Le nouveau code de la route fait ses premières victimes

Le nouveau code de la route fait ses premières victimes

Des sanctions aux infractions au code de la route, le retrait de permis de conduire semble être la mesure la plus « réputée ».

C’est surtout la mesure la plus redoutée par les conducteurs. La rétention du permis de conduire pénalise beaucoup les contrevenants.



Il est pour certains, synonyme de plusieurs semaines d’arrêt de travail. Pour d’autres, c’est l’impossibilité de transporter leurs enfants à l’école.

Hormis les infractions bénignes (stationnement interdit…), la plupart des entorses aux règles de la circulation routière entraînent un retrait automatique du permis de conduire. Un retrait assorti d’une amende forfaitaire.

L’application de cette sanction est sujette à polémique. Nombreux sont ceux qui dénoncent l’abus d’autorité de la part des services de sécurité qui recourent systématiquement au retrait du permis de conduire pour n’importe quelle infraction.

« On m’a retiré le permis pour une manœuvre dangereuse. C’était le 6 août sur l’avenue de l’A.L.N. Et aujourd’hui, on m’apprend que la commission a statué en mon absence et a prononcé une sanction d’un mois et demi de rétention de mon permis. Dites-moi comment je vais faire pour aller au travail, moi qui habite à Aïn Taya ? Et comment mes enfants vont faire pour aller à l’école ? Je trouve cette sanction injuste », fulmine Mourad Aoucher, rencontré devant le guichet de la commission de retrait de permis de la daïra de Sidi M’hamed.

Pour lui, la rétention du permis de conduire doit être appliquée uniquement aux cas extrêmes comme la conduite en état d’ivresse, l’excès de vitesse…

Comme il trouve aussi « anormal » qu’on ne donne pas la possibilité au contrevenant de se défendre.

« On ne nous donne plus le bénéfice du doute », lâche-t-il révulsé. « Quand j’ai protesté contre la décision, l’agent m’a recommandé d’introduire un recours. Je vais le faire. Mais j’ai peu d’espoir qu’il aboutisse », ajoute-t-il.

Khaled Benakiniou est aussi « victime » d’un retrait de permis. « On me l’a retiré le 14 juillet et jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas où il a été envoyé. Plus d’un mois de va-et-vient d’un poste de police à l’autre et d’un bureau à l’autre. C’est exténuant », tonne-t-il, affirmant n’avoir pas travaillé pendant toute cette période.

« Je suis transporteur. Sans permis, je me retrouve à l’arrêt. Ceux qui ont fait cette loi ont-ils pensé à ceux dont le permis constitue leur gagne-pain ? », se demande-t-il, l’air révolté.

« Lorsque je suis passé devant la commission, on ne m’a pas laissé placer un mot. Dès mon entrée, ils m’ont annoncé la sanction : 45 jours pour un sens interdit que je n’ai jamais vu. Je trouve que c’est excessif », s’époumone-t-il.

Khaled dit ne pas comprendre pourquoi les commissions ne cherchent pas à étudier les circonstances dans lesquelles le retrait du permis de conduire a été effectué.

« La plaque indiquant le sens interdit était ce jour-là complètement couverte par un bus qui était en panne. J’avais essayé d’expliquer au policier que de ma position, je ne pouvais pas voir la plaque. Mais, il s’est montré impitoyable », raconte-t-il.

L’histoire de Bilel Bouacherine est encore déroutante. Habitant Sétif, Bilel s’est vu retirer son permis de conduire à Alger-Centre. La raison ? Il n’a pas respecté la direction obligatoire.

« J’ai beau expliquer au policier que je ne suis pas d’Alger et que le panneau était dans un angle mort. Sans résultat. Il m’a retiré le permis en plus d’une amende de 1500 DA. Et là, je suis bloqué à Alger depuis le 17 août, car je ne peux pas conduire mon véhicule et personne à la maison n’a le permis », a-t-il relevé.

Bilel ne s’insurge pas pour autant. Il estime que d’un côté, le retrait de permis est nécessaire pour réprimer les chauffards et réduire les accidents de la route.

Mais il trouve que l’application de cette mesure pose problème parfois.

« Les plaques de signalisation sont parfois mal faites, ce qui les rendent invisibles aux conducteurs. Comment donc retirer le permis à quelqu’un pour une faute qu’il n’aurait pas commise si l’on avait respecté les normes inhérentes à l’installation de ces plaques ? Je pense que les autorités doivent se pencher dessus », a-t-il souligné.

Il y a aussi, l’abus de pouvoir de certains policiers qui ne font qu’à leur tête. « Comment faire face à cela ? », s’interroge Amine, une autre personne concernée par le retrait de permis.

« Ceux qui ont le bras long ne subissent pas ces désagréments. Leurs enfants non plus. Eux, même lorsqu’ils commettent des infractions graves, ils peuvent récupérer leur permis par des voies détournées. Cette loi est-elle faite pour tous les Algériens ou uniquement pour les petites gens ? », tonne un quadragénaire rencontré au sortir de la daïra de Sidi M’hamed.

Ainsi donc, le retrait de permis de conduire provoque un profond sentiment d’injustice.

Que faire ? Quelles sanctions faut-il pour les infractions au code de la route ?

Doit-on revoir les modes de sanctions ? Les personnes qu’on a rencontrées préfèrent une majoration des amendes pour les infractions de 1er au 3e degrés au lieu de la rétention du permis de conduire.

Mais le nouveau code de la route qui vient d’entrer en vigueur alourdit plutôt les sanctions dans ce sens.

Des sanctions qui peuvent à la faveur de cette nouvelle loi, aller jusqu’au retrait définitif du permis de conduire. Gare à vos permis !

Mokrane Ait Ouarabi