Le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (qui sévit, mystérieusement, au nord du continent), qui a revendiqué l’enlèvement, le 5 avril dernier, du consul d’Algérie à Gao, ville du nord du Mali, et six membres de sa mission diplomatique, a lancé, dans la nuit du 8 au 9 mai en cours, un ultimatum de «moins de trente jours» aux autorités algériennes pour satisfaire ses exigences, faute de quoi, l’organisation terroriste menace d’exécuter les sept otages.
L’ultimatum a été annoncé par le porte-parole de l’organisation terroriste, «Adnan Abu Walid Sahraoui». «Nous lançons un ultimatum de moins de trente jours au gouvernement algérien pour satisfaire nos revendications, sinon la vie des otages sera en grand danger», a-t-il déclaré dans un texte.
Le Mujao, dont l’annonce de création a été faite en décembre 2011, est, mystérieusement, fortement armé et disposant de finances considérables pour une organisation terroriste apparue récemment. Le Mujao avait, rappelle-t-on, revendiqué l’enlèvement, le 23 octobre 2011,
à Tindouf, de trois humanitaires européens : deux Espagnols, dont une femme, et une Italienne. Il avait, également, revendiqué l’attentat kamikaze perpétré, le 3 mars dernier, contre un siège de la Gendarmerie nationale à Tamanrasset, faisant 23 blesses. La même organisation terroriste a revendiqué, rappelle-t-on, l’enlèvement des sept diplomates algériens le 5 avril de l’année en cours, à Gao, une des trois principales villes du nord du Mali.
Le chantage au nom de la religion
Le Mujao a, récemment, exprimé ses revendications en contrepartie de la libération des sept diplomates algériens. C’est ainsi que l’organisation terroriste a revendiqué à l’ Algérie le paiement d’une rançon de 15 millions d’euros et la libération de terroristes, dont des terroristes de nationalité étrangère, détenus dans des prisons algériennes, rappelle-t-on. Le porte-parole de la même organisation terroriste, qui fait carrément dans le chantage, a déclaré que «les otages sont encore vivants.
Le gouvernement algérien connaît nos revendications (…). Il est encore temps de se parler. Après, il sera tard», autrement dit remettre l’argent et libérer des terroristes, faute de quoi, les otages seront assassinés. Le 2 mai, le même porte-parole avait menacé l’Algérie d’un attentat si les revendications de son mouvement n’étaient pas satisfaites. «Vraiment, nous pensons à attaquer l’Algérie, comme l’attentat de Tamanrasset qui a été exécuté par deux jeunes, un Sahraoui et un Malien d’origine arabe», avait-il déclaré à l’AFP.
Le fait que l’organisation terroriste se fait appeler «Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest», tout en sévissant dans le nord du continent, et le fait qu’elle possède une telle capacité de nuisance peu de temps après l’annonce de sa création, ne sont pas les seuls détails intrigants. En effet, le Mujao, qui est présenté comme étant une organisation «dissidente» de l’autre organisation terroriste,
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), revendique, outre le paiement de la rançon de 15 millions d’euros, la libération de terroristes d’Aqmi détenus en Algérie puisque ceux-ci ont été arrêtés par les services de sécurité algériens avant même la création du Mujao. Pas seulement ça, puisque depuis la chute du nord du Mali, aucun accrochage n’a eu lieu entre le Mujao (qui occupe une partie de la ville de Gao) et Aqmi (qui occupe Kidal), deux villes du nord du Mali.
Le Mujao est, rappelle-t-on, dirigé par le Mauritanien Hamada Ould Mohamed Kheirou qui, avec ses sbires, n’hésite pas à recourir au chantage (celui d’assassiner les otages qu’ils détiennent) au nom de la religion qui, pourtant, interdit, formellement, ce genre de comportement odieux et lâche.
Des «djihadistes» de différents pays, dont le Pakistan, arrivent en «renfort»
Au même moment, et toujours dans le nord du Mali où seraient détenus nos sept diplomates, nombre de «djihadistes» continuent à arriver en «renfort» à Aqmi, Mujao et Ansar Eddine (autre organisation terroriste contrôlant Tombouctou, une autre ville du nord du Mali, et dirigée par Iyad Ag Ghaly, ancien diplomate malien en poste à Djeddah, en Arabie saoudite).
L’enrôlement, au niveau local et international, de «djihadistes», par les trois organisations terroristes, près des frontières algériennes avec le Mali, est facilité par la circulation d’armes libyennes et celles venues d’ailleurs, et le paiement de rançons par certains pays occidentaux, en contrepartie de la libération d’otages occidentaux. Des «djihadistes» pakistanais sont signalés au nord du Mali. Ils ont été présentés comme étant bien formés à la guérilla et au maniement des armes.
De témoins locaux ont assuré les avoir apperçus circulant à bord de véhicules 4×4, avec d’autres «djihadistes» algériens et mauritaniens. Les «djihadistes» pakistanais ne se sont, eux, pas fait discrets puisque, ajoutent les mêmes sources, ils prêchent dans les rues et mosquées des villes du nord du Mali occupées par Aqmi, le Mujao et Ansar Eddine, le «djihad international».
Eric Denécé, le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), s’exprimant sur la question, a déclaré que «les Pakistanais qui viennent aujourd’hui dans la région ne sont pas encore très nombreux. Ce n’est pas parce que l’on a repéré quelques individus que l’on a affaire à des transferts d’hommes de manière importante.
Cependant, c’est préoccupant car il y a une série de savoir-faire particuliers qui sont en train d’arriver et mis à la disposition de combattants djihadistes ou autres». Les ingrédients d’une «afghanisation de la bande sahélo-saherienne, dont l’Algérie fait partie, sont réunies, donc, par ceux-là mêmes qui oeuvrent pour une internationalisation de la situation dans cette partie de
l’Afrique, et peut-être même dans tout le continent.