On se concentre sur la Mali. On oublie le Niger. Pourtant, il était prévu que c’était au Niger de tomber après la Libye. La France, en protégeant sn uranium et le fleuron de son économie hors Hexagone, Areva, et les Etats Unis, dont une base de drones se trouve dans le désert d’Agadez, ont fait contourner la théorie des dominos. La déflagration de la chute de Tripoli s’en allé s’abattre sur le Mali. L’Algérie commence à subir les effets de la crise malienne. La guerre n’est qu’à 100 km de Bordj Badji Mokhtar. A l’origine, l’uranium du site d’Arlit, au nord du Niger. La malédiction de ce métal lourd radioactif déteint dangereusement sur le Sahel tout entier, mais n’en donne pas l’impression…
L’Uranium du Niger : 20 milliards de dollars perdus en 50 ans
Cinquante ans après l’indépendance, le Niger qui fournit à la France de l’uranium en abondance est l’un des pays les plus pauvres de la planète. A l’heure où s’écrivent ces lignes, un programme alimentaire d’urgence est en cours d’exécution. Paradoxes.
L’uranium nigérien est d’abord une exclusivité signée par la France, le 24 avril 1961, sous forme d’un accord de défense entre la métropole, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger.
Les annexes de cet accord sont sans équivoques, mélangeant intérêts mutuels en matière de défense et fourniture de matières premières.
Par cet accord, la France qui venait d’accorder leurs indépendances à ces trois pays s’arrogeait le droit de poursuivre l’œuvre coloniale, à savoir l’exploitation des ressources minières à un prix arbitraire. Qu’y gagnaient donc les nouveaux dirigeants de ces pays ?
En échange de cet accord, la France soutient tacitement les régimes sans toutefois s’engager à intervenir en cas d’agression extérieure. Pendant ce temps le commerce de l’uranium prospère. Le petit Niger qui ne dispose que de cette matière comme ressource émet de timides protestations emmenant à une première révision des accords « secrets ».
Ainsi, dès 1969, la France propose d’enlever l’uranium au prix fixe au titre d’une aide au développement d’un milliard de F CFA. Le premier président nigérien Hamani Diori qui avait émis le vœu de rediscuter les termes de l’accord sera renversé en 1974 en plein pourparlers autour des prix de l’uranium.
Ce coup d’état était-il fomenté par la France ? Dans quelle mesure la brutalité du changement de régime a-t-il contribué à figer les cours ? Il faudra attendre 2007 avec l’arrivée des chinois et la montée spectaculaire du cours de l’uranium pour voir le gouvernement nigérien de Mamadou Tandia (renversé en 2010) exiger la révision des prix quasiment figés depuis 1960.
Le Niger a perdu entre 14,5 et 21 milliards d’euros depuis 1960
Entre temps et selon nos estimations, le Niger a produit entre 100 000 et 150 000 tonnes depuis 1960 au prix moyen de 27 300 F CFA le kilo (soit 42 euros) . Nettement en dessous du cours mondial moyen qui était de 122 000 F CFA le kilo (187 euros) sur la période . Sur la base de ces prix moyens et d’une production oscillant entre 100 000 et 150 000 tonnes, l’on peut dire que la vente de l’uranium du Niger est chiffrée entre 4,2 milliards et 6,3 milliards d’euros. Si le prix international avait été appliqué, les actionnaires (Etat et partenaires) se seraient partagés entre 18,7 milliards et 28 milliards. C’est dire que depuis l’indépendance, et sur la base de ce calcul simple ne tenant pas compte de la différence de cours entre le marché spot et celui des contrats, les actionnaires de l’uranium du Niger ont perdu entre 14, 5 milliards d’euros et 21 milliards de dollars. Enorme pour un pays qui compte à peine 2 milliards de dollars de PIB et dont le modeste budget est «généreusement » alimenté par l’aide publique au développement pour plus de la moitié.
A qui profite cette sous valorisation de l’uranium nigérien? Aux actionnaires non nigériens qui enlèvent pour leur propre compte des quantités non contrôlées par l’Etat, sur la base de leurs propres appréciations. Il est clair que de cette manière, l’uranium ne profitera jamais au Niger.
Les choses bougent quand même depuis 2007 puisque un nouvel accord obtenu à l’arraché permet de doubler le prix, qui atteint 40 000 F CFA, ce qui en réalité ne représente même pas 50% du cours international. La libéralisation de l’Uranium promise à hue et à dia changera-t-il la donne ? Depuis 2007, beaucoup de permis (entre 70 et 100) ont été accordés, relançant du coup les activités d’une rébellion touarègue dont les liens avec les uns et autres ne sont pas totalement élucidés.
Source : A.W-Les Afriques
Sarkozy voulait «sécuriser» l’uranium du Niger
La route de l’uranium est ouverte. Le 5 janvier 2009, Areva obtenait du Niger le droit d’exploiter la mine géante d’Imouraren, non loin d’Arlit. Un accord négocié durant des mois qui a rendu possible la courte étape de quatre heures que Nicolas Sarkozy a effectuée hier dans ce pays sahélien, l’un des plus pauvres de la planète, mais aussi le deuxième producteur d’uranium au monde derrière le Canada.
Dans l’entourage du chef de l’État, on ne cachait pas que cette « visite découle du contrat » signé de haute lutte avec Niamey par le numéro un mondial du nucléaire, au nez et à la barbe de la Chine. À partir de 2012, grâce à un investissement initial de 1,2 milliard d’euros, Imouraren devrait permettre d’extraire 5 000 tonnes d’uranium pendant 35 ans. Une manne indispensable pour les centrales nucléaires françaises dont la moitié des approvisionnements en uranium viendront alors du Niger (contre un tiers aujourd’hui).
On comprend mieux, dès lors, que Nicolas Sarkozy, devenu très conscient des enjeux économiques de l’Afrique, ait tenu à saluer le «partenariat stratégique» avec le Niger en rencontrant hier son président, Mamadou Tandja. Anne Lauvergeon, PDG d’Areva, également présente à Niamey, s’est félicitée d’une semaine faste pour le numéro mondial du nucléaire : celui-ci a signé jeudi un accord de prospection avec la République démocratique du Congo (RDC) couvrant l’ensemble du pays. L’événement a coïncidé avec le passage de Nicolas Sarkozy à Kinshasa.
Areva, qui est présente depuis quarante ans au Niger, «peut contribuer à régler les grands problèmes du pays, son enclavement et son manque d’électricité (qui provient à 80 % du Nigeria voisin, NDLR)», relève-t-on dans la délégation de Nicolas Sarkozy. Les deux pays travaillent à un «plan d’ensemble», projetant la construction de routes minières et d’un chemin de fer pour évacuer le minerai vers le port de Cotonou, au Bénin.
L’extraction de l’uranium s’effectue toutefois dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu. La guérilla touareg, qui a repris les armes en 2007, réclame une répartition plus juste des revenus du secteur minier. Elle opère dans la région de production d’Areva qui a été la cible de plusieurs attaques. Cible judiciaire également, le groupe français est régulièrement poursuivi en justice par des associations touareg et des ONG qui l’accusent d’atteintes à l’environnement et aux conditions de vie des populations locales.
Les Occidentaux redoutent également une jonction entre la rébellion touareg et les islamistes d’al-Qaida au Maghreb, très actifs dans la région. Ces liens ne sont jusqu’à présent pas avérés, hormis via des trafics. C’est ainsi un groupuscule touareg entré en dissidence avec le pouvoir central qui aurait «revendu» aux islamistes algériens l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, le Canadien Robert Fowler, disparu à 50 kilomètres de Niamey en décembre dernier.
Réfutant le procès en «prédation» du pays, Areva souligne qu’il va dépenser 30 millions d’euros entre 2009 et 2013 au bénéfice des Nigériens dans des secteurs comme la santé, l’éducation et l’accès à l’eau.
Afin d’appuyer ces initiatives, Anne Lauvergeon a participé hier avec Nicolas Sarkozy à une réunion de la section nigérienne de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie), un forum visant à rendre plus transparente l’utilisation des revenus liés aux ressources naturelles.
«Les pays africains ont des matières, nous allons les payer au juste prix», a déclaré Nicolas Sarkozy, ajoutant que «l’exploitation se retourne toujours contre celui qui a exploité».
Alain Barluet
Mines d’uranium au Niger : un scandale nommé COGEMA
Sur le site internet de COGEMA [1] on trouve les précisions suivantes: « Le groupe COGEMA est l’un des leaders mondiaux pour la production d’uranium naturel, il en produit de l’ordre de 7 000 tonnes par an soit environ 20% de la production mondiale. (…)
En France plus de 70 000 tonnes d’uranium ont été exploitées depuis 1946. Les principaux gisements se situaient dans le Limousin, le Forez, la Vendée et l’Hérault (…). Dès le début des années soixante, les équipes de prospection du groupe COGEMA ont engagé des recherches hors de
France (…). Les succès les plus remarquables ont été rencontrés au Gabon (près de 27 000 tonnes d’uranium découvertes et exploitées de 1960 à 1999) et surtout au Niger (près de 80 000 tonnes d’uranium produites depuis l’origine) (…) ».
L’année 1988 correspond à la production maximale des mines d’uranium en France mais à partir de cette date les fermetures de sièges miniers vont se succéder (a). Pourtant, huit ans plus tard, dans la publication CEA « Memento sur l’énergie 1996 » il est indiqué au chapitre « Réserves énergétiques françaises » que le taux d’indépendance de la France vis-à-vis de l’uranium est de 100% alors que les mines françaises sont en fin de vie.
Dans les publications ultérieures ce chapitre a disparu.
Notons que cette façon de voir l’indépendance de la France est parfaitement logique dans le système économique actuel. La production d’une entreprise n’appartient pas au pays où l’entreprise est implantée mais à son propriétaire. Si les mines d’uranium en Afrique ou ailleurs sont la propriété de COGEMA alors l’uranium produit est français.
L’économie moderne nous a permis de récupérer des territoires coloniaux que nous avions perdus. Une façon moderne de gérer la colonisation ! Ainsi, notre soit disant « indépendance énergétique » qui serait due à l’uranium vient, en réalité, d’Afrique depuis bien des années déjà, mais aussi du Canada, d’Australie, et COGEMA développe désormais des activités minières en Asie centrale dans des républiques de l’ex-URSS (Kazakhstan et Mongolie).
La réalité Cogéma et ses mythes
Une plainte avec constitution de partie civile pour pollution, mise en danger de la vie d’autrui, abandon et dépôt de déchets concernant tous les sites miniers du Limousin a été déposée contre Cogéma en mars 1999 par l’association Sources et Rivières du Limousin, trois ans après que plusieurs associations aient dénoncé la radioactivité des eaux du Lac de St Pardoux [2].
La COGEMA, en tant que personne morale, a été effectivement mise en examen le 30 août 2002 pour « pollution, abandon et dépôt de déchets ».
Comment est-ce possible ? Les habitants du Limousin et de tous les sites miniers ne doivent-ils pas être rassurés et heureux des activités menées par COGEMA – la prospection, l’activité minière et la réhabilitation après la fermeture des installations – si l’on en croit le panégyrique publicitaire de COGEMA qu’on peut trouver sur internet ? Citons quelques passages. Les activités minières Cogéma ce n’est pas seulement « Découvrir et produire » mais aussi: « Favoriser le développement durable (…)
En fin d’exploitation, COGEMA réaménage les sites miniers pour les rendre au milieu naturel et maintient une surveillance sur les sites une fois réaménagés. Sans attendre la phase de réaménagement, COGEMA entreprend à chaque stade des opérations, des actions de précaution et de prévention, afin de minimiser les impacts et les risques environnementaux ». « La sécurité et la santé des travailleurs, COGEMA a été pionnière dans la profession pour la protection des mineurs contre les radiations ionisantes (…) ».
« Les relations avec les populations locales, COGEMA est à leur écoute et contribue à la vie économique et sociale de façon adaptée à chaque situation : – Assistance médicale dans les pays ne disposant pas de système de santé publique (exemple de l’hôpital d’Arlit au Niger) (…) » Cette auto-complaisance a de quoi faire grincer les dents. Nous allons la confronter à deux réalités, celle du Limousin et celle d’Arlit au Niger.
Cogéma et les mines d’uranium en Limousin
Ne manquez pas de voir le film de Thierry Lamireau « Uranium en Limousin » en Realvideo 21Kb [3] qui raconte une autre histoire, moins triomphaliste et plus triste, de sites saccagés, d’opposants, de travailleurs malades.
L’histoire racontée par un médecin, de son patient qui a ses mouchoirs toujours jaunes comme est jaune la couleur du « yellowcake » issu des traitements chimiques du minerai d’uranium (b), qui va mourir et être autopsié et dont les résultats ne seront jamais communiqués.
Les oppositions à COGEMA ont été nombreuses en Limousin comme en témoigne la dizaine d’associations [4] créées au cours des ans dans toute la région. Michèle Granier (CLADE) nous fait un bref résumé: « En Limousin, la Division Minière de la Crouzille exploite l’uranium depuis 1949. Au début des années 1970 la contestation naît dans la population et une plainte en justice est déposée lorsque les déchets et matériaux provenant du démantèlement de l’usine du Bouchet [5] en région parisienne sont déversés dans une mine à ciel ouvert.
Le Brugeaud, où sont stockées les boues de concentration du minerai. (Il a été question de 40 – 50 curies de radium 226 provenant du Bouchet). Il y a eu une grande variété de luttes ponctuelles, par exemple contre les permis d’exploitation dans les secteurs miniers.
Dans les années 90 les opposants ont obtenu une pré-étude sur l’état radiologique des sites d’exploitation du Limousin, payée par les Conseils général et régional, effectuée par la CRIIRAD, association indépendante (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité), et la société ALGADE choisie par la COGEMA.
Les deux séries de mesures ont été concordantes mais pas l’interprétation des résultats ! Les conclusions de la DRIRE (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) ont été celles d’ALGADE qui dédouanent la COGEMA, en bref: l’exploitation minière n’a eu aucun impact sanitaire en Limousin.
L’inertie des élus et de la population aidant, les recommandations formulées par la CRIIRAD ont été enterrées. Mais cela n’empêche pas les problèmes de refaire surface très périodiquement: réservoirs d’eau potable de la ville de Limoges contaminés par les eaux d’exhaure des anciennes mines d’uranium « abandonnées ou délaissées ».
Lac touristique de Saint-Pardoux faisant de la « rétention » de radioactivité dans les sédiments ; maison à taux de radon record, vendue à des particuliers par COGEMA, que Kouchner – le ministre de la santé – fait évacuer, le tout avec procès à la clé (annulation de la vente au motif que COGEMA étant « expert en la matière » a réalisé une vente en connaissance du vice caché) ; plainte déposée par Sources et Rivières du Limousin pour empoisonnement des eaux du Limousin aboutissant en 2002 à la mise en examen de COGEMA (à suivre). Plainte le 2 octobre 2002 contre l’Etat français, Ministère de l’environnement chargé des installations classées, déposée par l’ADEPAL [5] auprès de la Commission des communautés européennes au sujet de l’autorisation préfectorale accordée à COGEMA de stockage de 199 900 tonnes d’oxyde d’uranium appauvri à Bessines, dans des hangars de surface (c). (Avec la réponse récente de la CCE l’Etat a gagnéA suivre). D’autres actions ont eu lieu au cours des ans, on ne peut les citer toutes (d).
Hors Limousin
Concernant la Division minière du Forez, l’étude mandatée par le collectif des Bois Noirs, la Mairie de Saint Priest la Prugne et les élus locaux sera rendue début 2003. (A noter que la fermeture du site date de 20 ans et que c’est l’état du site et les préoccupations de santé des populations qui obligent les élus à se pencher sur le problème (mesures de la contamination du site par la CRIIRAD et SUBATECH choisi par COGEMA).
Par ailleurs la Division minière de Vendée a, elle aussi, demandé à la CRIIRAD de faire une étude qui a obligé l’industriel à reprendre certains sites. Quant à la Division de Lodève (Hérault) elle sert de vitrine de « réaménagement modèle » mais il faut noter que jusqu’à présent la contestation ne s’est pas fait entendre. Il se pourrait que s’engage le même processus que sur tous les sites visités par COGEMA ».
Le scandale d’Arlit
Pour illustrer les « bonnes oeuvres » de la COGEMA en Afrique, le site minier d’Arlit au Niger est exemplaire et nous donnons ci-après la traduction par Anne-Marie Chenet (Stop Nogent) d’un article de Roger Moody publié par Wise-Amsterdam le 22 avril 1982 [6] :
«Scandale de l’uranium au Niger»
« Des gamins de quinze et seize ans se font irradier dans les mines sous contrôle français au Niger. Il n’y a quasiment aucune protection contre l’inhalation de gaz radon. La main d’oeuvre, presque exclusivement des nomades Touaregs, reste totalement ignorante des effets de l’exploitation minière. La détection des radiations et les contrôles sanitaires sont inexistants. »
Ce ne sont là que quelques uns des faits rapportés par un réalisateur de télévision britannique qui, avec une équipe de caméramans de l’émission Panorama (UK) ont été les premiers étrangers à visiter Arlit dans la partie nord du Niger. [Le réalisateur] Christopher Olgiati est un jeune homme grand et mince, parlant avec aisance. Il n’exprime pas de griefs particuliers contre le gouvernement militaire du Président Kountché: de fait il le défend contre l’accusation qui s’est répandue selon laquelle le gouvernement aurait permis aux Lybiens de détourner le minerai d’uranium. (Olgiati pense que c’est peut-être une désinformation qu’a fait courir la CIA).
Pour ce que j’en sais Chris Olgiati peut très bien être un défenseur de l’énergie nucléaire. Mais ce qui l’a choqué lors de sa visite durant dix jours de cette région uranifère, une des plus importantes de la planète, ce sont les conditions de vie de la main d’oeuvre locale. Et le contraste avec celles des Français qui occupent les postes de direction.
« Arlit est absolument au milieu de nulle part » m’a-t-il dit dans une interview en exclusivité. » C’est une oasis artificielle construite selon le modèle colonial. Elle a sa propre ville-dortoir avec supermarchés, courses de chevaux, produits de luxe importés de la métropole. Un incroyable choc culturel si l’on compare avec les travailleurs nomades ».
Selon Olgiati c’est la main d’oeuvre nomade qui vient vers la compagnie plutôt que l’inverse. Souvent les nomades ne restent pas plus d’une semaine, prennent leur paie et s’en vont. Certains ne restent qu’une journée. « C’était la grande récrimination française » dit Olgiati, « les ouvriers ne font juste que passer ».
« Il va de soi que les Français n’informent pas les indigènes qu’ils travaillent dans les mines les plus dangereuses du monde, ils n’entendent jamais parler de mesures dosimétriques des rayonnements et un suivi sanitaire quel qu’il soit est impensable ».
« Un sympathique directeur d’Arlit nous a concédé que les nomades travaillaient dans l’ignorance absolue de ce qui pouvait leur arriver dans vingt ou trente ans ». Il y a de grandes mines souterraines à Arlit que l’équipe de la télévision a visitées: « une journée sous terre était plus qu’assez » a commenté Olgiati.
« Le renouvellement d’air semblait correct mais le bruit du forage était insupportable. Je n’ai vu personne porter de masque. Les mineurs remontent des galeries en fin de journée recouverts de poussière radioactive de la tête aux pieds ». Arlit n’est pas la seule mine d’uranium du Niger mais elle a été la première et elle reste la deuxième en importance.
La production commerciale a démarré en 1971 – la production a été de 1900 tonnes en 1980. La teneur moyenne en uranium est actuellement de 0,25% mais en 1978 elle atteignait les 3%. Si l’on se réfère au terrible taux de mortalité parmi les mineurs des mines de Kerr McGee dans les années 50-60 (et leurs conditions de travail étaient probablement meilleures qu’ici) cela signifie que les Français ont signé l’arrêt de mort de milliers de Nigériens dans les années à venir.
Seulement le tiers du consortium SOMAIR d’Arlit appartient au gouvernement nigérien. La COGEMA (filiale du CEA, Commissariat à l’énergie atomique) en détient 27% tandis que la société IMETAL en détient aujourd’hui 19% à travers la compagnie française MOKTA. L’autre géant français de l’uranium MINATOME détient 8% des actions. Des parts moindres sont détenues par Urangesellschaft (6,5%) ouest-allemande et la société italienne AGIP (6,5%) (e). Mais la direction est solidement tenue par les Français. « J’ai eu l’impression d’être en première ligne » dit Olgiati.
« Arlit est très important pour les Français. Ils ont une station émettrice très puissante qui communique directement avec la France et ils ont littéralement haï qu’il y ait une équipe de télévision ici ». L’uranium du Niger est non seulement indispensable au programme électronucléaire massif de la France mais aussi à sa production d’armement (…). L’uranium est transporté vers le monde extérieur par camions vers le Bénin et aussi vers la Lybie par Agadez à 250 km au sud-est d’Arlit où l’avion prend la relève. Chaque convoi est gardé sévèrement mais des accidents et des déversements de « yellowcake » sont chose courante. « Il y a toutes sortes d’histoires qui circulent au sujet de déversements d’uranium hors des camions et qui contaminent les réserves d’eau » dit Olgiati.
Cependant, le plus grand danger est la mine elle-même. Ici, des gens parmi les plus pauvres de la planète travaillent dans un environnement parmi les plus mortels qui soient pour fournir l’énergie aux norias de trains mus à l’électricité des nations les plus riches et alimenter leurs bombes en combustible. Ils sont maintenus dans l’ignorance totale des conséquences de leur travail et lorsqu’ils mourront leur corps ne sera même pas soumis à la formalité d’un examen post-mortem [autopsie]. Il serait difficile de trouver un exemple plus frappant de néo-colonialisme rampant.
Remarque : Ce scandale des conditions de travail des mineurs d’uranium africains n’a jamais fait partie des préoccupations syndicales en France. Ni d’ailleurs des ONG comme Médecins du Monde que nous avons essayé de sensibiliser à ce problème, mais sans succès [7].
Ceci n’est pas étonnant puisque même en France les syndicats des mineurs d’uranium ne se sont guère intéressés à l’excès de mortalité par cancers chez les mineurs d’uranium en particulier par cancers du poumon.
Bien plus, ils ont contribué à masquer le problème comme en témoigne le fait que la réunion sur le thème des déchets miniers et de la surmortalité par cancer chez les mineurs d’uranium [8] n’a pu se tenir à Bessines le 16 décembre 1993 que sous la protection des gendarmes pour empêcher l’intervention violente des dirigeants syndicaux (CGT) qui voulaient casser le matériel de projection de Thierry Lamireau.
Source : //www.dissident media.org/infonucleaire/niger Bella Belbéoch,