Le mouvement antigaz de schiste aux députés d’In Salah, “Vous avez une responsabilité historique”

Le mouvement antigaz de schiste aux députés d’In Salah, “Vous avez une responsabilité historique”

La délégation composée d’une trentaine de députés (FLN, RND) s’est fait remettre par le comité des 22 animateurs du mouvement deux lettres destinées au président Bouteflika et au président de l’APN.

Le mouvement de protestation antigaz de schiste se poursuit toujours à In-Salah. Les tentatives de désamorcer la situation aussi.

La dernière tentative en date est à mettre à l’actif de la délégation parlementaire qui a séjourné, mercredi et jeudi derniers, à l’unique hôtel (étatique) de la ville d’In-Salah, le Tidikelt. Composée d’une trentaine de députés, essentiellement des partis majoritaires FLN et RND, cette délégation, menée par le vice-président de l’APN, Djamel Bouras (député FLN représentant la communauté algérienne dans la région parisienne, en France), est l’une des rares parties à avoir été reçue par les représentants de la société civile (la vraie) de cette ville du Sud en ébullition depuis le début de l’année. Cela a été rendu possible grâce, notamment, à la médiation du député RND de la région, Mohamed Baba Ali, qui reste l’un des rares représentants du peuple à avoir été adopté par les militants antigaz de schiste, pour avoir soutenu leur cause.

Après de longues heures d’échanges avec le chef de la délégation, M. Bouras, qui leur a promis de transmettre leur message au président de la République, et les membres du collectif citoyen, le “groupe des 22”, lui ont remis deux lettres (dont nous détenons des copies) ; l’une adressée au chef de l’État et l’autre au Parlement.

Dans la première, destinée au président Abdelaziz Bouteflika, il était question de réitérer, en des termes plus clairs, leur seule et unique revendication de fermer le puits, ou les puits déjà forés à In-Salah, ainsi que d’empêcher la fracturation hydraulique dans de nouveaux puits. “Tout en vous souhaitant un prompt rétablissement et une meilleure santé, nous vous remercions d’avoir dépêché la commission économique parlementaire, présidée par le vice-président de l’APN, qui nous a écoutés attentivement et pris acte de nos préoccupations : notre unique et importante revendication est d’empêcher la fracturation hydraulique prévue dans le deuxième et dernier puits de ce projet expérimental de gaz de schiste, ainsi que le nettoyage et la désinfection des lieux. M. le Président, nous vous sollicitons pour prendre des mesures fermes pour que vos décisions prônant l’arrêt de ce projet, prises lors du Conseil des ministres, soient appliquées à la lettre (…) Nous vous demandons de geler ce projet et d’ouvrir un débat national (…).”

C’est, en gros, le message essentiel comporté dans la lettre du “groupe des 22” adressée au chef de l’État. Aux élus, les membres du collectif citoyen ont été moins cléments en portant aux représentants des deux Chambres (APN et Sénat) “la responsabilité historique” d’avoir voté la loi de 2013 sur les hydrocarbures qui a balisé le terrain pour le lancement de ce projet de gaz de schiste. “Nous portons la responsabilité historique aux représentants des deux Chambres parlementaires ayant voté la loi sur les hydrocarbures, sans prendre en compte ni l’avis des experts encore moins celui des citoyens.

Sans cette loi, ce mouvement de protestation, qui pénalise toute notre région, n’aurait jamais existé. Aujourd’hui, vous êtes tenus de prendre une position digne, et qui doit découler de votre amour pour ce pays et son peuple”, lit-on dans la lettre adressée aux parlementaires. Le message est fort.

Certains députés semblent l’avoir déjà assimilé en avouant qu’ils n’étaient pas maîtres de leur décision à l’occasion du vote de la loi sur les hydrocarbures en 2013. (Lire encadré). Pour les prendre à témoins et les sensibiliser davantage sur les dangers que représente l’exploitation du gaz de schiste, le “groupe des 22”, en collaboration avec les autorités locale, a organisé, dans la matinée de jeudi dernier, une visite sur le site d’exploration du gaz de schiste pour l’ensemble des parlementaires présents à In-Salah. Ceci, tout comme ils n’ont pas hésité à faire venir M. Bouras à la place de la Résistance où il a été hué par la foule de citoyens pour qui seule la décision d’arrêter les forages compte.

À signaler, par ailleurs, que des heurts ont été enregistrés, dans l’après-midi d’hier, sur le site d’exploitation, entre les éléments de la brigade antiémeute de la Gendarmerie nationale et des manifestants ayant tenté d’y installer une tente. Cet incident, sans dégâts majeurs à déplorer, se produit pour la première fois depuis l’enclenchement du mouvement citoyen à In-Salah.

F. A