Ils observent que leur monde disparaît de jour en jour, que ses valeurs prennent l’eau et qu’ils ne sont en définitive que les épaves d’une époque qui fait naufrage.
Il faut se féliciter aujourd’hui des progrès considérables de la science et de la technologie
Ils sont indéniables et personne ne peut les contester.
Mais sommes-nous bien sûrs que ce modèle de vie convienne à tout le monde ?
Sommes-nous bien sûrs qu’il facilite la vie de chacun et que tous y trouvent leur compte ?
Il est difficile de trancher la question par un oui ou par un non, mais il est clair que sur le terrain de tous les jours les anciens éprouvent d’énormes difficultés à suivre les différents changements et le rythme de ces changements qui s’opèrent et qui transforment peu à peu leur environnement presque en enfer.
C’est un phénomène dont on parle très peu.
Hormis quelques exceptions, la plupart des sexagénaires et même des quinquagénaires galèrent littéralement aujourd’hui dans les méandres d’une société dont ils ne situent pas exactement les repères.
Tout a changé pour eux.
Ils constatent avec amertume par exemple qu’on ne respecte pas assez leur âge et leurs cheveux blancs et que la nouvelle génération pense qu’elle ne leur doit rien, dans la mesure où elle croit tout savoir.
Ils observent que leur monde disparaît de jour en jour, que ses valeurs prennent l’eau et qu’ils ne sont en définitive que les épaves d’une époque qui fait naufrage.
De leur temps, ils connaissaient tous les employés de la mairie et il leur suffisait d’envoyer un de leurs enfants au service d’état civil pour qu’il ramène en moins d’une heure leur extrait de naissance.
Aujourd’hui, il faut faire la chaîne, il faut supporter les bousculades et la promiscuité et il faut même hausser le ton pour arriver indemne au guichet.
Alors que de leur temps, les voisins formaient dans le quartier ou dans les immeubles une famille soudée et solidaire où l’entraide était un devoir sacré, aujourd’hui c’est à peine si on leur dit bonjour sur le palier.
Chacun se calfeutre chez soi sans s’occuper de ce qui se passe chez les autres. Plus que la qualité des relations que cultivent les uns avec les autres, ils se rendent compte qu’une partie de l’humanité qui est au fond de chacun s’effiloche au fur et à mesure que les temps deviennent difficiles.
Ils se rendent compte avec frayeur que le fils, dans certains milieux défavorisés est capable de battre son père, de corriger sa mère et même d’égorger son propre frère ou sa propre sœur.
Ils réalisent, dans un monde qui fait bouger perpétuellement ses lignes, que les adolescents de 14 ans peuvent se donner la mort, peuvent la donner aussi et que des fortunes colossales peuvent être montées en quelques années, voire en quelques mois. Et ce n’est pas fini.
Ils réalisent par exemple, que le maître d’école n’est plus ce qu’il était, qu’il n’a plus le même charisme, qu’il se familiarise facilement avec ses élèves et que ses élèves sont parfois capables de lui administrer une correction dans sa classe même.
I.Z