Le mouton de l’Aïd semble avoir mangé de la vache enragée, À la recherche de la toison d’or…ge

Le mouton de l’Aïd semble avoir mangé de la vache enragée, À la recherche de la toison d’or…ge

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, aurait-on aimé dire et raconter. En effet, bien désabusé, le pauvre évoque le quotidien pas de tout repos.

Telle la toison d’or du célèbre voyageur grec, en Algérie tout est matière soit à un lever de bouclier, soit objet de discours de désolation et pour autant dire de jérémiades. Il y a même l’éleveur de cheptel, ovin pour le cas qui nous intéresse, qui trouve que sa situation socioprofessionnelle n’est guère reluisante. En fait, l’on est bien loin de l’image du «bédouin» qui écume les boîtes de nuit, dépensant des liasses de billets.

Topo

Partis le vendredi en visite à Djelfa, c’est à peine si l’on remarque au détour de notre parcours des groupes de moutons autours desquels il n’y avait à vrai dire pas grande foule. Par contre, le samedi à notre retour, camions, camionnettes, transportant des béliers mais aussi brebis et des chèvres vadrouillent sur les routes, quelquefois interceptés par les barrages de la Gendarmerie nationale. Accomplissant le trajet Djelfa-Blida en taxi, nous aurons même tout le loisir d’être dépassés par un véhicule de tourisme à la malle entre-ouverte et dans laquelle était ligoté un mouton, signe d’un trophée acquis par un acquéreur pas peu fier d’exhiber sa bête à immoler.

Boughezoul

En plus des camionnettes, majoritairement immatriculés 26 et 17, donc des wilayas de Médéa et Djelfa, et dans une moindre mesure Boumerdès et Alger, sillonnent les routes. Aussi, nous observerons à Boughezoul, la nouvelle ville, un centre dont on ne sait trop ce qui va en ressortir, une très grande surface située à sa sortie Nord est réservée à la vente d’ovins. Pour ce jour de samedi, premier jour de l’entrée en vigueur des points de vente décidés par les pouvoirs publics, le négoce est dur dur. Toutefois, et à vrai dire, faute d’interlocuteurs, l’on ne peut affirmer que les points de vente sont tous formels.

Djelfa

C’est une pluie légère qui nous accueille le vendredi après-midi, après un voyage en bus qui aura duré plus de six heures. D’après les plaques de signalisation routière, Djelfa est à exactement 314 kilomètres d’Alger. Pour cette ville des Hauts-Plateaux, les Djelfaouis s’enorgueillissent que leur wilaya soit classée quatrième (4ème) sur le territoire national en termes de population, laquelle est estimée à quelque 1 400 000 âmes.

Saâd, un chauffeur de taxi clandestin que nous avons pris dans une course, avance le chiffre de 1 200 000 âmes. Et notre clandestin de nous emmener en tournée à travers une ville dont les ilots d’habitation et d’infrastructures socio-administratives, les commerces sont alignés; même les ruelles et routes du centre de la ville de Djelfa sont espacées.

Cela nous change des ruelles exigües des villes du Nord. Notre chauffeur nous fait l’énumération des différents quartiers de la wilaya, des appellations dont on se souvient à peine et notre Saâd s’écrie à la vue d’une mosquée située au centre de Djelfa : «Autant j’applaudis à la bâptisation de la Place centrale du nom du défunt Mohamed Boudiaf, autant je suis outré par le fait que l’on ait débaptisé la mosquée, à l’origine portant le nom de l’un des Compagnons du Prophète, Khaled Ibn Walid, par le nom de l’ex-colonel de la Gendarmerie nationale «Si Mohamed Benchrif». Toutefois, notre clandestin nous oriente vers un hôtel bon marché. Ailleurs, une nuitée coûte la bagatelle de 5 000 DA.

El-Hadj Mohamed Griouèche

Khaled, un éleveur djelfaoui énumère moult griefs à l’endroit des pouvoirs publics. Nostalgique, il déplore les coopératives agricoles d’antan. À propos d’orge tout d’abord, il conteste que cet aliment de bétail ne soit distribué qu’’à raison de deux quotas sur les douze mois de l’année. «C’est très insuffisant pour couvrir les besoins de notre bétail, estime Khaled critiquant la pratique de l’OAIC : Office algérien interprofessionnel des céréales, et des CCLS : Coopérative des céréales et des légumes secs.

«Nous ne sommes pas traités sur un même pied d’égalité avec les autres pistonnés du système de distribution de l’aliment de bétail», dit-il. «Les responsables distribuent de l’orge avec parcimonie et nous renvoient ailleurs à cause de, soi-disant, leur stock insuffisant pour couvrir les besoins de tous les éleveurs», poursuit-il indiquant que dans la plupart des cas, lui et les siens se trouvent obligés de recourir à l’orge vendu en seconde main à raison de 2 700 DA le quintal alors que le prix d’État et de 1 550 DA/le quintal.

Pour certains, et ils sont légion, les conditions climatiques sont telles que pour abreuver les bêtes, les éleveurs se procurent l’eau vendue par le biais de camions-citernes. Selon les propos du père de Khaled, le dénommé El-Hadj Mohamed Griouèche, il fut une époque où son troupeau parcourait les pâturages allant brouter même jusqu’à Hamma Guer à Béchar, et restant ainsi à arpenter les terres des Hauts-Plateaux durant de longs mois afin de s’alimenter. Nous parcourions de 15 à 20 kilomètres par jour, a-t-il dit encore.

La fièvre aphteuse : une machination !

Et notre vénérable vieillard de certifier que les béliers d’Ouled Naïl à Djelfa et ceux de Ouled Djellal à Biskra sont reconnus mondialement pour la qualité de leur viande. D’autres, rares ceux-là, contestent cette assertion. Mon fils Khaled après une courte période passée à gérer un commerce, a repris le relais et a hérité de la profession; et quoique un peu citadinisé, veille sur le troupeau de famille se réjouit notre cheikh véritablement décidé à affirme qu’’il y a la main du juif derrière la contrebande du cheptel ovin. En majorité ce sont des gens appâtés par le gain facile qui achètent au prix fort des moutons afin de les écouler sur le marché tunisien, affirme El-Hadj Griouèche.

De la Tunisie, le mouton algérien transite par l’Italie avant d’atterrir en Israël. Lui emboitant le pas, Khaled va même jusqu’à affirmer que l’épidémie de la fièvre aphteuse est une machination fomentée par des gens maffieux. Des gens sans scrupules et sans vergogne ont infecté le cheptel algérien afin de gagner des masses sur la vente de vaccins dont ils sont les seuls à pouvoir les acquérir auprès des laboratoires étrangers, nous dit-il. Cependant, il n’avance que des arguments en guise de preuves.

Toutefois, il est visiblement inquiet à l’idée d’être obligé de vendre son troupeau à moitié prix et refuse, malgré notre insistance, à dire si la fluctuation des prix du mouton ira à la baisse ou au contraire sera un peu plus salée. Ali Djenidi, président de l’Association El-Âfia de protection et de promotion du consommateur et néanmoins secrétaire général adjoint de la FAC : Fédération algérienne des consommateurs, ne renouvelle pas ses déclarations tonitruantes relative à la vente du cheptel algérien en Israël et se contente de compatir avec les éleveurs.

De même qu’il se refuse d’incriminer le corps des vétérinaires. Selon des propos rapportés par des éleveurs et même des revendeurs de moutons, les vétérinaires auxquels ils ont eu affaire se contentent d’apposer leur signature au bas d’un imprimé servant comme sésame de circulation interwilayas sans prendre la peine d’ausculter les bêtes.

Difficile de trouver un berger

De son côté, Si Mustapha Griouèche, un éleveur sur les 5 000 que compte la wilaya et parmi lesquels il n’en existe que 1 000 éleveurs dignes de ce nom, estime Ali Djenidi, il n’est pas facile de trouver des bergers par les temps qui courent. «J’ai proposé un salaire de 40 000 DA/mois mais malheureusement je ne trouve pas de berger.

Les jeunes ont été dévoyés avec la politique engagée par les autorités publiques, notamment celle entrant dans le cadre de l’Ansej qui permet au candidat de profiter des largesses de l’État et qui est cause de la désaffection des jeunes des véritables métiers», nous explique Si Mustapha qui est nostalgique des années 1970 et de l’époque du président Houari Boumédiene, -et il n’est pas le seul dans son cas à l’intérieur du pays. .

«Je défie les cadres portant costume-cravate de maîtriser le sujet des éleveurs de bétail et de manière générale le monde des paysans. Vous ne connaissez rien», me dit-il m’invitant à venir vivre avec les éleveurs durant les mois de décembre et janvier lorsque le froid est glacial. Il n’y a que Mohamed Alioui, le secrétaire générale de l’UNPA : Union nationale des paysans algériens qui trouve grâce à ses yeux.

Un bélier à 90 000 DA

Plus à propos et pressé par nos interrogations, nos interlocuteurs indiquent que la moyenne de vente du mouton varie de 35 000 DA à 57 000 DA. Ils peuvent atteindre les 70 000 DA, nous avait auparavant indiqué un revendeur de la banlieue algéroise –Attatba dans la wilaya de Tipasa- qui vadrouille au niveau des marchés à bestiaux. Ce sont les marchés des Hauts-Plateaux qui dopent les prix, a accusé ce revendeur.

De leur côté, nos interlocuteurs de Djelfa accusent les revendeurs qui viennent de l’Est du pays qui mettent le paquet en achetant à des prix défiant toute concurrence, ont-il assuré pointant du doigt ceux de la wilaya de Tébessa. Et pourtant à Djelfa même, un Djelfaoui rencontré dans un estaminet nous a affirmé qu’un bélier a été cédé au prix de 90 000 DA. Prix hallucinant et assertion à peine croyable. En fait, Ali Djenidi le représentant des consommateurs explique que les éleveurs sont des gens qui n’ont pas de compte en banque et qui vivent du fruit de leur profession.

Le cheptel est notre seule source de revenus pour nous et nos familles, renchérit Khaled Griouèche, finalement décidé à saisir les autorités publiques ne serait-ce que par le canal de la presse et qui va même jusqu’à proposer à ce que les banques envisagent de financer l’activité de l’élevage. C’est l’un des moyens qui pourront sauver la profession d’éleveur et de l’autre, feront en sorte qu’enfin le consommateur algérien pourra consommer de la viande régulièrement et pas uniquement durant les périodes de fête, souhaite-t-il.

Mohamed Djamel