Le Nobel de la paix attribué à deux symboles de la lutte contre les violences sexuelles

Le Nobel de la paix attribué à deux symboles de la lutte contre les violences sexuelles

L’un gynécologue, l’autre victime, Denis Mukwege et Nadia Murad incarnent une cause planétaire qui dépasse le cadre des seuls conflits, comme en témoigne le raz-de-marée planétaire #MeToo déclenché il y a un an par des révélations de la presse.

Travailler sans relâche et ne jamais se résigner à l’horreur. Le Dr Denis Mukwege, qui a reçu vendredi le prix Nobel de la Paix, « répare » depuis des années les femmes violées victimes des guerres oubliées dans l’est de la République démocratique du Congo.

A deux mois et demi d’élections cruciales en RDC, les jurés du prix Nobel ont aussi récompensé une voix parmi les plus sévères envers le régime du président Joseph Kabila, davantage entendue à l’étranger qu’au pays.

« L’homme cesse d’être homme lorsqu’il ne sait plus donner l’amour et ne sait plus donner l’espoir aux autres », déclarait-il en 2015 au personnel de l’hôpital de Panzi qu’il dirige à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu.

Âgé de 63 ans, marié et père de cinq enfants, le Dr Mukwege aurait pu rester en France après ses études à Angers (centre-ouest). Il a fait le choix de retourner dans son pays, et d’y rester aux heures les plus sombres.

Reuters
A 25 ans, Nadia Murad a survécu aux pires heures traversées par son peuple, les Yazidis d’Irak, jusqu’à en devenir une porte-parole respectée et à décrocher le Nobel de la paix.

Cette jeune fille au visage fin et pâle encadré par de longs cheveux bruns aurait pu couler des jours tranquilles dans son village de Kosho, près du bastion yazidi de Sinjar, une zone montagneuse coincée aux confins de l’Irak et de la Syrie.

Mais la percée fulgurante des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en 2014 en a décidé autrement.

Un jour d’août, sur des pick-up surmontés de leur drapeau noir, ils ont fait irruption, tué des hommes, transformé en enfants-soldats les plus jeunes et condamné des milliers de femmes aux travaux forcés et à l’esclavagisme sexuel.

Aujourd’hui encore, Nadia Murad, comme son amie Lamia Haji Bachar, avec laquelle elle obtenait en 2016 le prix Sakharov du Parlement européen– n’a de cesse de répéter que plus de 3.000 Yazidies sont toujours portées disparues, probablement encore captives.

Reuters

La médecine a ouvert le bal des Nobel 2018 lundi avec le sacre d’un duo de chercheurs nippo-américain, James Allison et Tasuku Honjo, honorés pour leurs travaux sur la capacité du corps à se défendre contre les cancers virulents comme le cancer du poumon et le mélanome.

Le prix de physique est allé mardi au Français Gérard Mourou et à son étudiante canadienne Donna Strickland, ainsi qu’à l’Américain Arthur Ashkin, pour avoir révolutionné la technique des lasers, utilisés notamment aujourd’hui dans l’étude de l’infiniment petit et la chirurgie de l’oeil.

Mercredi, ce sont deux Américains, Frances Arnold et George Smith, et un Britannique, Gregory Winter, qui ont remporté le Nobel de chimie pour avoir modifié les propriétés des enzymes à des fins thérapeutiques et industrielles en s’inspirant des principes de l’évolution et de la sélection naturelle.

Les récipiendaires des Nobel recevront leur prix (une médaille d’or, un diplôme et un chèque de 9 millions de couronnes suédoises, soit environ environ 865 000 euros) à Oslo et Stockholm le 10 décembre prochain, date-anniversaire de la mort de leur fondateur Alfred Nobel (1833-1896).