s’il s’agit du renseignement, et si un lieutenant arrive juste à côtoyer un capitaine, c’est déjà pour lui un honneur, mais jamais il n’aura à se réunir avec un colonel, et ne verra peut-être son général que lorsque celui-ci le passe en revue.

Passons le témoignage de «Rachid», islamiste de circonstance, qui dit avoir participé au rapt des moines, mais dont l’anonymat enlève tout crédit à la déposition. Même constat pour le nouveau venu dans le cercle des officiers perdus dans la «Sarkozie», le lieutenant «Kamel» qui, hormis des accusations à gauche et à droite, n’apporte rien de vraiment nouveau.

Ce qui par contre paraît réellement nouveau, c’est cette fixation sur «El-Para», ancien chef de zone du GIA, puis n° 2 du GSPC, avant d’accomplir sa longue cavale qui l’a entraîné de Tizi Ouzou au Tibesti, en passant par Illizi, Tam, Kidal, le Ténérée du Niger puis au Tchad, où il fut arrêté par le MDJT et remis à Kadhafi, qui l’a livré à Alger, en 2004. Actuellement en détention en Algérie, «El-Para» a fait amende honorable, a intégré le processus de paix et de la Réconciliation nationale, a fait plusieurs appels à ses anciens compagnons encore en armes, et est même allé jusqu’à pousser à la sédition contre le chef d’Aqmi.

En temps de guerre, les choses évoluent vite, un ennemi d’hier peut devenir un allié aujourd’hui, et viceversa, et «El-Para» est intégré dans un processus de paix, et opère à faire se déjuger les éléments actifs de l’intérieur, à la faveur de l’aura, dont il bénéficiait auprès d’eux, durant ses longues années de maquis. Les concepteurs du film de Jean- Baptiste Rivoire ont fait à la fin du film, une fixation sur l’homme.

C’était lui le second de Zitouni, c’était lui qui détenait les otages français R’mili, près de Bougara, la voix du chef des preneurs d’otages sur la cassette audio, c’était sa voix et c’était certainement lui qui a procédé à la mise à mort des moines. Évidemment, tout cela est faux, pour peu qu’on ait des connaissances moyennes en la matière.

La voix sur la cassette est celle de Mohamed Beladassi, chargé de l’archive et de la communication à l’époque de Zitouni, et formellement reconnu par tous ses anciens compagnons.

«El-Para» est un Guelmi, un Chaoui, dont la voix très batnéenne est reconnaissable d’entre mille, selon tous ceux qui l’ont côtoyé, alors que la voix qui s’exprime sur la cassette est une voix très blidéenne, qui peut être de quelqu’un de Bougara, Boufarik, Soumâa, mais pas de celle d’«El-Para».

«El-Para» ne faisait pas partie du cercle rapproché de Zitouni pour jouer ce rôle dans l’affaire des moines. Le clan de Birkhadem et celui de Boufarik étaient dominants à cette époque et des hommes comme Rédouane Makador, Antar Zouabri, Ameur El-Habchi, Abdessamiâ et Abou Rayhana Farid Achi étaient le cercle immédiat de Zitouni.

Cette nouvelle fixation sur «El-Para» me paraît comme une nouvelle donne, dangereuse, et qui préfigure des effets à venir. D’abord, parce qu’il s’agit d’un ancien militaire, ensuite, parce qu’il est encore en vie, peut-être le seul de cette épopée de Zitouni, et ensuite, parce qu’il est intégré dans un processus de Réconciliation nationale.

Cela me paraît aussi comme seule nouveauté d’un film, qui, hormis des accusations jetées à tort et à travers, ne ramène rien de nouveau. Même l’avocat au barreau de Paris, Me Patrick Baudoin, qui défend des proches des moines de Tibéhirine, dans un première réaction au film, estime que les nouvelles accusations n’ont aucune valeur juridique auprès d’un tribunal.

Ammari Saïfi, dit Abderrezak El-Para, exmembre des troupes spéciales de l’ANP, est né un 1er janvier 1968 à Guelma, selon les avis de recherche lancés contre lui par le commandement de la Gendarmerie nationale, un 23 avril 1966 à Guelma, pour les services de renseignement de l’Armée. Il a habité la commune de Bouhachana, daïra de Boucheghouf, dans la wilaya de Guelma. Dès 1988, il adhère à l’islamisme.

Djoundi contractuel – et non officier déserteur de l’armée, comme le suggèrent les médias occidentaux – des troupes spéciales, il est condamné par la juridiction militaire de Constantine à trois mois de prison ferme pour infraction aux consignes générales de l’armée. Des sources au sein de l’armée affirment qu’il a déserté en 1991. C’est-à-dire en plein délire de l’ex-FIS face à un pouvoir «en fin de règne», avec le grade de sergent d’active dans un corps de commandos stationné à Biskra.

D’autres sources soutiennent qu’il a été radié des rangs de l’armée à partir du 30 avril 1991 pour fin de contrat. Islamiste convaincu, il rejoint naturellement la guérilla menée, alors, par le GIA.Très rapidement, il est promu au rang de chef, et, à l’époque de Zitouni, il est membre de la direction du GIA et chef de zone de l’est du pays, d’où il est originaire.

Fin 1996, le plébiscite contesté de Antar Zouabri l’éloigne du GIA. Avec Hattab, Saâdaoui, Abi Abdelaziz et les autres membres dissidents, il crée le Gspc, né officiellement en septembre 1998 dans la région kabyle.

Abderrezak El-Para, chef parmi les chefs, et promu n°2 de la hiérarchie militaire de l’organisation armée et prend le commandement de la 5e zone, qui comprend les régions de Batna, Tébessa, Oum El-Bouaghi et Sétif, villes et maquis qu’il connaît bien. Spécialisé dans les attaques surprises contre les contingents de militaires et les rondes de police dans l’est du pays.

À partir de 2002, il commence à prendre ses distances avec son chef et n°1 du Gspc, Hattab Hacène. Son penchant pour les «coups médiatiques» l’ont poussé à s’attaquer aux touristes européens enlevés à la fin du mois de février 2003 dans le «Triangle de feu» Tam – Illizi – Ouargla.

Le rapt des 32 touristes européens en 2003, sans l’accord de Hassan Hattab, a précipité sa chute. Sa longue cavale à travers le désert de la bande du Sahel le mènera au Tchad, et tombera ainsi, ainsi qu’une vingtaine de ses compagnons, entre les mains d’un mouvement d’opposition armée, le MDJT.

Alger fera tout pour le récupérer et le présenter à la justice. Kadhafi, qui avait tous les défauts avec Alger, sauf celui de refuser la capture d’un chef islamiste, fera l’intercession auprès des Tchadiens et obtient le rapatriement du «Para» vers Ghadamès, et de là il est menotté et dirigé vers Alger.

O. M.