Après les manifestations grandioses de ce dimanche revendiquant la démission du président Mohamed Morsi, le calme est revenu hier sur la place Tahrir, au Caire, épicentre de la contestation égyptienne, mais l’opposition se prépare à de nouvelles actions pour aller jusqu’au bout de son action.
Demandant la démission du Président avec l’organisation d’une élection présidentielle anticipée, l’opposition a donné ainsi jusqu’à cet après-midi au président Mohamed Morsi pour qu’il quitte le pouvoir, le menaçant en cas de refus d’une campagne de désobéissance civile, au lendemain de manifestations monstres.
Hier matin, des centaines d’Égyptiens étaient toujours sur l’emblématique place Tahrir du Caire, où la veille, la foule conspuait le chef d’État aux cris de «le peuple veut la chute du régime», reprenant ainsi le slogan déjà scandé en janvier 2011 par les protestataires à l’adresse du pouvoir autoritaire de Hosni Moubarak.
«Nous donnons à Mohamed Morsi jusqu’à mardi (aujourd’hui) à 17 heures pour quitter le pouvoir et permettre aux institutions étatiques de préparer une élection présidentielle anticipée», affirme un communiqué de Tamarrod publié sur son site internet.
Qui ajoutera qu’en cas de refus, «mardi 17 heures sera le début d’une campagne de désobéissance civile totale».
Avec le soutien de nombreuses personnalités et de mouvements de l’opposition laïque, libérale ou de gauche, l’appel de Tamarrod, qui a fait déferler une véritable marée humaine dimanche, appelle désormais l’armée, la police et l’appareil judiciaire à «se positionner clairement du côté de la volonté populaire représentée par ces foules».
Alors que le climat politique délétère et les heurts meurtriers réguliers font craindre de nouvelles violences en Égypte, l’armée, qui avait pris pour un an et demi les rênes de l’exécutif au départ de M. Moubarak, s’est dite garante des institutions.
Dans une Égypte profondément divisée entre ses adversaires, qui dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir destinée à instaurer un régime idéologiquement et politiquement dominé par les islamistes, et ses partisans, en qui il puise sa légitimité des urnes, M. Morsi a une nouvelle fois appelé dimanche soir au dialogue.
Une offre aussitôt rejetée par Tamarrod qui ne voit pas «d’autre alternative que la fin pacifique du pouvoir des Frères musulmans et de leur représentant, Mohamed Morsi».
Quatre ministres démissionnent
Quatre ministres égyptiens ont présenté, hier, leur démission, au lendemain de manifestations massives contre le Président, a indiqué à l’AFP un haut responsable gouvernemental.
Les ministres du Tourisme, de l’Environnement, des Communications et des Affaires juridiques et parlementaires ont remis ensemble leurs lettres de démission au Premier ministre Hicham Qandil, selon la même source.
Le ministre du Tourisme, Hicham Zaazou, avait déjà voulu démissionner le mois dernier en raison de la nomination comme gouverneur de la région très touristique de Louxor d’Adel al-Khayyat, membre d’un parti islamiste lié à un groupe radical ayant revendiqué en 1997 une attaque qui avait coûté la vie à 58 touristes étrangers près de cette ville.
Ces démissions interviennent au lendemain des manifestations monstres de ce dimanche, où des affrontements ont fait au moins sept morts et une centaine de blessés, dit-on de sources médicales et proches de services de sécurité. Ainsi, dans tout le pays, le bilan depuis huit jours serait de 16 morts et 781 blessés.
Des heurts ont éclaté entre pro et anti-Morsi ces derniers jours, faisant huit morts et des dizaines de blessés, selon les autorités.
L’armée donne 48 heures pour résoudre la crise
Pour sa part, l’armée égyptienne a prévenu hier qu’elle interviendrait si les revendications du peuple n’étaient pas satisfaites dans les prochaines 48 heures.
Dans un message lu à la télévision, le commandement militaire a réitéré sa demande pour que les revendications du peuple soient satisfaites et a donné (à toutes les parties) 48 heures, comme dernière chance de prendre leurs responsabilités face aux circonstances historiques auxquelles le pays fait face.
Si les revendications du peuple ne sont pas satisfaites durant cette période, (les forces armées) annonceront une feuille de route et des mesures pour superviser leur mise en œuvre, selon cette déclaration.
Quelque temps après, c’est le ministre égyptien de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui s’est exprimé également à ce sujet en donnant le même délai de 48 heures aux forces politiques pour «satisfaire les revendications du peuple». Il a expliqué que celles-ci ont été exprimées d’une manière «sans précédent».
Le général n’a pas demandé explicitement la démission du président Mohamed Morsi, principale revendication des opposants qui ont manifesté par millions dimanche.
Il a, en revanche, déclaré que l’armée présenterait sa propre feuille de route pour sortir le pays de la crise si les politiques n’arrivent pas à s’entendre.
Il a ajouté que l’armée, qui a géré la transition entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et l’élection de M. Morsi l’été dernier, ne souhaitait plus s’impliquer en politique ou au gouvernement.
Khaled Haddag