Le National Intelligence Council (NIC), cellule de réflexion et centre d’analyse stratégique à long terme de la CIA, produit tous les quatre ans des scénarios prospectifs pour aider le gouvernement américain, nouvellement entré en fonction, à comprendre les tendances mondiales. Tout récemment, après la réélection de Barack Obama en novembre dernier, il a rendu public son dernier rapport, le cinquième non classifié, « Global Trends 2030-Alternatives worlds » (Des mondes alternatifs, tendances globales en 2030), qui donne une représentation du monde à cet horizon.
Les auteurs de ces rapports quadri-annuels avertissent, cependant, que leur réflexion sur les changements susceptibles d’intervenir n’est pas une prédiction de ce que sera le monde dans les quinze prochaines années, mais une simple vision « sur les principales tendances mondiales qui pourraient se développer. » Ce nouveau rapport reprend dans ses grandes lignes le précédent « Global Trends 2025-a Transformed World » (Un monde transformé, tendances globales en 2025), prévoyant le déclin des Etats-Unis au profit de puissances émergentes, notamment la Chine, sans qu’aucune ne soit en position d’hégémonie mondiale, et la multiplication de conflits pour les ressources comme l’eau, la nourriture et l’énergie.
Le « Global Trends 2030 » suppose une transformation radicale, d’ici cette date, de notre monde qui verrait quatre grandes tendances se réaliser. D’abord, un développement de l’autonomie des inpidus, en raison, explique le rapport, de la réduction de la pauvreté et, par voie de conséquence, de l’accroissement de la classe moyenne dans le monde. Le National Intelligence Council qualifie ce changement de tectonique pour dire les bouleversements et les mouvements « sismiques » qui se produiront, d’ici peu, à cause ou grâce à cette autonomisation des inpidus, au carrefour de toutes les autres tendances.
Ensuite, la diffusion du pouvoir des Etats dans des réseaux informels. Les Etats-Unis et l’Europe perdraient au cours de cette période leur hégémonie mondiale au profit de l’Asie, dans les domaines économique, démographique, militaire et technologique. Bien avant 2030, prévoit le rapport du NIC, la Chine aura dépassé les Etats-Unis. Et d’autres Etats, comme l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, la Colombie, le Nigeria, l’Afrique du Sud et la Turquie joueront un rôle majeur dans l’économie mondiale. Alors que l’Europe, le Japon et la Russie connaîtraient, d’après ces prévisions, un déclin relatif.
Troisième tendance lourde prévue par la cellule de réflexion de la CIA, la démographie marquée par un vieillissement de la population mondiale, aussi bien en Occident que dans la plupart des pays en développement, les migrations devenues un problème transfrontalier et l’urbanisation croissante qui dopera la croissance économique mais aura, à coup sûr, des répercussions sur les besoins alimentaires et en eau, deux facteurs susceptibles de provoquer des conflits internes et externes.
La nourriture, l’eau et l’énergie constituent la quatrième tendance « tectonique » du fait de l’accroissement de la population mondiale qui serait de 8,3 milliards, des habitudes de consommation des classes moyennes qui auront, elles aussi, nous l’avons dit, sensiblement augmenté et du changement climatique aggravant le manque de ces ressources vitales.
Le Moyen-Orient et le Maghreb seront particulièrement touchés par ces phénomènes qui perturberaient leur stabilité et pourraient provoquer des guerres inter ou intra-étatiques. Si l’on en croit, encore une fois, le National Intelligence Council, le monde serait radicalement transformé d’ici à 2030, mais il pourrait, disent les rédacteurs du « Global Trends 2030 », se transformer de façon tout à fait différente. Cela laisse de l’espoir.
Brahim Younessi